2.
_______I'm afraid of all I am
My mind feels like a foreign land
Silence ringing inside my head
Please, carry me, carry me, carry me home
________Silas, c'est le garçon bizarre. Celui qui ne parle pas beaucoup, toujours ses écouteurs dans les oreilles et les yeux sur une voûte céleste multicolore. Quand il fait jour, il s'allonge sur le banc de la cour, et depuis les salles de classes, les gens le regardent d'un œil sceptique.
Silas, c'est un garçon bizarre. Qu'on ne voit pas toujours en cours, pas toujours en soirée, mais quand ça arrive, parfois on entend aussi sa voix. Une voix douce qui tranche avec des paroles percutantes. Il porte des lunettes très rondes et quand il ne regarde pas le ciel, il regarde des livres. Alors, c'est le gars de la bibliothèque, dans le coin de la table numéro sept. Parfois, une fille s'assoit avec lui, toujours la même, et toujours le même morceau de dialogue. On pourrait dire qu'ils sont amis, ou pas. Qu'est-ce qu'on en sait ? Silas, tout le monde s'en fiche de ce qu'il fait.
Et aujourd'hui, en rentrant chez lui après une journée de cours éreintante, il a froid. Et il n'a plus son écharpe. Et devant lui l'éther se courbe et explose en nuances orangées. Un peu roses en hauteur, incandescentes quand elles effleurent la ligne d'horizon. Les reflets brûlent l'herbe sous ses pieds. Il remonte le long de la plaine dépravée. Belle de jour, enjôleuse de nuit. Sur un entre-deux, piégée dans un crépuscule avancé, elle n'est ni jolie ni baratineuse, puisqu'il ne fait ni nuit, ni jour. Elle est vide et seule, elle attend qu'on lui donne un nom. Elle a presque honte de sa place ici. Elle ne sait pas qu'elle est un peu enchantée. Les romantiques s'allongent sous ses cumulus de beau temps. Puis l'alcool nourrit son feuillage sous les sourires lunaires. Qui est-elle ?
Silas accélère le pas, se met à courir. Il y a un arbre, un unique sycomore qui semble prendre feu sous un soleil décrémentiel. Des points d'or forgé percent un feuillage plus très jeune, et Silas fonce avec un sourire grand comme l'univers. Ses mains heurtent l'écorce fatiguée, son sac tombe contre les racines meurtries, et il n'a plus froid, la chaleur éthérée est sa bouillote imaginaire. On pourrait entendre son rire, au loin, qui glisse contre le feuillage, contre l'herbe et contre les premières habitations plus bas.
Sa peau est dorée, ses yeux sont une mer de joyaux. Une puissante orfèvrerie que personne ne regarde jamais d'assez près. Son corps se hisse contre les branches, il grandit, porté par l'arbre que son père a connu avant lui, son grand-père plus tôt, son arrière-grand-père en premier. Ses jambes prennent les mêmes appuis, ses mains s'écorchent contre les mêmes échardes et son cœur s'accélère à la même vue majestueuse.
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Let Me Down Slowly
Teen FictionCould you find a way to let me down slowly? « On aurait dit un esprit de la forêt, ou un elfe, ou une fée. Les feuilles mortes du sycomore étaient ses ailes, flamboyantes mais calcinées. Il y avait l'odeur de vanille et de terre battue. À ce momen...