Chapitre 4- Un nouvel équipier

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Un soir, alors que j'allais quitter le boulot, des éclats de voix retinrent mon attention. En m'approchant de plus près, j'aperçus les silhouettes de Nico, Solène et notre chef groupés dans l'entrée. 

"T'as pas le droit de faire ça, c'est illégal !"

"On s'est arrangés, elle est d'accord !"

"D'accord ? Tu te fous de moi ? Regarde un peu sa tronche, elle a pas l'air d'accord du tout !"

"Tu sais quoi Nicolas ? Tu m'emmerdes ! Toujours à brailler, à tirer la gueule, à rechigner à la moindre tâche. Tu passes ton temps à te plaindre et à faire des erreurs. Jusque ici je t'avais à la bonne parce que les autres t'apprécient et que je te pensais capable de mieux. Mais là c'est trop. Tu viens me faire chier pour dix minutes d'heure supp' et en plus tu contestes une décision qui ne te regarde même pas ? Dégage, t'es viré !"

De ma position, Nico était de dos, mais je devinais à son silence sa mine estomaquée. A côté d'eux, Solène se faisait minuscule, les yeux pleins de larmes et le visage rouge. Brusquement, Nico se ressaisit et fit un pas en avant, le poing levé. 

"Fils de pute !"

Mon sang ne fit qu'un tour : 

"Nicolas !" m'écriais je. 

Solène fut prompte et le saisit par l'avant bras : 

"Tu vas aggraver ton cas, arrêtes." ajouta t-elle.

Le chef lui jeta un dernier regard, plein de regret, de peine et de colère mêlées. Puis, il rentra dans les locaux. Nous demeurâmes tous les trois sans rien dire, chamboulés de toute cette émotion. Doucement, Solène lâcha Nico qui tremblait furieusement. 

Il tourna les talons. 

"Nico.." commençais je. 

"Laisse moi." répliqua t-il. 

Je n'ajoutais rien, le regardant monter dans sa voiture et quitter le parking en trombe. Je me tournais vers Solène, l'origine malgré elle de cette dispute. Elle contenait mal son chagrin. 

"Qu'est ce qui se passe ?"

"Le chef m'a... Il m'a proposé une retraite précipitée."

"Hein ? Mais c'est illégal !"

Elle fut prise d'un rire étrange, à mi chemin du sanglot.

"Il veut sûrement s'éviter de nouvelles conditions légales... je m'en fous tu sais. J'en ai marre de bosser ici."

Je ne l'avais jamais entendu parler ainsi. Face à ma mine déconfite, elle se rattrapa précipitamment : 

"Je vous adore, toi et les autres. Mais je travaille depuis mes seize ans et j'en peux plus de l'autoroute. J'aimerais revenir auprès de ma sœur, de mon fils et mes petits enfants, avoir tout mon temps à leur consacrer, tu comprends ?"

Pas vraiment. C'est sûrement parce que je ne suis qu'un enfant comparé à elle, que mes parents ne me manquent pas encore, que je n'ai encore rien construit. Mais elle a suffisamment de chagrin pour que je n'insiste pas. A la place, je prends Solène dans mes bras. 

"Vous allez me manquer."

"Vous ?" s'étonna t-elle.

"Toi et tes gâteaux."

Elle recula, ses mains posées sur mes épaules. Elle souriait, ce qui accentuait les rides lézardant son visage tacheté.

"Tu as mon numéro de portable. Appelle moi de temps en temps. Ok ?" 

Mouche à viandeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant