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    Fleur, je l’ai rencontrée sous un joli soleil. Pourtant, c'était le jour de la rentrée,  il ne faisait pas très beau. Il pleuvait. Et cela m’avait particulièrement déplu, lorsque je l’avais réalisé. Mais, ce n’était pas grave, j’avais alors pensé. Ma rentrée à moi avait lieu à partir de 14h seulement, et je m’étais alors permis de garder l’espoir secret qu’il ferait meilleur en cet après-midi spécial.

    Nous étions pour l'occasion tous arrivés très en avance, très peu élégants mais nous n'en savions rien, et nous nous pensions tous très impressionnants lorsque nous sommes entrés dans une petite salle de classe qui sentait très fort le chaud.

    Nous avons attendu que tout le monde entre, nous nous sommes répartis de manière parfaitement aléatoire, et nous nous sommes tus. J'ai alors tourné ma tête vers la droite – la dernière rangée, celle collée au mur – et j'ai réalisé que personne que je connaissais n'était venu me soutenir dans cette aventure qu'est la rentrée. J'ai alors concentré toute mon attention à regarder obstinément la place vide qui se trouvait à côté de moi, en attendant peut-être que quelqu'un y apparaisse sous l'effet de mon regard.

    J'ai soudain entendu mon nom résonner, et parce que je suis quelqu'un de très concentré, j'ai mis quelques minutes à comprendre qu'il était question de moi. Le nom suivant était celui d'une élève que je ne connaissais pas, et c'est dommage, parce qu'elle portait un bien joli nom.

    — Chevalier, Fleur ?

    Personne n'a répondu. La professeure a noté quelque chose que je n'ai pas discerné, et a continué l'appel. Alors, j'ai commencé à décrocher lentement de ce qui se passait autour de moi. Mais, ce n'est pas grave, parce c'est après que tout devient intéressant.

    Après avoir passé deux bonnes heures à écouter une professeur aigrie nous raconter les difficultés de cette année, nous avons enfin eu droit à une courte libération, qui s'est révélée être une récréation de quelques minutes. Nous nous sommes rués sur la porte – enfin surtout moi, j'ai quand même dû attendre un moment que mes amis sortent, et j'ai alors décidé de m'asseoir sur un banc devant la salle.

    Une jeune fille qui semblait être venue de nulle part s'est alors approchée de moi. Au début, elle n'avait rien de particulier. Puis d'un seul coup, j'ai réalisé à quel point elle était belle. Elle était magnifique, elle sentait la violette, et ses yeux pervenche me regardaient d'un air pétillant. J'avais le sentiment d'avoir une enfant devant moi, la plus belle enfant que j'avais jamais vue.

    — Salut, me réveilla-t-elle alors, hésitante. Je suis en retard ?

    Oh non. Je sentais que j'allais être mal à l'aise, et ce fut d'ailleurs le cas. Non, non, non. Il ne fallait pas qu'elle me parle… qu'est-ce que j'allais faire maintenant ? Je me comportait toujours très bizarrement quand j'étais dans ce genre de situation.

    Je n'avais pas la moindre idée de ce qui m'arrivait, en toute honnêteté. J'étais là à bafouiller, rose, mes yeux rivés sur son visage parfait. J'étais bien incapable de lui répondre, en cet instant.

    J'ai tenté d'articuler un petit « oui » qui ne m'engageait à rien et qui, normalement, ne nuirait pas à la première impression que je lui ferais de moi. Mais au lieu de cela, mon cœur battait si fort que le voir s'échapper par ma bouche ne m'aurait même pas semblé surprenant.

    — Je… ouais, enfin, je sais pas, c'est quoi ton nom ? déglutis-je difficilement en baissant aussitôt ma tête de honte, lâchant ces mots avec un ton plus agressif et impoli que je ne l'aurais voulu.

    — Je viens d'arriver. Dans le lycée, je veux dire. On m'a fait signer tout un tas de choses. Enfin, pas à moi, à ma mère. Mais, il fallait que je sois là, tu comprends. Parce que c'est ma rentrée. Et c'est la raison pour laquelle je n'arrive que maintenant.

   Elle parlait beaucoup. D'ailleurs, elle sembla s'en rendre compte, car elle m'adressa un sourire qui fait encore plus monter le rouge à mes joues en ajoutant :

    — Mais, ce n'était pas du tout la question, pas vrai ? Tu me demandais mon prénom, je crois. Mon esprit divague... soupira-t-elle d'une voix théâtrale, en regardant ailleurs avec poésie pendant un court instant.

    Elle ajouta enfin :

    « Je suis Fleur. Fleur Chevalier. »

    Au moment où elle prononçait ces mots, j'étais justement en train de relever ma tête, et je me trouvai alors face à ce qui semblait être un ange. La lumière dorée d'un soleil perçant difficilement à travers la grisaille éclairait son visage. Ses yeux pervenche brillaient d'une lueur éclatante et enjouée, un petit sourire en coin éclairait ses lèvres roses, faisant légèrement remonter ses pommettes de la même teinte. Ses cheveux aux reflets rendus dorés par le soleil volaient autour d'elle par un vent agréable, semblable à des pétales.

    Elle était belle comme une fleur, ou non, elle était même tout un bouquet. Un bouquet à la senteur sucrée, parsemé de toute la beauté de ce monde. Je me suis alors plu à imaginer que quelqu'un avait un jour dû cueillir des fleurs d'une telle magnificence, puis les avait réunies pour créer à partir de ces plantes divines la plus belle personne de cette planète. Et moi, j'avais la chance de la rencontrer. J'avais eu la chance de lui bégayer aux oreilles, de lui rougir au nez, mais aussi, de lui faire décrocher un magnifique sourire.

    Fleur. Fleur Chevalier. Un chevalier, c'est ce que je voulais être, en cet instant, un chevalier qui se battrait pour le cœur de sa princesse, jusqu'à ce que son cœur batte pour moi.

    Fleur. Même si elle ne m'avait pas dit qu'elle s'appelait ainsi, je l'aurais deviné à ses yeux pervenche, ses lèvres roses et ses cheveux volant autour d'elle comme des pétales.

    Fleur. En prononçant son nom dans ma tête, quelque chose brûlait au fond de moi, tout comme mes joues en feu, qui traduisaient un sentiment que je ne savais expliquer.

fleur.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant