Le samedi suivant je sortis de la maison en début d'après-midi, pendant que ma mère faisait les courses pour la semaine prochaine. Je me pressais vers la forêt, courant presque. Je n'avais plus eu de nouvelles de Codd depuis cet incident. Je pénétrai dans la forêt en espérant retrouver mon chemin. C'est à ce moment qu'un flot de senteurs et de bruits inconnus m'assaillit. L'odeur de la forêt m'enhardit, je me sentais pour la première fois dans mon élément. Au bout de quelques minutes de marche, une odeur que je connaissais depuis peu me stoppa dans mon élan. Celle du loup noir. Il était donc là.
La piste m'amena sur une route gravillonnée. J'ignorais qu'une route, même si elle ressemblait plus à un chemin, se trouvait dans la forêt censée être abandonnée depuis longtemps. Un peu plus loin se trouvait un homme adossé contre la carrosserie d'une voiture. Il leva la tête vers moi au moment où je sortis d'un buisson. J'hésitai un instant avant que mon odorat ne me confirme qu'il était bel et bien le loup noir. Je m'avançai prudemment.
- Pas la peine de te faire tout petit comme ça, je ne vais pas te manger !
Sa voix grave me fis sursauter. Il rit et ouvrit la portière du siège passager.
- Allez monte, je t'emmène voir les autres.
Toujours pas très rassuré, j'obéis sans rechigner, me demandant s'il était loup ou humain. Peut-être avait-il une vie en ville. Et visiblement il n'était pas le seul dans ce cas.
La voiture roula un moment pendant lequel nous n'échangeâmes pas le moindre mot. Si ce n'est qu'une très brève présentation. Je connaissais désormais son prénom : Benjamin. Je le renseignai sur le mien et la conversation s'arrêta là. Je fus soulagé lorsque la voiture entra dans la cour d'une maison de grande taille. Elle faisait incongrue au milieu de la forêt. Nous sortîmes de la voiture et Benjamin ouvrit la porte d'entrée, qui donnait sur une grande pièce commune où se trouvait en même temps la cuisine, la salle à manger et le salon. A l'intérieur se trouvait deux filles qui me dévisagèrent. La première chose que je remarquai fut leurs yeux jaunes.
La première à venir vers moi fut celle avec les cheveux noirs, qui se présenta comme étant Sylia. Elle se tourna ensuite vers la rouquine au visage rond qui semblait trépigner d'impatience.
- Salut, je suis Fina et ici c'est...
Benjamin la stoppa net.
- Fina, je ne lui ai encore rien expliqué, calme-toi.
La jeune fille se rembrunit et s'affala dans un canapé un peu plus loin. J'en profitai pour mieux observer Sylia. Elle semblait être un peu plus jeune que Benjamin, tandis que Fina devait être plus âgée que moi de quelques années. L'homme me sortit de mes pensées en m'apostrophant.
- Viens, je vais te faire rencontrer Thomas.
Je le suivis dans les escaliers qui menaient à l'étage.
Nous débouchâmes dans un couloir où s'ouvraient huit portes. Benjamin s'arrêta devant la première à gauche et toqua. Une voix masculine lui répondit.
- Entre !
La pièce où je me trouvais était sobrement décorée, tout comme l'unique pièce du rez-de-chaussé. Je supposais que toute la maison était ainsi. Mon regard se posa sur l'homme assis derrière un bureau, qui me désignait un fauteuil. Il devait être le dénommé Thomas. Benjamin s'assit en face. Thomas me fixait mais ne semblait pas vouloir commencer la conversation. J'en profitais pour le détailler. Il avait en apparence le même âge que Benjamin, c'est-à dire à peu près la trentaine, peut-être un peu plus, et tout comme lui, il avait les cheveux courts et les yeux verts. Autant de similitudes m'amusais. La seule différence était la couleur de cheveux, Thomas étant blond. Il termina de me scanner et reporta son attention sur Benjamin.
- Tu peux sortir, je vais en avoir pour un petit moment avec lui.
Il s'exécuta sans broncher, ce qui me surpris car il m'avait l'air à première vue d'être le chef du groupe. Thomas s'adressa à moi lorsque son second fut sortit de la pièce.
- Donc tu es Terry, l'ami que Codd a mordu il y a quelques jours ?
- Heu... oui.
- Je sais que tout cela doit te paraître étrange voire même impossible, mais je vais essayer de faire en sorte que tout se passe bien avec le reste de la Meute.
- D'accord...
Je ne sus pas quoi répondre d'autre. Thomas continua.
- Je suis l'Alpha de cette Meute, Thomas. En d'autres termes, le chef. Tu as déjà rencontré tout les membres. Je suppose que tu as des questions...
Je pris le temps de réfléchir.
- Donc... j'ai été transformé en loup parce que Codd m'a mordu ?
- En partie... Il est possible de transformer un humain en loup par le biais d'une morsure, mais le changement ne se fait pas aussi vite que chez toi. La raison étant que tu avais déjà du sang loup en toi.
- Hein ?
- Avant que les loups ne soient considérés comme éteints, certains individus ont commencés à se mêler de plus en plus aux humains, cachant leur vraie nature. Et des enfants mi-loup mi-humain ont vus le jour. Pendant cent ans, ce sang de loup s'est dilué au contact des humains, pour être presque infime. Mais il est toujours là. Et c'est cela qui t'as permis de te transformer aussi aisément.
Il fit une pause, attendit que je digère l'information.
- Donc... mes ancêtres sont des loups ?
- C'est exact.
- Et... comment les loups ont-ils survécu ? Le monde pense que ce ne sont plus qu'une légende.
- Certains ont décidés de vivre parmi les humains, de s'y cacher en adoptant une forme humaine et se mêlant aux communautés, d'autres ont fui dans des contrées sans hommes. Mais leur réussite n'est jamais parvenue jusqu'à nous. Les seules meutes encore actives à ma connaissance vivent avec les humains.
- Je vois...
L'Alpha sembla se souvenir de quelque chose, et il changea de sujet.
- Peux-tu me montrer ta forme de loup ?
- Heu, oui.
Je me levai, fermai les yeux, me concentrai un instant, puis les rouvris. Devant moi se tenait un loup doré au physique bien plus imposant que le mien, et dont les yeux verts brillaient d'une détermination sans pareille. Instinctivement, j'adoptai une position de soumission. L'Alpha sembla sourire et s'approcha. Je baissai la tête et frémis quand son museau humide toucha mon front.
- Bienvenue dans la Meute.
Nous restâmes un instant ainsi, plongeant notre regard dans celui de l'autre. Ce fut la première fois que je ressentis une telle gratitude envers quelqu'un. J'avais le pressentiment que je passerais le reste de ma vie avec cet homme.

VOUS LISEZ
Dans l'oeil du loup
Hombres LoboTerry, un lycéen belliqueux, se voit transporté du monde des hommes au monde des loups, qu'il va apprendre à connaître. Et surtout, à y survivre.