Coupés du monde

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J'ai toujours fait passer mon travail avant tout le reste. Pour un journaliste, le moindre événement est une opportunité mais là, il s'agissait de bien plus qu'un événement. Le Japon était en crise. La population avait peur. Le pays commençait à disparaître petit à petit et les futures générations étaient menacées. Des tas de familles ont été relogées après la disparition des zones habitables les plus éloignées du centre du pays.

Dans certaines des villes les plus menacées, c'était le chaos. Les rues ne servaient qu'aux manifestations de cette population effrayée et en colère.

Je devais y aller, mais il fallait faire en sorte que ma fiancée ne se doute de rien. On sortait déjà d'une crise à cause de mon boulot. Elle me reprochait de ne jamais être présent, d'être toujours aux quatre coins de la terre pour montrer la misère du monde. Mais c'était important pour moi.

J'ai prétexté un voyage en amoureux. Elle ne prêtait pas attention à ce qui se passait dans le monde et n'avait sûrement pas idée de ce qui se passait au Japon.
J'ai trouvé un hôtel dans un coin tranquille, elle ne s'est doutée de rien, au moins pour la nuit.

C'était plus compliqué quand, le lendemain, j'ai demandé ma route à un homme dans la rue. Je lui ai demandé en anglais, et elle n'en comprenait que quelques mots.

- Qu'est-ce que tu lui as demandé ?
- Rien d'important.
- Tu n'es pas venu pour des vacances n'est-ce pas?
- Qu'est-ce que tu racontes ?
- Tu as emmené ton bloc note et ton traducteur ... tu es venu pour le boulot ?
- Mais non voyons.
- Ne mens pas.
- Oui, c'est bon, je suis venu pour le travail.
- Tu ne penses vraiment qu'à ça !
- Mais non, sinon je ne t'aurais pas emmenée !
- C'est pour faire passer la pilule plus facilement, encore une fois.
- C'est ici !
- Quoi ?

J'avais trouvé le point de rassemblement d’une énorme manifestation. Des gens se bousculaient, des objets et de la nourriture volaient dans tous les sens. Les forces de l'ordre tentaient de calmer les plus enragés, c'était la pagaille.

- Qu'est-ce que c'est tout ça ?
- Ça, c'est la crise qui dure depuis des mois.
- Qu'est ce qu'ils ont ?
- Ils ont peur. Ils sont inquiets.
- Pourquoi ?

Je n'ai pas eu le temps de lui répondre, on a été séparés par la foule. Après avoir tenté de l'appeler, sans réponse, je me suis senti soulevé du sol. Quelqu'un a posé quelque chose contre ma bouche, puis plus rien.

Je me suis réveillé sur un matelas, tellement fin, que je pouvais presque sentir le sol à travers. Il faisait sombre, comme dans un cave. D'ailleurs ça y ressemblait. Il n'y avait rien d'autre que des caisses en bois dans cette pièce. Je n'ai appris qu'un peu plus tard qu'il y avait des toilettes derrière l’un des tas de caisses.

La seule ouverture en plus de la porte n'était qu'un trou a peine plus gros que ma tête, d'où rentrait la seule petite source de lumière qui m'empêchait d'être dans le noir total. Ce trou était tellement haut qu'il était impossible de l'atteindre.
J'ai essayé de forcer la porte, sans succès.

- Tu n'y arriveras pas.

J'ai sursauté, en entendant cette voix. Une silhouette venait de sortir d'un coin sombre de la pièce.

- Je ne mords pas, ne t'inquiète pas.
- Où est ce qu'on est ?
- Je n'en sais rien.
- Qu'est-ce que je fais là ? Et ma fiancée ?
- Ils n'aiment pas les journalistes. Si elle ne l'est pas, elle ne sera pas inquiétée.
- Qui "ils" ?
- Ceux qui nous ont emmenés ici.
- Qu'est ce qu'ils nous veulent ?
- Je me pose la même question, mais je pense que ça doit être encore purement politique.
- Ça fait combien de temps que tu es là ?
- Je ne sais pas, j'ai arrêté de compter. Ils viennent tous les jours déposer de l'eau et de la nourriture, j'ai même droit au savon, quelle chance. C'est sûrement un prétexte pour voir si je suis vivant.

Il s'est avancé vers moi, laissant dévoiler son visage.

~~~A suivre...

Juste une foisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant