Inflamed (Sous Contrat Chez Addictives)

6/ Brody (2)

— Asseyez-vous, je suis à vous dans deux minutes.

Un soupir s'échappe malgré moi, et mon regard se perd vers la jeune femme à mes côtés. River a l'air ailleurs. Elle joue avec une de ses boucles blondes, sans vraiment prendre conscience de ma présence. Elle est jolie, je ne peux pas le nier. Pas une beauté à proprement parler, non, mais elle a cette aura que lui envient bien des starlettes canon. Son petit nez retroussé est parsemé de quelques tâches de rousseur qui lui donnent un aspect de femme enfant, et qui contrastent assurément avec la courbe sexy de ses lèvres. Mais surtout, ce qui me fascine à nouveau chez elle, ce sont ces iris aux couleurs ardoise. J'ai cette impression qu'ils changent au gré de ses humeurs. J'en ai rarement vu d'une telle intensité. Oh oui, River est plus que sublime. Mais je ne dois jamais oublier qu'on ne joue pas dans la même cour.

Hank sort un dossier du tiroir et moi, je cherche quoi faire de mes mains.

— Bon ! June, qu'est-ce tu en penses ?

— J'aime la chanson. Je suis d'accord pour signer.

Elle ne me regarde pas et moi, j'ai du mal à réaliser la portée de ses paroles. Hank esquisse un sourire et me fixe droit dans les yeux. Toute l'extravagance du personnage s'est envolée, je suis juste super impressionné.

— Alors on signe... à une condition.

Un silence à couper au couteau s'instaure entre nous, et un sentiment de malaise s'insinue dans mes entrailles, tandis que Hank semble réfléchir à vitesse grand V.

— La photo de vous a fait la une des magazines...

— Ça ne se reproduira plus ! le coupé-je, embarrassé.

River hausse un sourcil, je pense pouvoir deviner ses pensées. Elle imagine que j'ai le syndrome du sauveur. C'est faux.

Un rire gras s'élève de la gorge du producteur.

— Au contraire. Le buzz, c'est bien. En général, on dit qu'il faut faire parler, en bien ou en mal. En vérité, ça a son importance. Sur les réseaux sociaux, tu as la côte mon garçon. L'orphelin qui élève sa sœur, le gars qui est parti de rien. Le public t'aime, et toi, tu veux qu'il t'aime. Comme moi, je veux qu'il aime River.

Je serre les poings, mal à l'aise. J'ai du mal à établir un lien entre ça et mon rôle dans l'album. Dans tous les cas, j'ai toute l'attention de la chanteuse, qui semble fascinée par les révélations de Hank. Je soupire, attendant impatiemment la chute.

— Vous allez travailler ensemble, le public va adorer. Alors si vous forcez un peu le trait, c'est le succès assuré, et en parallèle, ça redorera ton blason, June.

— Quoi ?

— Hank, tu te rends compte que tu passes pour un proxénète là ? Sérieusement ?

Hank fait le tour du bureau pour être au plus proche de nous.

— Toi et moi, on sait que tu plaisantes June, mais Brody te prend peut-être au sérieux ?

Je cligne des yeux et les observe alternativement avant de prendre la parole :

— Attendez voir. Qu'est-ce que je suis censé comprendre ?

— Qu'on est... invités à s'afficher ensemble ! répond River à la place de Hank.

Ce dernier lève les yeux au ciel.

— Un dîner flashé par les paparazzis, une ou deux soirées, l'album, c'est tout ce que je vous demande !

— Ohhh, tu es sûr, ironise la chanteuse ? Non mais sinon pour le package, je peux aussi finir dans son lit !

Sous la nuée de sarcasmes, je sens la tension crépiter. L'idée ne lui plaît pas, je peux comprendre. Si moi je joue ma carrière, elle, n'a rien à y gagner...

— Je pense que je vais vous laisser en discuter, et digérer de mon côté, esquivé-je.

Je me relève avec la sensation surréaliste d'être filmé en caméra cachée.

— June, il a besoin de toi, tu as besoin de lui pour cet album, et moi, j'assure la pérennité de ta carrière. Brody, reprend-il en se tournant vers moi, tu as du talent, et je ne te laisserai pas tomber. Faites-moi un peu confiance tous les deux !

Il s'assoit sur le bureau, croise les bras et affiche un sourire paternaliste, comme s'il était fier de lui.

— Un dîner, deux soirées mondaines ? Rien de plus ? demandé-je.

River soupire et tape dans ses mains tandis que le producteur hoche la tête.

— Bravo Hank, tu as gagné !

Puis elle se tourne vers moi pour poursuivre :

— Pas de pelotage, on ne se voit que pour l'album et ces trois soirées, compris ?

Elle n'attend pas ma réponse et sort de la pièce avant de claquer la porte.

— Vous allez bien vous entendre, lâche Hank sans que je ne sache s'il se fout de ma gueule ou pas. Plus qu'à signer ici mon petit !

***

Lorsque j'arrive au Enid's, je me sens complètement déphasé. Tess passe en coup de vent, mais revient sur ses pas et fronce les sourcils.

— Qu'est-ce qui se passe encore ? demande-t-elle à la manière d'une mère poule.

Je souffle, l'air encore hésitant :

— J'ai signé le contrat.

— Tu as... Quoi ? Ohh putain !

— Ne jure pas, grondé-je en serrant les dents.

— Putain Connor ! Il a signé !

Elle hurle, et moi je lève les yeux au ciel.

Mon ami se ramène et m'offre la première bière de la soirée. Mais pas la dernière. Il hallucine lorsque je lui parle de l'arrangement.

— Eh bin mon couillon, tu vas te taper une starlette ! En plus elle est bien bandante !

— T'es lourd Connor !

— Prends ma fleur et donne-moi ta poutre, imite-t-il en prenant une voix de crécelle.

— Tu viens pas de sortir une énormité pareille, sans déconner ! Dis-moi que je rêve.

Cet idiot se marre comme une gonzesse.

— Je dois être en manque, j'ai bossé toute la semaine sans répit et... sans nana. Alors bon, je me bourre la gueule avec toi et je pars en chasse !

— C'est classe ça !

— Tu devrais faire pareil, bientôt, tu seras collé dans la catégorie « homme casé » et tu ne pourras plus baiser !

Il n'a pas tort, mais je me garde bien de lui dire. Il revient avec les deux bières suivantes et je bois la mienne cul-sec, prenant enfin conscience de ce qui s'est joué au début de la soirée.

Nous trinquons une fois de plus, mais Connor affiche soudain une mine sérieuse :

— La roue tourne mon ami, et tu le mérites ! À ta santé !

Il porte la bière à ses lèvres sans que je ne sache quoi répondre. À peine une bourrade sur l'épaule pour lui montrer à quel point ces paroles me touchent...

Les heures s'écoulent alors que je fête le tournant de ma carrière, et ma sœur rentre à l'appartement. Je jette un œil à Connor, occupé à draguer une jolie brune, sans pouvoir m'empêcher de sourire. Sous ses allures de connard invétéré, Connor est un mec droit – un mec droit qui prend du bon temps certes – et un ami sincère ! Le seul en qui j'ai confiance. On se connait depuis quelques années, il a été d'un soutien sans faille durant les moments difficiles...

Je me tourne vers une blonde élancée coiffée à la garçonne, super sexy, et me dirige vers elle d'un pas assuré – dernière soirée en célibataire oblige...

***

Coucou ! 
Les choses se corcent un peu, la collaboration risque d'être encore plus tendue !

Aller, je retourne préparer la rentrée moi !

Bisous !