La nouvelle ombre de Gotham

4 : Insomnie

Tour Wayne, 03h17

Damian se tourna une nouvelle fois dans son lit, s'entortillant un peu plus dans les draps au passage, ce qui réduisit sa mobilité à un niveau proche de zéro. Il n'arrivait pas à trouver le sommeil, malgré tous ses efforts. Au départ, il avait rejeté la faute sur la lune qui projetait des rayons opalins sur son visage mais après avoir fermé les rideaux, il n'avait pu s'en prendre qu'à lui-même. S'agissait-il d'anxiété ?

Damian ne voulait pas y croire une seule seconde. Il n'était pas anxieux. Un ancien membre de la Ligue des Assassins et le fils de Batman ne pouvait tout simplement pas l'être ! Exhalant un soupir, il plaça ses mains sous sa tête en écoutant les rumeurs de la ville qui ne dormait jamais. A force de passer ses soirées, et occasionnellement ses nuits, à jouer les justiciers de Gotham, Damian n'était plus habitué à aller dormir à une période fixe. Étrangement, il trouvait même plus réparateur de ne pas avoir le même nombre d'heures de sommeil chaque nuit ; et il avait remarqué que dormir longtemps le reposait moins que de courtes plages de sommeil de quatre à six heures. Cependant, sur le long terme, il en résultait une plus grande fatigue. Il fallait donc trouver un équilibre entre les deux. Ceci étant dit, le jeune homme avait aussi remarqué que ce n'était pas la même chose pour les autres, Tim par exemple. Si Damian pouvait garder un air plus ou moins frais en dormant seulement quelques heures par semaine, Tim avait l'air d'un vieux chewing-gum mâchouillé.

Au loin, le ronronnement continu des voitures ressemblait à une douce cacophonie tintant au creux de ses oreilles. C'est vrai que ça lui changeait du Manoir Wayne, situé un peu à l'extérieur de la ville, où tout était plus calme. Fini le silence, parfois un peu pesant, qui régnait dans les pièces vides ; les visages de la famille Wayne encadrés contre les murs qui vous épiaient dans tous les coins comme de vieux fantômes et le style luxueusement ancien de l'imposant édifice. Mais d'un autre côté, c'était là ou avait grandi son père, et la terrible tragédie qui s'était abattue sur les Wayne transpirait par les murs, suintait du plafond et flottait dans les couloirs.

Mais ce manque et cette tristesse qui se faisaient ressentir étaient aussi ce qui avait créé Batman, et c'était bien plus important que tout le reste, du moins pour Damian. Il n'était pas nostalgique, et le manoir ne lui manquait pas le moins du monde, pas plus que la Batcave. Au fond, il avait grandi à Nanda Parbat, siège de la Ligue des Assassins. Le lieu en lui même ne lui avait jamais importé, mais c'était là où vivait son grand père maternel, le grand Ra's Al Ghul. Son admiration sans bornes pour son père venait en partie du fait que Ra's avait vu en lui le potentiel d'un futur dirigeant de la Ligue. Même s'il n'avait jamais accepté, il avait été choisi par la Tête du Démon, et c'était un des plus grands honneurs que Damian connaisse.

Le jeune homme repoussa comme il put la couverture et se redressa en position assise. Aussitôt l'air frais de la pièce vint caresser son torse et il s'empressa d'enfiler un tee-shirt, couvrant ainsi sa peau habituée à la chaleur des draps. Puis, il saisit une paire de chaussettes propres dans le tiroir à sa gauche et les passa sous son bas de survêtement. Il avait bien envie de se recoucher afin de piquer au moins un petit somme, mais c'était comme si ses yeux refusaient de se fermer. Résigné, il se mit debout, planté dans la chambre sombre. Tout le monde dormait à la Tour Wayne : le service de ménage était parti depuis longtemps, tout comme les employés de Wayne Entreprises et Bruce, Dick, Tim et Alfred étaient allés se coucher.

Damian sortit de la chambre, le bruit de ses pas résonnant dans le couloir aux murs blancs. Tout en progressant en direction de l'ascenseur, il passa une main sur son visage, un peu embrumé par la fatigue. Il ne savait pas s'il dormirait cette nuit. De toute façon, ses pas le menaient tout droit vers l'ascenseur. Pas celui qui était commun, mais celui qui permettait de descendre jusqu'au Bunker, qu'ils utilisaient le plus en fin de compte. Alors que ses pieds ses soulevaient lourdement du sol, l'un après l'autre, il vit enfin les deux cages de métal chromé brillant faiblement à la lueur des éclairages de nuit disposés régulièrement à ras le sol.