Jimin était debout sur le quai, comme chaque matin. Et comme chaque matin, avant qu'il ne parvienne sur ce quai, un homme était assit sur un banc, de l'autre côté de la voie ferrée. Ce n'était pas un simple homme, c'était bien plus. Comme une apparition, troublant le manque de vie de l'embarcadère, déconcertant la gare toute entière. Il s'évaporait chaque matin dans le même train, celui qui partait dans la direction opposée de celle de Jimin. Il se dégageait de lui une telle prestance, qui parvenait à chambouler le petit être sur l'autre rive, lui aussi seul chaque matinée. Dès son arrivée s'engageait une longue contemplation de la part du protagoniste. Son élégance et son raffinement était d'une finesse inégalable. Jimin ne cessait d'imaginer les senteurs qui se dégageaient de l'homme, sûrement de la cannelle, quelque peu boisée, une odeur suave et délicate. Il ne connaissait de lui que la façade, son identité et son caractère lui étaient inconnus. La seule chose qu'il savait, c'était que cet homme aimait la lecture. Chaque matin, assit sur son banc, la jambe droite élégamment croisée sur la gauche, il lisait. Et de ses fins et longs doigts, il venait tourner les pages, d'un mouvement souple et tendre. Dieu seul sait à quel point Jimin aurait voulu ne serait-ce que lire le livre à ses côtés, zieutant sur les lettres avec difficulté, luttant vainement pour ne pas déranger de son regard si curieux et envieux, le corps parfait de l'homme. Mais un Chemin de Fer les séparait. Un monde les opposait. Alors il se contentait de l'observer au loin, ne sachant pas si l'être pure avait conscience de sa présence, de son existence.
Jimin sortie de sa mallette un feuille usée, plier en quatre. Il se munit d'un stylo, parer à rédiger une tirade si belle, aux reflets d'amour et d'extase. Il lisait mentalement ses anciens écrits, dorés déjà inspirés par l'inconnu.
"Éloigné de vos yeux, Monsieur, par des soins Impérieux
(j'en prends tous les dieux à témoins),
Je languis et je meurs, comme c'est ma coutume
En pareil cas, et vais, le cœur plein d'amertume,
À travers des soucis où votre ombre me suit,
Le jour dans mes pensers , dans mes rêves la nuit,
Et la nuit et le jour, adorable Monsieur !
Si bien qu'enfin, mon corps faisant place à mon âme,
Je deviendrai fantôme à mon tour aussi, moi,
Et qu'alors, et parmi le lamentable émoi
Des enlacements vains et des désirs sans nombre,
Mon ombre se fondra pour jamais en votre ombre.En attendant, je suis, très chère, ton valet.
Or, Monsieur, un projet impatient me hante
De conquérir le monde et tous ses trésors pour
Mettre à vos pieds"Le bruit féroce du train à l'arrivée imminente fait trembler la gare, achevant la lecture du jeune homme aux cheveux miels. L'homme se lève avec une grâce insouciante qui lui est propre. Sa tête se dérobe sur la droite, observatrice. Le train s'interpose, élément perturbateur et indésirable, engouffrant la muse du jeune homme. Puis, dans un élan chaotique, il s'en va. Laissant le quai voisin vide, emportant une pièce éphémère du puzzle.
VOUS LISEZ
𝒫𝒶𝓅𝑒𝓇 𝑀𝒶𝓃
FanfictionSon bras s'élance, l'avion s'envole, si loin, si haut, traversant avec nonchalance la voix ferrée. Il chute aux pieds du jeune homme, son buste se penche et sa main agrippe tendrement l'avion de papier. - À ta place, j'aurais ajouté quelques d...