5/ June (1)

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June

Je pianote la table distraitement, sans parvenir à me concentrer sur la mélodie désagréable qu'on tente de me faire écouter. Et les paroles, n'en parlons même pas !

« J'ai envie de me concentrer sur cet album. Vraiment. »

Voilà ce que j'ai dit à Hank. Et je me retrouve au studio pour sélectionner des chansons qui ne m'inspirent pas le moins du monde. Mais il paraît que parmi elles se trouve LA chanson la plus branchée du moment. Au bout d'une dizaine, je cherche toujours...

Pour sortir de cette mauvaise passe, je sais qu'il n'y a qu'une solution : chercher un but à ma vie. Et il est tout trouvé : c'est ma musique, la passion que je ressentais à l'époque, celle qui s'est étiolée pour s'éteindre à petit feu, un peu comme moi. Si j'en avais le courage, je me remettrais à l'écriture, je l'ai déjà fait à l'époque, pour mon premier album... mais je ne suis pas certaine de ressentir l'inspiration nécessaire...

— Alors ? me demande mon producteur. Elle est pas mal celle-là !

— Alors... non, Hank. C'est une horreur !

— C'est pourtant dans le style de tes derniers albums...

— Il paraît que j'ai besoin d'un renouveau, ce n'est pas ce que tu disais ?

— Je t'ai déjà proposé un renouveau. Et tu l'as envoyé paître. Quoique vous êtes très photogéniques tous les deux. Ou plutôt trois.

Hank étouffe un rire tandis que ses yeux pétillent de malice. Pour ma part, je mets quelques secondes à réagir avant de laisser poindre une grimace sur mes lèvres. Bien entendu, ça n'a pas loupé. La photo de Zack, Brody et moi a fait le tour des tabloïds. Le pays entier pense que ces deux charmants jeunes hommes se battent pour mon cœur.

Mais qui est donc cet inconnu ?

Hank s'en amuse, mais pas moi. C'est lui qui l'a invité à son anniversaire, pour le remercier de m'avoir sauvé la vie, alors quelque part, tout ça c'est un peu de sa faute !

— Je ne sais pas pourquoi tu crois en lui. Il n'a quand même rien d'exceptionnel...

Son regard perçant se pose sur moi, il semble peser ses mots.

— Tu ne lui as pas franchement laissé sa chance. Et puis votre collaboration pourrait entretenir le buzz autour de l'esclandre de ce week-end. Tout est bon pour faire parler de toi, surtout entre deux albums.

— Alors c'est ça ? En fait tu sais qu'il est nul, mais selon toi ça servirait mes intérêts ? Tu veux aussi qu'il finisse dans mon lit ? Histoire de faire parler ?

Je soupire et reprends :

— Hank, j'ai vraiment envie de me donner à fond dans cet album. Je veux qu'il soit plus à mon image, tu comprends ?

— D'une part, ce qu'il m'a montré était vraiment bien. J'ignore ce qui s'est passé entre vous, mais c'est assez dommage. Il compose et il écrit, c'est un atout non négligeable. Et puis, reprend-il tout bas, il t'a sauvé la vie. J'ose espérer que ça l'a un minimum inspiré !

J'apprécie qu'il dédramatise les évènements. Je lève les yeux au ciel et mords ma lèvre, pensive. Nos rencontres se sont toutes très mal passées, alors j'hésite. C'est un goujat, c'est certain, mais en même temps, je me suis montrée hautaine et prétentieuse alors qu'il ne cherchait qu'à m'aider...

Hank croise les bras et, remarquant que j'hésite :

— Mon petit doigt m'a dit qu'il joue dans un bar à Brooklyn, si tu n'as pas peur de la ballade...

— Ton petit doigt ? T'es le producteur le plus branché de la ville, Hank. Faut que t'arrêtes avec tes trucs ringards ! Quel bar ?

— Le Enid's.

— Tu penses vraiment qu'il en vaut la peine ?

— Fais-toi ta propre idée, June.

Hank m'envoie un clin d'œil, avant de se retourner vers le staff :

— Fini pour aujourd'hui, on remballe !

Lorsque j'arrive à Brooklyn, je suis tendue. Ce n'est pourtant plus le quartier dont la mauvaise réputation s'étalait aux yeux de tous quelques années auparavant, non. C'est juste un quartier populaire, presque normal. C'est sans doute pour ça que je me sens déplacée dans cet environnement. J'aimerais me fondre dans la masse, mais c'est impossible. Je réajuste mes lunettes de soleil et hésite un instant à pousser la porte. Je n'ai pas prévenu Brody. Les seules fois où l'on s'est croisés, j'étais vulnérable, pimbêche et toujours en mauvaise posture. J'imagine trop bien ce qu'il pense de moi... Pourtant depuis, j'ai décidé de reprendre ma vie en main et ce soir, je me veux différente. Comme si son avis comptait. Comme s'il avait la moindre importance dans mon existence.

Si j'ai bien du mal à cerner le personnage, je dois bien avouer qu'il a extrêmement bien géré la situation, et qu'il est resté parfaitement gentleman...

Une soudaine vague de courage m'incite à pousser la porte du petit bar tranquille où quelques habitués boivent un verre en plaisantant. Malgré tout, ils se tournent dans ma direction. Je me demande si quelqu'un peut me reconnaître. J'ai envie de croire que non : la plupart des gens ne me voient qu'accoutrée dans des vêtements sexy, avec un maquillage accentué à l'extrême. Ce soir, j'ai revêtu un simple jean et T-shirt cintré blanc, sans compter le maquillage à peine prononcé.

Mon regard est instantanément happé par la scène enfumée et je m'immobilise au milieu du bar. Une serveuse passe devant moi une fois, puis revient sur ses pas en me dévisageant. Merde...

Je m'apprête à la voir jouer les fans hystériques, quand elle me surprend :

— Sans vouloir paraître impolie, vos lunettes de soleil attirent l'attention. Je pense qu'il serait plus discret de les retirer si vous ne voulez pas qu'on vous reconnaisse. Vous êtes dans un bar et il fait déjà presque nuit.

Son sourire amical entraîne le mien. J'applique son conseil et prends le temps de la détailler lorsqu'elle retourne à son service : elle est jeune, mais dynamique. Je lui donnerais dix-huit ou dix-neuf ans. Les clients discutent et rient avec elle, l'ambiance est chaleureuse. J'accélère soudain le pas lorsque la musique s'élève des enceintes et m'adosse au bar, pour observer Brody en toute discrétion sans qu'il ne me repère.

Il est sur scène avec son groupe, et reprend de vieilles chansons populaires à la guitare.

Alors le temps s'arrête. Comme subjuguée, je suis chacune de ses paroles, chacune de ses notes, transportée dans un autre monde. Il a une vraie présence sur scène, c'est indéniable. Non seulement il est à l'aise, mais en plus il semble habité par la musique. Comme j'ai pu l'être il y a bien longtemps...

— Brody sait que tu es là ?

Je sursaute, la main sur le cœur, et me retourne vers le barman. Cheveux rasés, teint métissé, yeux bleus, bras musclés. Woahh, il est canon, et j'ai déjà oublié ce qu'il vient de me dire. Ah oui, Brody !

— Je ne comprends pas.

Je joue les innocentes mais il n'est pas dupe. Un sourire éclaire son visage de mannequin :

— T'es pas très convaincante. Brody m'a expliqué que vous vous étiez rencontrés. Mais si j'ai bien compris, il est assez stupide pour avoir tout foiré, grimace-t-il en jetant un œil vers la scène.

Pas tant que ça, songé-je en suivant son regard...

***

Coucou !

Les vacances et les enfants me prennent tout mon temps libre en ce moment, désolée d'être moins régulière. En tout cas j'espère que vous accrochez à leur histoire <3

Bisous !

Inflamed (Sous Contrat Chez Addictives)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant