2 : La routine, quoi...

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Tour Wayne, 10h35

Il commençait à ressentir cette brûlure dans chacun de ses muscles, sourde, continue, remontant par vagues le long de son corps, celle qui survenait pendant l'effort. Celle qu'il devait mettre en arrière plan, réléguer dans un coin de sa tête pour pouvoir être pleinement concentré dans son exercice. La douleur et la fatigue étaient des signaux, des avertissements. Il fallait les prendre en compte, mais savoir en faire abstraction. Un long apprentissage, qui nécessitait de la détermination et de la maîtrise. Il devait s'exécuter plus rapidement, plus fortement, plus souplement. Échouer. Recommencer, encore et encore. Graver chaque mouvement dans ses muscles brûlants, être en symbiose avec son corps tout entier. Il se souvenait d'avoir vu Dick virevoltant dans les airs, passant de barre en barre, de trapèze en cerceau, défiant la gravité dans cette même salle d'entraînement. L'acrobate dans toute sa splendeur. Évidemment, l'adolescent ne l'avouerait sûrement pas —il était trop fier pour ça— mais il n'arrivait jamais à atteindre le niveau de Dick Grayson en agilité et souplesse. Son ainé était gracieux, plus à l'aise dans les airs à faire des acrobaties que sur terre. C'est ce qui rendait, en grande partie, son style de combat si particulier. Mais l'adolescent était davantage dans le genre létal, efficace. Alors, cette fatigue musculaire due à l'effort, il la gérait et s'en servait comme tremplin pour s'élever.

Le chuintement discret d'une porte qui s'ouvre retentit soudain dans la salle, indiquant l'arrivée de quelqu'un. Il n'arrêta pas l'énième répétition de l'enchaînement souple de plusieurs attaques. Pendant environ deux secondes, le temps que mettrait normalement celui qui avait ouvert la porte à se rapprocher de lui, il essaya de déterminer de qui il s'agissait. Le champ n'était pas très large : il ne pouvait s'agir que d'Alfred, de Bruce ou de Tim. En se fiant aux bruits de pas réguliers, au son feutré, à intervalles rapides, il avait bien envie de dire qu'il s'agissait d'Alfred : Tim l'aurait déjà interpellé et Bruce n'aurait pas marché de cette façon.

Damian donna un dernier coup de pied circulaire à un ennemi imaginaire avant de se diriger vers la bouteille d'eau qu'il avait posée sur le banc en bois clair, à côté de la porte. En voyant un vieil homme, d'une soixantaine d'années aux cheveux d'un argenté parsemé de mèches encore plus claires, vêtu d'un costume-cravate, l'attendant devant la porte avec un parfait professionnalisme, Damian se dit qu'il avait vu juste.

« Voici pour vous, Monsieur »

Le jeune homme saisit la serviette que lui tendait le majordome tout en buvant goulûment. Il s'épongea ensuite le visage et le torse, chassant ainsi une partie de la sueur luisant sur sa peau.

— Maître Bruce voudrait vous voir. Il aimerait que vous soyez à son bureau dans quelques minutes, si possible.

— D'accord, répondit Damian en déposant la serviette sur une des barres parallèles. Drake vient aussi ?

— Maître Tim dort toujours, l'informa Alfred. Maître Bruce m'a indiqué de ne pas le déranger.

— Pfff...

Damian n'en attendait pas moins de la part de Tim. Haussant les épaules avec un dédain évident, il passa devant Alfred pour sortir. Mais celui-ci se décala légèrement sur le côté, l'empêchant de passer. Damian soupira.

— Pennyworth.

— Ce n'est peut-être pas mon rôle, jeune homme, mais je tiens à vous rappeler que le jeune Tim mérite plus de considération de vôtre part.

Damian fronça les sourcils. Avec le temps, il était arrivé à éprouver une sorte de sympathie pour le vieil homme, mais ça s'arrêtait là. Et si il y avait une chose qu'il détestait plus que les autres, c'était qu'on lui donne des leçons. Sans reculer d'un millimètre, il fixa Alfred dans les yeux.

La nouvelle ombre de GothamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant