Chapitre 3

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Perpignan, 13 Janvier 2017.

17 ans.

- Rosalie -

Arrivée depuis déjà une heure à la soirée d'Emma, je regarde mes amis danser au milieu du salon en riant à pleins poumons. Mes yeux observent tendrement Mathis qui fait maladroitement tourner ma meilleure amie sur elle-même. Ce garçon est un piètre danseur mais ça lui importe peu, du moment qu'il peut s'amuser, il ne se formalise pas de ce que les autres peuvent bien penser de lui. Il n'est pourtant pas quelqu'un de bien extraverti, en règle générale il est même plutôt discret. Mais il sait qu'en notre présence il n'a rien à craindre. Ses longs cheveux noirs et lisses volent plus que ceux d'Emma et il en rajoute en bougeant un peu plus la tête pour la faire rire. Quand Emma lâche sa main pour danser avec Anaëlle et Jason, celle de Titi vient attraper la mienne et j'en ris d'avance. Sa main puissante vient se poser sur ma taille et l'autre se tient dans la mienne. Il nous fait nous balancer d'un pied sur l'autre en tournant grands pas par grands pas et j'éclate joyeusement de rire. Ses yeux ocres se plongent dans le chocolat des miens et je rougis presque quand il embrasse furtivement mes lèvres tant la douceur qu'il met dans ce baiser est réellement agréable sans être trop intrusive. C'est un baiser pudique du bout des lèvres parce qu'au fond je sais que Mathis ressent la même chose que moi. Il ne se sent pas véritablement à sa place dans le fonctionnement de notre groupe. Attendrie, je ferme les yeux et me love dans ses bras puissants en soupirant d'aise. Il entoure mes épaules avec une infinie tendresse et je me sens bien. Quand il plonge son nez dans ma tignasse brune, ses longs cheveux bruns viennent caresser mes bras, leurs provoquant de légers frissons qui me font brièvement rire. La musique est forte et nous nous rendons bien compte que nous ne sommes pas du tout dans le rythme, mais là au moins, on danse bien ! Et puis c'est reposant de se calmer un peu.

Quand j'ouvre à nouveau les yeux sans pour autant quitter ses bras, je vois du coin de l'œil un Ezra faisant les cent pas sur la terrasse. La baie vitrée est fermée et la musique trop forte alors je ne peux pas entendre ce qu'il raconte au téléphone ni même qui l'appelle, mais je sens à son regard qu'il est profondément agacé. Je soupire parce que ce regard couplé à cet air qui se veut détaché, je ne le connais que trop bien. C'est encore l'un de ses parents à l'autre bout du fil et visiblement ça ne semble pas réjouissant, comme d'habitude. Plus ça va, plus il fait des grands gestes avec ses bras et je vois bien qu'il s'énerve. Malheureusement Raphaël n'est pas là pour le calmer alors qu'il est le seul à y parvenir ici. Ces deux-là se connaissent depuis tout petits, ils ont été les premiers à se rencontrer dans le groupe et le blondinet a toujours été témoin de la relation conflictuelle entre Ezra et ses géniteurs. Par conséquent il a également toujours été le seul à savoir réellement s'y prendre avec lui, à trouver les bons mots. C'était lui qui l'accueillait quand ça n'allait vraiment plus, qui le réconfortait, qui passait des heures au téléphone avec lui en parlant de tout et de rien pour le laisser pleurer silencieusement avec une pudeur bienveillante. En grandissant, les mots colériques d'Ezra pour ses parents sont devenus du dédain, ses larmes se sont séchées seules et désormais il fume pour se détendre et se contenir au lieu de laisser libre court à ses émotions... le petit Zazou sensible est devenu un adolescent renfermé et en colère. Ça nous a tous beaucoup affectés quand on a vraiment commencé à voir le changement.

Soudain le jeune homme envoie valdinguer son portable à l'autre bout du jardin et je réagis immédiatement en quittant les bras de mon cavalier qui, inquiet, me suit du regard en sachant pourtant qu'il faut éviter de me suivre. Quand il se plonge dans cet état, Ezra s'en prend à tout le monde. Je devrais moi aussi le laisser seul mais je suis de nature peut-être un peu surprotectrice, surtout avec lui et Raph'. Quand une personne qui compte pour moi se sent mal d'une façon ou d'une autre, je ne peux pas rester les bras croisés et avec Zazou, puisqu'il est mon meilleur ami, j'ai appris à encaisser les coups-bas de ses paroles emplies de venin. Je sais qu'au fond il ne les pense pas, je sais à qui sont réellement destinées ces remarques acerbes. Je passe la baie vitrée et il me demande sèchement de le laisser tranquille. Sans lui adresser le moindre regard, je pars ramasser son téléphone portable et je le repose doucement sur la table. Mon regard se plante dans les yeux gris cendrés de mon ami et je reste silencieuse. Il n'y a pas besoin de mots, entre nous, dans ces situations. D'habitude il s'énerve un peu sur moi parce qu'il me trouve trop collante, parce que je me mêle de ce qui ne me regarde pas selon lui. Mais ce soir, les mots de ses parents ont particulièrement dû le blesser parce que j'aperçois déjà une larme solitaire couler le long de sa joue. À la fois surprise et en colère contre ses parents, je ne trouve rien d'autre à faire que de l'enlacer, me mettant sur la pointe des pieds pour pouvoir enrouler mes bras autour de son cou. Il écarte la main qui tient sa cigarette pour ne pas me brûler et de l'autre il me rend rapidement mon étreinte.

Jamais deux sans toi - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant