Chapitre 1

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03.04.2018

On s'était donné rendez-vous sur le pont du bateau. Nos parents n'étaient pas au courant de notre plan, personne ne l'était, ou du moins, nous le pensions...

Allions-nous un jour pouvoir nous aimer sans avoir à nous cacher ? Peut-être que c'était notre amour incompris qui était à l'origine de cette haine entre nos deux familles. À cette époque je préférais fermer les yeux sur la gravité de la situation, je croyais qu'elle allait s'arranger avec le temps. Quelle erreur avais-je fait de penser une chose aussi débile, elle s'était très rapidement dégradée. Lorsque j'avais réalisé ce qui allait se passer, il était déjà trop tard. J'avais l'impression que le monde autour de moi n'existait plus. Tout s'était écroulé le jour où tu avais décidé de ne plus vivre. J'avais compris qu'à partir de ce moment-là ma vie n'allait plus jamais être la même. Ma moitié m'avait quitté laissant derrière elle une lettre, seule preuve de son existence et de son amour envers moi. Cette haine que se vouaient nos parents avait finie par le pousser à bout, il n'avait pas supporté la pression de plus en plus importante, alors il s'est enfui de la manière la plus simple. J'aurais voulu le rejoindre mais on m'avait persuadé de ne pas le faire. Les années qui avaient suivi avaient été les pires de ma vie, sans lui à mes côtés je ne ressentais plus le besoin de me nourrir, de dormir, de vivre tout simplement. La peine à l'intérieur de mon cœur était tout bonnement insupportable et irréparable. La seule personne qui m'avait compris n'était autre que ma sœur, elle avait illuminé ma vie tel un rayon de soleil, me faisant oublier momentanément ma souffrance. Elle avait réussi là où d'autres avaient échoué, elle me faisait sourire parfois même rire avec toutes ses blagues et sa maladresse. Grâce à elle j'avais réussi à sortir peu à peu de ma dépression et à retrouver le goût de vivre.

Aujourd'hui, l'eau a coulé sous les ponts, j'ai près de 25 ans et ma sœur est toujours à mes côtés, à me soutenir. La seule chose qui me terrifie à présent est de retomber amoureux, j'ai peur de commettre les mêmes erreurs et qu'alors l'histoire recommence à cause de l'intolérance de mes parents. Lorsque le drame avait eu lieu, mes parents avaient décidé qu'il valait mieux pour leur réputation que j'épouse une fille d'une bonne famille pour faire taire toutes les rumeurs qui courraient sur mon homosexualité à l'époque. J'avais tout de même réussi à assister à son enterrement, ses parents ne m'en voulait pas, ils savaient que ce qui lui était arrivé était de leur faute et de celle de mes parents. Bien entendu mes géniteurs avaient nié disant que leur fils était "malade" et qu'il m'avait "contaminé". Ils m'avaient fait voir un psychologue, un psychiatre ainsi qu'un exorciste, pensant que j'étais possédé par le diable. C'est pour éviter tout cela que je l'empêche, lui, d'entrer dans mon cœur déjà meurtri par les atrocités de mon passé.

04.04.2018

Un nouveau jour s'offrait à moi, le soleil était déjà bien haut dans le ciel. Il devait être dix heures ou plus, je ne sais plus ce que j'avais fait la veille mais en tout cas je n'étais pas dans mon assiette ce jour-là. Je me souviens avoir senti une odeur de café, une douce odeur qui m'avait fait penser aux moments que je passais avec lui quand je passais encore toute une nuit chez lui. La seule personne capable de faire un café dégageant cette odeur si particulière ne pouvait être que ma sœur, elle s'affairait en cuisine comme elle aimait le faire. Je m'étais levé pour la rejoindre, cela faisait un ou deux jours que je ne l'avais pas vu. Pendant ce laps de temps où je m'étais retrouvé seul mon moral avait légèrement baissé, sa petite bouille m'avait manqué et maintenant qu'elle était de nouveau là, à mes côtés, j'étais sûr de ne pas passer, ne serait-ce qu'une seconde, à m'apitoyer sur mon sort. Je savais bien qu'elle ne pourrait pas s'occuper de moi toute sa vie, qu'un jour elle trouverait quelqu'un et qu'elle fonderait une famille. Je n'avais pas imaginé que ce jour arriverait si tôt...

"T'es sûr que tout ira bien pour toi ?" M'avait-elle demandé

"Oui, ne t'en fais pas." Lui avais-je répondu en souriant

"Je m'inquiéterai toujours pour toi, tu es mon frère." Elle m'avait pris dans ses bras.

Je l'ai serré fort et j'ai senti grâce aux secousses de son corps qu'elle pleurait. Je m'étais senti mal de la voir dans cet état, elle, qui avait toujours su voir le côté positif de la vie. Elle, qui m'avait sorti de mon trou, mon pilier, ma lumière, mon guide. Je ne pensais pas qu'avoir une sœur serait aussi rassurant et vital. Beaucoup se plaignent de leurs petits frères ou de leurs petites sœurs mais dans mon cas, je la chéri et je l'admire parce que personne n'avait eu le courage de me défendre face aux parents et personne ne me comprenait mieux qu'elle. Elle partait du principe que tant que l'amour était sincère entre deux personnes, et qu'elles étaient fidèles alors pour elle rien d'autre n'avait d'importance (tant que la relation n'avait rien d'illégal).

Elle avait fini par se détacher de moi, ses yeux étaient encore remplis de larmes et ses joues humides. Et là encore, malgré toute la tristesse que traduisait son regard, elle m'avait souri comme si de rien n'était. Je suppose que c'était pour me rassurer, sa façon de me dire qu'elle allait bien et qu'il ne fallait pas s'inquiéter. Seulement elle oubliait que si, elle, elle s'inquiéterait toujours pour moi, et bien que j'en ferais tout autant.

FREDOMOù les histoires vivent. Découvrez maintenant