Par-Delà le Néant

PROLOGUE

Le vaisseau vibre, tressaute, hoquette. Les plaques d'acier malmenées par la pression externe se tordent et plient comme de vulgaires morceaux de papier, les fissures se multiplient à la vitesse de l'éclair. À l'intérieur, c'est le chaos : les sirènes d'alarme hurlent, les spots muraux vacillent. Au milieu du bruit et des flashs, une silhouette. Ses vêtements sont maculés de sang, il est à bout de souffle. Immobile, il contemple l'apocalypse à travers la verrière de la salle de commande, debout à côté du pupitre de contrôle éventré. L'arrière de l'astronef est réduit à une masse informe et déchiquetée d'où jaillit une épaisse fumée noire. Les turbines extérieures sont en feu, le réacteur détruit, le vaisseau en perdition. Une secousse fait bondir la carcasse fumante, qui se déchire en deux dans un hurlement de matériaux pulvérisés. La tête de l'engin est arrachée dans une giclée de débris, emportant avec elle le cockpit qui se désolidarise bientôt du corps. Son occupant valse sur la paroi gondolée. L'épave se met à tournoyer sur elle-même, la force centrifuge plaque tout sur les murs, les fissures deviennent failles, la verrière se couvre d'impacts. « Tout va bientôt se désintégrer » comprend-t-il. Il a juste le temps d'arracher une dernière image de la Nuée. Puis les ténèbres recouvrent la verrière, celles qui marquent la frontière du Néant : la chute inexorable de l'épave s'accélère. Il contemple la bouche vorace sur le point de l'engloutir. « A trop tenter le diable, me voilà aspiré en Enfer ! En même temps... le Trou Noir nous rattrape toujours ! ». Il sait qu'il va mourir, mais, étrangement, il n'en éprouve aucune peur. « J'espère seulement qu'elle réussira à s'en tirer... ». À cet instant, la verrière implose dans un millier d'éclats tranchants. En une fraction de seconde, il est aspiré et projeté à l'extérieur, happé par le vide intersidéral. Il n'a même pas le temps de s'en rendre compte : déjà, la gravité absolue du trou noir l'a broyé et aspiré tel un grain de poussière...