Prologue

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Batman et Robin. Le duo dynamique. La chauve-souris et l'enfant prodige. Si le second change parfois de visage, c'est toujours le même homme qui porte la cape. Le même homme plongé dans les ténèbres. Robin est le rouge-gorge flamboyant, facilement visible du fait de ses couleurs vives. Même au cœur de la nuit, on peut apercevoir l'éclat d'une cape jaune refléter la lumière de la lune, et le costume rouge celle de la ville. Et l'oiseau coloré va d'immeuble en immeuble, de toit en toit. Mais peu importe que Robin soit vu. Il est l'appât, la distraction, en attendant le Batman. Le roi de la nuit punissant son mauvais sujet.

Ce soir-là, tous deux sillonnaient Gotham dans une ronde de reconnaissance, sans but particulier. En fait, au delà de simplement patrouiller, le rouge-gorge comme la chauve-souris avaient besoin de se changer les idées, de prendre l'air. Car la vie privée, loin des missions ou de la société, pouvait être bien plus  éprouvante que tout le reste. Quand les bats retrouvaient le calme relatif de leur habitat, ils ne s'accordaient pas souvent le temps de souffler, et Batman encore moins. Il fallait continuer de réfléchir, de résoudre, d'anticiper, de s'entraîner. La pression, les blessures, les émotions, la fatigue accumulés dehors n'avaient pas le temps de s'évacuer, ou rarement. S'ensuivaient des nuits interrompues par des cauchemars, des disputes ou encore des problèmes liés au stress. Alors, ils sortaient. Retournaient au travail. Encore et encore.

Ce qui avait des répercussions sur la capacité de réaction et de réflexion, la patience.

L'air frais de Gotham à son crépuscule leur faisait du bien. Là, perchés en haut des toits de la ville, Batman et Robin pouvaient vider leurs esprits et reconsidérer leur état. Se calmer, pendant quelques minutes pourtant précieuses. Entre l'adulte et le jeune prodige, il était difficile de définir qui en avait le plus besoin.

Le premier, endurci par la vie, ses capacités physiques n'ayant d'égale que son esprit, brisé dès son plus jeune âge par la mort de ses parents, menant une croisade sans fin.

Le second, fils de Talia Al Ghul et de Bruce Wayne, formé depuis sa naissance à devenir un assassin, destiné par sa mère à diriger le monde. Confié à son père vers ses dix ans, et depuis essayant de trouver sa voie, hésitant entre ses instincts d'assassin et l'enseignement de Batman.

Tous deux postés au bord de l'abysse des ténèbres, combattant le crime sans se laisser entraîner par le mal. Dire que c'était difficile était un peu faible, surtout pour Robin. Cette abysse était parfois si tentante, elle vous appelait sans cesse, et il était difficile de ne pas basculer. De respecter ses principes. Invisibles d'en-bas, ils balayaient du regard cette ville corrompue jusqu'à la moelle, laissant chaque son, chaque odeur, chaque brise de vent les traverser, projetant ainsi leurs sens le plus loin possible. Et soudain, sans prévenir, Robin brisa le silence, les ramenant à un état moins paisible par la même occasion.

« C'est calme, ce soir »

C'était une phrase courte, nette. Sans émotion. Une constatation, du moins en apparence. Au fond de lui, le jeune homme brûlait de lui poser mille questions. Mais il se retenait. Les réponses viendraient d'elles-mêmes, découlant de leur façon d'agir. Comme prévu, son mentor ne lui adressa qu'un léger hochement de tête.

Le plus jeune reporta donc son regard en contrebas. Quelque chose tracassait Batman. Il pouvait le sentir. N'importe qui d'autre, en excluant la Bat-Family, aurait été dupé par son air neutre. Une posture souple, droite, une immobilité parfaite, pas d'expression faciale particulière... Mais il y avait des choses que Robin savait déceler. La tension de la mâchoire, plus accentuée que d'ordinaire, provoquait un durcissement supplémentaire du bas du visage. La contraction trop flagrante de tous ses muscles, et surtout, son attitude bien trop calme. De toute évidence, le Chevalier Noir attendait quelque chose que Robin ignorait.

Mais Batman n'était-il pas le plus grand détective du monde ?

—    Tiens-toi prêt, gronda le justicier de sa voix d'orage. Il va se passer quelque chose.

—    Et c'est...?

Encore une fois, pas de réponse audible. Évidemment. La patience était l'une des choses le plus importantes que lui enseignait son père et mentor. Le rouge-gorge prit donc sur lui même et attendit le moment. Celui où Batman plongerait dans le vide pour aller au combat. À cette pensée, le prodige sentit une vague d'adrénaline le traverser. Assurément, le combat était la partie la plus intéressante de leur croisade, et ce depuis cinq ans qu'il avait été confié à son père. Le regard fixé sur Batman, Robin l'entendit enfin. Le signal. Un cri long, déchirant, retentissant à travers Gotham, rebondissant contre les buildings avant d'atteindre leurs oreilles. Et quand Batman sauta dans le vide, le rouge-gorge dans son sillage, l'éclat pâle de la lune fut masqué par un nuage sombre.

Cette fois ci, le duo dynamique arrivait trop tard.

La nouvelle ombre de GothamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant