X - Euros

14 6 4
                                    

Le vent soufflait avec force dans les champs d'opale. Ces derniers, faisant face à Euros, sont avec la province du Pantry, l'un des poumons alimentaires du royaume. Euros, capitale économique d'Ethyria, de par sa position sur des mines de joyaux et de charbons, était à l'origine une simple cité minière. Aussi étonnant que cela puisse paraître, la ville n'avait connu que très peu de bataille et jamais en un millénaire elle n'avait eu de fortification. Il était impossible de s'y retrancher. La seule solution restante pour la défendre fut de se mettre entre elle et l'armée des cendres.

Il n'y avait plus ni fermiers ni marchands dans les champs d'opale, seulement de grands hommes vêtus de fer. L'armée d'Ethyria se tenait fermement en l'attente du combat. En première ligne, les dix mille cavaliers attendaient en formation, prêt à charger aux sons des cors. À moins d'une cinquantaine de pas derrière, se tenait une première ligne forte de six mille fantassins, boucliers lourds en mains. Ils patientaient, prêt à faire bloc de leur corps face à l'assaillant. Vinrent ensuite quatre autres lignes puis des colonnes de chars. Enfin, le commandement se trouvait en derrière ligne, presque aux portes d'Euros. Le roi lui-même assisterait au combat, donnant les ordres. Ces derniers se relayaient selon les coutumes guerrières par le son des cors. Thorswald Von Heitz, Ministre de la Guerre portait son armure argentée et se tenait aux côtés de son souverain. Ils étaient prêts.

*

Leurs jambes, ankylosées par le poids de leurs équipements, tremblaient. Rester debout autant de temps commençait à peser sur leur physique et leur moral. Pour égayer un peu les braves, les bardes enjolivaient le champ de la mélodie de leurs luths. Le soleil trônait haut dans le ciel. Déversant sur les soldats les lourds rayons orangés.

Soudain, le vent tourna. Le ciel sembla se couvrir d'une robe grisée et une lourde odeur de cendre envahit la province. Au loin, les unités de reconnaissance se lançaient au galop pour rejoindre les forces stationnées. Dans leurs sillages, l'implacable mur de cendre arrivait.

En guise de réponse, le roi fit sonner les instruments. Un tintement métallique résonna entre les rangs. Les bardes se replièrent jusque dans la cité. Les hommes se tenaient prêts, armes dégainées, arcs tendus et piques en direction du danger. À bonne distance de l'armada, la brume se mit à ralentir lentement jusqu'à se stopper entièrement. Le nuage sembla se contracter avant de vomir un premier essaim d'homme de cendres. Maintenant ses efforts, il en cracha un second, puis un troisième. Sans aucune tactique, les monstruosités firent feu de toute jambe sur leurs ennemis.

En première ligne, sur un destrier vêtu d'un caparaçon en or et au chamfron orné de saphir, la troisième Lame Durand se préparait à mener la charge.

— Preux cavalier ! Vous avez prêté serment sur le Dieu Unique de défendre les terres des Hommes ! Tiendrez-vous parole ! hurla-t-il.

Les troupes lui répondirent d'un seul « oui », qui vint faire trembler le sol de la plaine lui-même.

— Ces horreurs viennent nous prendre ! Elles viennent tous nous prendre ! Elles ont fait une longue route pour nous, remercions-les comme il se doit ! Chargez !

Un véritable torrent métallique retourna le sol. La charge de la dizaine de milliers de cavaliers résonna jusque dans les mines souterraines. Le choc semblait imminent. Les hommes de cendres, toujours plus nombreux et sans conscience ni peur, continuaient à avancer. Les deux armées s'entrechoquèrent. Sans grande surprise, les assaillants furent balayés par la charge impitoyable. Une brume de cendres recouvrit les cavaliers. Ils annihilèrent une bonne moitié des forces occultes, avant d'entamer une manœuvre de repli. Les cavaliers s'estompèrent sur les flancs, avant de reconstituer leur ligne, et de charger à nouveau. Dans un premier temps, la stratégie paya. Les hommes de cendres se trouvaient dans l'impossibilité d'établir une horde suffisamment nombreuse pour tenir tête à la charge. La brume ne vomissait pas ses enfants suffisamment vite. Les charges se succédaient et les pertes chez les cavaliers se trouvaient minimes.

Le mur de cendre semblait inépuisable. Les quelques cavaliers qui s'aventurèrent trop proche furent happés par la masse difforme. Après un gargouillis intestinal qui inondait la région, la brume donnait naissance à une portée de soldats géants, comme celui qui avait brisé la porte de Shankcutter. Ces ennemis, bien que lent, se révélaient mortels face aux cavaliers. Pour la première fois, la charge se trouvait affectée et compta de nombreux morts.

Le roi réagit immédiatement. Sur ordre, les cavaliers se replièrent jusqu'aux lignes arrière, venant compléter les colonnes de chars. Couvrant cette manœuvre, les archers firent feu de toutes flèches, inondant le champ d'une mer de flamme. Malgré cela, les assaillants ne faiblirent pas. Désormais, ce n'était pas moins d'une vingtaine de mastodontes qui chargeaient en première ligne, laissant dans leur sillage une horde de plusieurs dizaines de millier d'hommes des cendres. La bataille, la vraie, pouvait enfin débuter. La première ligne de soldats avança en formation tortue, permettant ainsi de stopper la course des assaillants. Ils souffrirent de nombreuses pertes par les mastodontes qui eux-mêmes se trouvaient pris pour cible par les archers. Les molosses attrapaient les hommes par poignées et les faisaient voler sur des centaines de pas. Les chevaliers, appuyés par des cohortes de soldats, combattaient avec bravoure et détermination. Afin d'affaiblir les attaquants, une nouvelle charge de cavalerie eût lieu. Cette dernière rasa les flancs de l'armée ennemie. Le combat penchait en faveur des Hommes, qui luttaient avec ardeur. Cependant, comme lors de la bataille de Shankcutter, la brume vomissait des créatures sans discontinuer. Sur la ligne de front, les soldats combattaient avec des cendres ardentes jusqu'aux genoux. Leurs chances de survie se trouvaient faibles, et même dans le cas où ils survivraient à cette bataille, ils en porteraient les stigmates jusqu'à la fin de leurs jours.

Afin d'appuyer les belligérants, des trébuchets tout justes installés par le génie, firent feu en toute hâte sur les essaims occultes.

Même si la situation semblait favorable, l'armée ne pourrait pas l'emporter si la brume ne taisait ses vomissements. À l'usure, il paraissait évident que les hommes de cendres finiraient par l'emporter.

𝐌𝐚𝐫𝐜𝐡𝐞 𝐚𝐛𝐲𝐬𝐬𝐞Où les histoires vivent. Découvrez maintenant