Chapitre 1

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Perpignan, 1er Janvier 2017.

17 ans.

- Rosalie -

À peine ai-je eu le temps de reposer le stylo sur la table que déjà mon estomac commence à se nouer. Est-ce que je ressens vraiment l'envie de faire ça ? Malgré cette excitation qui loge au fond de moi, je ne peux m'empêcher de fixer ma signature au bas de cette feuille. Est-ce que j'ai vraiment fait ça ? L'hésitation et l'incertitude reprennent possession de moi et je me sens désormais mal à l'aise avec ces personnes qui me font face parce qu'à partir de cet instant, ils sont plus que mes amis. Mon cerveau commence à se mettre en marche rapide et, même si cette idée loufoque a fait redescendre chez moi les effets euphoriques de l'alcool, ce dernier continue d'embrumer mon esprit, ce qui me trouble particulièrement. Mes yeux fixent le buffet qu'Emma et moi avions préparé plus tôt dans l'après-midi pour notre repas. Cette petite part de quiche qui reste me fait bien envie, peut-être qu'elle m'aidera à dissiper l'emprise de ces fichues boissons sur moi ?

Discrètement, j'observe mes amis qui semblent être dans le même état que moi. Ils évitent le regard de chacun, sont perdus dans leurs pensées... est-ce qu'ils regrettent ? Est-ce que nous allons revenir sur nos paroles ? J'ai beau essayer de m'imaginer en train de partager des moments bien plus intimes (trop peut-être ?) que ceux que nous avions déjà vécus par le passé, je n'y arrive pas. Quelque chose cloche. Je suis certaine que l'effet de groupe m'a littéralement induite à accepter ce stupide pacte d'amour. Et puis d'abord, depuis quand est-ce qu'on doit faire des pactes en amour ? C'est n'importe quoi ! Je ne me pensais pas si influençable ! mais peut-être qu'en fin de compte, moi aussi j'ai envie de tenter l'expérience ?

— Dîtes ? fait doucement Romain encore gêné par notre pacte. Ça vous dérange si je vais me coucher ? Je commence vraiment à fatiguer. Ou alors on peut au moins préparer les matelas ?

Tous nos amis acquiescent vivement avec des grands sourires qui ressemblent, je crois, à du soulagement. Je me rends alors compte qu'ils sont dans le même état d'esprit que moi, j'en suis même maintenant certaine. Et égoïstement ça me rassure. Je finis par céder à la tentation de la dernière part de quiche en me disant que, de toute façon, je rattraperai ça dès demain avec un peu de sport, même si je sais que je me mens, et j'aide le groupe à gonfler les matelas pour notre nuit.

Une fois chose faite je monte me changer dans la salle de bain et, quand je reviens, tout le monde est couché. Certains se sont même déjà endormis d'un sommeil lourd et profond. Je souris quand je vois Ezra les yeux fermés avec son éternel petit sourire-de-dodo comme nous l'appelons si bien. Ça le rajeunit tellement et en même temps, ça l'adoucit. Je m'approche de lui et, comme à mon habitude, je caresse son visage du bout des doigts avant d'embrasser sa tempe et de remonter la couette sur lui. Emma me fait signe de la rejoindre et je lui souris en quittant difficilement mon Zazou des yeux. Tout comme chaque nuit passée ensemble, je viens me caler à côté d'Emmita et cette dernière me tourne dos à elle pour entourer ma taille et s'endormir. S'il y a au moins une personne avec laquelle je ne pourrais pas changer de relation, c'est bien elle. Notre amitié est ancrée trop profondément en moi, c'en est devenu un lien familial. Quand j'y réfléchis plus sérieusement, un petit sourire commence à naître aux coins de mes lèvres. J'ai de la chance de faire partie de cette belle petite troupe. Et j'ai de la chance qu'on soit si à l'aise les uns avec les autres qu'on en vienne à briser toutes les barrières et tous les codes imposés par la société. Avec cette pensée, mon cur commence à se réchauffer et je me colle un peu plus à mon amie pour m'imprégner de sa chaleur à elle et enfin pouvoir m'endormir doucement, bercée par la respiration de ces jolies personnes.

Au petit matin, les rayons du soleil viennent chatouiller mon regard et j'ouvre difficilement les yeux. Intérieurement je fulmine. C'est toujours la même chose : on gonfle les matelas très tard, on se laisse avoir par l'obscurité de la nuit et on oublie que, le lendemain matin, le soleil viendra pointer son nez chaud sur nos carreaux, beaucoup trop tôt pour que ce soit humainement acceptable. Doucement pour ne pas réveiller mon amie, je quitte le matelas et pars tirer silencieusement les rideaux pour leur éviter un réveil trop brutal comme le mien. Foutu pour foutu, mon sommeil déjà enfui dans une galaxie lointaine, je décide d'aller m'habiller. De toute façon, il est trop tard pour me rendormir maintenant. J'attrape les clés d'Emma et je m'en vais dans le froid hivernal avec mes cinq sous qui se baladent dans la poche de ma grosse veste. C'est ce seul bruit qui vient perturber le silence de la rue déserte.

Jamais deux sans toi - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant