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   Fleur. Fleur, j'aimerais parfois - mais pas tout le temps parce que j'ai plein de trucs à te cacher - que tu puisses lire dans mes pensées. Ainsi, tu te rendrais compte que je sais tout de toi, tu remarquerais enfin que je vois et observe attentivement chacun de tes mouvements.
   Fleur, t'es blessante. Tu me fais beaucoup mal, tu sais. Enfin non, je crois que tu ne sais pas, et là se situe le problème. Ainsi, tu ne fais aucun effort, et en même temps pourquoi t'en ferais ? Tu ne m'aimes pas, toi. Enfin, pas que je t'aime non plus, mais pas loin.
   Tu sais, des fois je pense très fort et j'ai l'espoir caché que tu entendras, comme si mes songes pouvaient te parvenir, comme si j'pouvais te communiquer mes larmes intérieures et mes réflexions. J'ai toujours une certaine tristesse au fond de moi parce que j'ai l'impression qu'inconsciemment même si tu fais rien contre, tu l'entends cette foutue peine au fond de mon cœur, et parce qu'elle devrait résonner dans le tien et se changer en amour. Malheureusement, les choses ne fonctionnent pas ainsi.
   Tu me fais mal quand tu ris avec d'autres, de loin. Je te vois, je t'écoute ; je ne peux pas te regarder trop longtemps parce que même si tu peux pas me voir, mes amis et les tiens eux peuvent. J'ai toujours peur que ce soit écrit sur mon visage, que tout le monde devine à travers mon regard la fascination que j'éprouve à ton égard. Peur que ça transperce ma tête et jaillisse de mes oreilles et entre dans celle des autres, qui s'empresseront d'aller raconter mes sentiments à qui veut les entendre, et surtout à toi qui n'en feras rien.
   Je peux pas m'empêcher de tourner la tête vers toi pendant que je parle à quelqu'un d'autre - forcément parce que jamais je te parlerai à toi - mes yeux s'arrêtent inconsciemment sur ton visage et je dois sacrément te faire peur. Mais ce n'est pas grave, parce que moi je te fais peur et toi tu me fais mal, c'est équitable.
   Fleur, j'aimerais bien avoir le courage, ou alors au moins une bonne raison de venir vers toi. J'aimerais pouvoir m'approcher de toi sans que tu me trouves étrange, sans sembler mal à l'aise. Que la conversation se fasse, qu'on devienne un peu plus proches, qu'on construise quelque chose. Que je puisse au moins me réconforter en me disant que tu ne nous vois pas encore autrement qu'en tant qu'amis, mais que c'est peut-être pour plus tard et qu'il faut laisser le temps au destin. Mais honnêtement j'ai pas l'impression que le destin m'offre beaucoup d'occasions de te parler.
   Mais je sais même pas pourquoi je m'intéresse toujours à toi, parce que je t'ai vue, tout à l'heure. J'ai aucune chance pas vrai ? Mais lui oui, hein ce type avec qui je t'ai aperçue. Apercevoir est un faible verbe, je crois qu'on pourrait dire que je vous ai dévisagés. J'ai vu vos lèvres se rencontrer, je vous ai vus repartir ensemble, unis et sûrement plus heureux que moi qui vous regardais à distance.
   J'ai aussi vu quelques larmes presque invisibles tomber sur le trottoir qui provenaient du long de mes joues, que j'ai essuyées avec empressement parce qu'on était encore en présence de personnes susceptibles de me poser mille questions. Ça m'a fait mal, Fleur. Au fond de moi ça a ouvert comme une blessure qui était déjà là, mais dont j'ignorais l'existence.
   J'ai eu le sentiment que tout s'écroulait autour de moi. Parce que j'avais un peu espéré, au fond de mon cœur maintenant brisé. Je sais pas ce qui me poussait à y croire, mais le fait est que mon esprit s'est mis en pause restant à vous fixer avec tristesse. J'ai vu flou, au sens propre. J'ai eu froid, aussi. Le froid que l'on ressent lorsque l'on est malade. Le genre de froid désagréable et nullement dû à la température extérieure. J'avais chaud en même temps, mes joues me brûlaient, mes oreilles et ma gorge aussi. Des gens autour, au final ne remarquant étrangement pas mes larmes, continuaient de me parler, et je n'entendais plus rien. Tout était comme éteint. J'étais solitaire, dans un monde pourtant surpeuplé de personnes qui n'étaient pas toi.

   Fleur. Je crois que je souffre de jalousie, et y a vraiment qu'une seule personne qui peut me sauver, même si je sais qu'elle n'en fera rien.

fleur.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant