trente-cinq

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Dernière inspiration en direction d'un ciel brumeux, se sentir vivre n'est plus suffisant pour éviter son inverse, le trépas.

Peu importe à quel point les astres brilleront ce soir, aucun d'eux ne parviendra à m'épargner des flammes de l'Enfer, des bouteilles brisées, des morceaux de verre trempé, des pleurs des familles, des quelques filles concernées par nos sorts, des cris des amis remplis de haine mais qui ne sont pas simples amis, véritables frères liés par les ennuis, par le sang, par les cicatrices et le bleu de leur peau. Pluralisme d'âmes qui se retrouvent lorsqu'il s'agit d'aider, de sauver, de se battre pour se sentir exister ou de tout tenter pour se calmer, se rendre aussi innocents et beaux qu'ils étaient avant, enfants ; la détermination de s'en sortir ne prime jamais sur celle d'en finir, la passion finit toujours par me dominer le cœur qui ne sait ressentir à moitié, toujours trop impliqué !

Acharnement viscéral, l'esprit jusqu'ici maîtrisé par les souvenirs du passé se retrouve assiégé par le présent, par de grands cris de détresse provenant de la cave mais dont personne ne s'occupe, trop concentré sur l'arme à feu braquée sur nous : l'épicerie ne m'a jamais semblé si noire, les minimes rayons semblent se rapprocher pour nous écraser, pour nous exterminer plus vite que le plomb puisque de toute façon, aucun de nous ne parviendra à s'échapper. Un guet-apens, un piège qui n'était censé concerner que moi, seulement moi, seulement le second meurtrier présent entre ces quatre murs et qui, par réflexe peut-être inutile, s'est avancé de quelques pas pour tenter de protéger le monde le plus possible, les deux étoiles m'ayant vu grandir, courir vers le ciel ou me noyer en Enfer, près des flammes tout en me tendant leur main pour me redresser, pour m'épauler dans les pires instants. Il n'y a plus rien, plus personne, silence écrasant qui se brise en un instant.

Pourquoi voudrais-je sauver autrui si, toute ma vie, je n'ai fais qu'enfoncer à mes côtés ?

«Les autres ne le savent pas mais moi, je t'ai vu de mes propres yeux ! Espèce de chien, tu pensais que je reviendrais pas, tu pensais que ton pote m'avait fumé mais je suis là et je viens finir le travail.»

Kassim m'attrape le poignet pour m'empêcher de bouger parce qu'il sait très bien que j'allais le faire, j'allais bêtement lui sauter dessus pour le frapper quitte à crever d'une balle dans le coeur, d'un sang sur le sol. Je reste silencieux, observant le regard embué de chaleur de Chamseddine qui tient fermement son flingue en ma direction sans flancher, ne serait-ce qu'un peu trembler, complètement résolu à venger son faux thaïlandais qu'il considérait comme quelqu'un de sa famille et je ne peux rien dire, ni faire puisque j'ai tenté la même chose, cercle de vengeance n'en finissant plus.

Quelques bruits se font entendre depuis la cave, je sens la respiration de Kadir se brouiller derrière moi, j'ai peur qu'il perde connaissance ou qu'il se mette à crier à cause de son idiote de sœur qui paraît vouloir remonter alors qu'il ne le faut pas, surtout pas !

«–Attends avant de vouloir tirer, je veux te parler correctement. Avant toutes ces conneries, on était potes non ?
–JE M'EN BATS LES COUILLES HASSAN, C'EST FINI ! Tu m'as pris Shaya, Saenchai, ton pote m'a pris Hayat, ton autre pote a voulu me descendre moi, qu'est-ce que tu veux de plus ?! Pourquoi tu veux pas me laisser tranquille, me rendre ce qui me rendait heureux ?!»

Incendiaire de nos âmes qui semblent se comprendre autant qu'elles se combattent, il aurait pu faire de grandes choses s'il n'était pas rongé par sa maladie.

«–Je l'ai pas pris Shaya putain, elle s'en bat la race de moi puisque c'est toi qu'elle aime, t'es con ou quoi ?! Elle est venue pleurer chez moi à cause de toi et de tes conneries, t'as tué un mec qui avait rien demandé, t'as tabassé ta sœur parce qu'elle aimait, t'as pensé qu'à toi depuis le début alors qu'il y avait des gens pour t...
–TA GUEULE, Y'AVAIT SAENCHAI MAIS IL EST MORT A CAUSE DE TOI !»

ALTÉRITÉOù les histoires vivent. Découvrez maintenant