END CITY

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Une heure plus tard, la vieille navette s’arrimait en douceur à un des innombrables pontons d’End City, guidée d’une main experte par Aël. Les deux jeunes gens s’extrayèrent avec difficulté de l’habitacle exigu. Situé à l’écart de la Nuée, dans le vide interplanétaire, le petit astroport avait la forme d'une demi-sphère d’acier, immobile dans l’espace, où les habitations, les boutiques, les bâtiments officiels s’étageaient sur une quinzaine de niveaux. En dessous se situaient les pontons spatiaux. Cette dernière partie était semblable à d’immenses racines entremêlées, plantées dans le cercle inférieur et jaillissant en un véritable dédale de tubes s’entrecroisant, se rejoignant et se séparant en de multiples et complexes ramifications : c’était là où ils se trouvaient en ce moment. Heureusement, Aël était familier des lieux, et ils n’eurent aucun mal à rejoindre la partie supérieure. Là, une foule dense et hétéroclite se pressait dans les étroites rues écrasées entre les bâtiments carrés, dans un brouhaha assourdissant et permanent. Il était difficile de cheminer en groupe sans se perdre de vue. Les deux jeunes gens se concertèrent brièvement, avant de finalement décider de commencer par le ravitaillement, pour se rendre ensuite au Bureau des Concessions. Quant aux matériaux nécessaires aux réparations, il iraient les chercher en dernier, Aël connaissant un ferrailleur qui avait boutique tout près des pontons. 

    Au cours de leurs déambulations, Aël ne put faire autrement que remarquer le comportement anormal de Xinthia. Ses soupçons se transformèrent bien vite en certitudes : la jeune femme ne cessait de jeter des regards vifs et anxieux aux alentours. Aël tenta de l’interroger, en vain. Voir Xinthia, d’habitude toujours imperturbable et décomplexée, aussi agitée le perturbait. Finalement, après deux bonnes heures d’achats en tout genre, ils arrivèrent devant le Bureau des Concessions Minières. C’était le bâtiment officiel le plus important d’End City, et pourtant il ne payait guère de mine. C’était un entrepôt brut et sans fioritures, massif et carré, aux murs usés et rouillés. Des tâches de graisse, de crasse, ainsi que certaines d’une couleur noirâtre particulièrement suspecte constellaient la façade. Un néon fatigué aux couleurs ternes clignotait misérablement sur la devanture. Avant d’entrer, Aël s’autorisa un regard en direction de Xinthia : une tension véritablement inhabituelle électrisait tout son corps. Aël, dérouté et inquiet, lui proposa de rester à l'extérieur, mais la jeune fille refusa catégoriquement, pénétrant sans attendre dans le bâtiment.

    La salle était miteuse, les murs flanqués de bancs inconfortables occupés par une faune louche et peu avenante. Au fond, un bureau occupé par un petit fonctionnaire ridé à l’air revêche bloquait l’accès à une porte automatique, menant vers les bureaux des responsables. Les deux adolescents s’avancèrent dans sa direction.

- Bonjour, je m’appelle Aël Crimson. Je souhaiterais rencontrer M. Bills, s’il vous plaît.

Le vieil homme ne réagit pas, comme s’il ne l’avait pas entendu, mais Aël resta bien campé devant le bureau. Finalement, le vieillard consentit à contrecœur à leur accorder son attention. 

- Le motif de votre visite ? maugréa-t-il.
- Ça ne vous regarde pas. Affaire privée. J’ai juste besoin de savoir s’il est disponible, rétorqua Aël.

Le fonctionnaire, sourcils froncés, le toisa. Le jeune homme soutint son regard. Il refusait de dire qu’il venait renouveler sa concession. Pas ici, pas devant la foule qui l’observait attentivement. Tous ces gens étaient ici pour une raison bien précise : obtenir un contrat d’exploitation. S’ils apprenaient que celui de l’adolescent arrivait à sa fin, ils ne reculeraient devant rien pour s'approprier son titre de propriété. Finalement, le vieil homme finit par ravaler sa curiosité et cracher :

- Il est libre. Vous pouvez y aller.

Les deux jeunes gens se dirigèrent vers la porte. Aël, bon prince, laissa passer Xinthia en premier. Juste avant que le battant ne se referme, Aël entrevit du coin de l’oeil un jeune garçon se lever d’un des bancs et sortir de la salle, mais n’y prêta guère attention et continua son chemin. 

Par-Delà le NéantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant