𝐻𝓊𝒷𝓇𝒾𝓈

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L'arrosoir en main, l'eau s'en échappe, se réfugiant parmi les pétales, les bourgeons et les feuilles. La terre absorbe le peu qu'elle peut recueillir, avec avidité, avant d'être partagé par les insectes. Une coccinelle déambule parmi les gouttes, comme indécise. Mon buste à hauteur des fleurs, je respire leurs enivrantes senteurs, en proie à une sorte de dépendance. Je viens arracher les pousses de mauvaises herbes, parfois tenaces. Je me fonds dans ce décor aux milles nuances, et ne souhaiterais pour rien au monde m'en détacher. Qu'il est agréable de voir s'épanouir de si belles choses, foisonner à en perdre le contrôle, nourrir leur vies. N'importe quel jardinier se sent accaparer d'un hubris, avant de se rappeler lui même de sa source.

Je me redresse avec légèreté, dépoussiérant mes genoux souillés par le sol, et me dirige vers le portail. Contournant la maison, j'enjambe les divers insectes. Je me saisis de la poignée de la boîte au lettre, inspirant profondément avant de l'ouvrir. J'attrape avec précaution les lettres reçues, parcourant du regard les destinataires, comblée de ne pas y voir mon prénom.

Apportant le courrier à mes parents, un frisson parcourt ma colonne vertébrale, comme un léger courant électrique, me faisant agiter légèrement la tête. Une voix féminine s'élance ;
- Tu as récupéré le courrier ?
J'acquiesce en lui donnant celui qui lui est destiné, posant celui de mon paternel sur la commode en bois.
- Merci ma chérie.
Je m'apprêtais à tourner les talons lorsque sa main saisit mon frêle poignet.
- Pas si vite jeune fille.
Avec douceur elle m'assit sur le fauteuils, s'asseyant elle aussi face au mien. Elle croise ses jambes, son visage tiré par un sérieux imparable. Je l'observe se servir du thé, m'en proposant en silence.
- Comme tu le sais, nos horaires de travaille sont chargés en ce moment avec ton père, nous ne serons pas tout le temps à la maison. Nous avons engagé un jardinier pour s'occuper du jardin, il y a des choses que je ne veux pas que tu fasses, comme tailler les haies. J'ai peur que tu ne te blesses. Et puis ça te fatiguera moins. Il viendra chaque jour prendre soin des plantes. Je compte sur toi pour ne pas l'embêter pendant son travail, ne viens pas lui dicter comment faire.
Je l'observe, quelque peu amusée.
- Oh d'ailleurs mon ange, tu feras attention, un orage est annoncé demain, évite de trop rester sous le kiosque, tu vas encore tomber malade.
   Elle dépose un tendre baiser sur mon front, puis vient caresse le haut de mon crâne. Elle disparaît de la pièce, me laissant seule, ma tasse en main.

Je ne veux pas qu'un jardinier vienne. Il va tout ruiner, tout modifier. Il ne laissera pas les plantes s'épanouir comme elles le souhaitent. Il instaurera des règles. Et si j'ai bien appris une chose, c'est que l'Homme est bien trop faible pour infliger des règles à la Nature.

Remind Me Please, I Need Your TouchOù les histoires vivent. Découvrez maintenant