Si Méchamment.

3 0 0
                                    


- Ha non, si il n'y a pas de police je n'y vais pas ! Tu imagine ? On se ferait enlever ? Bon Dieu, jamais tu ne m'y emmènes !

Je n'écoutais plus que d'une oreille. En fait, j'aurai aimé écouter ce que tu avais à dire sur nos futures vacances sur une île sans police mais il avait fallu que je me retourne. Que je le vois.

Je ne sais pas pourquoi, tout mon être s'était comme crispé à sa vue. Mes pensées s'étaient bloquées.

Ce visage.

Je m'étais retournée pour mieux t'endendre, maman, mais j'ai vu le visage de ce garçon et je ne t'ai plus écoutée depuis.

Son regard brûlant m'avait dévisagée, moi et ma curiosité éhontée. Ces yeux tristes emplis d'une haine qui m'avait fait frissonner, ces lèvres abîmées qui pinçaient la cigarette à sa main. Et il m'avait dépassée, du côté opposé à celui vers lequel j'étais tournée, je ne l'avais même pas vu de profil.

Il devait avoir un peu plus que mon âge. Je n'ai jamais vu quelqu'un si beau maman, jamais. Il avait l'air si triste, si abattu et en même temps hors de lui, il était si beau, complu dans sa peine et sa colère.
Il avait marchait dans les rues si rapidement, si méchamment.

Tu m'avais arrêtée près du rond point, demandant où je voulais qu'on aille. J'avais haussé les épaules, encore dans ma contemplation mais il était déjà parti, et tu m'avais pris la main et m'avais finalement emmenée dans la rue qui suivait celle ci. Et il était là, il marchait devant nous maman. Je n'arrête pas d'y penser. Était-ce une coïncidence ?
Tu sais qui dirait que ce n'en est pas une.
Je le fixais, je le fixais si fort qu'il aurait pu sentir le poids de mon regard sur son corps, le détaillant. Qu'il aurait dû. Son poing pris dans des bandages blancs, l'autre qui emprisonnait une cigarette mal roulée entre deux doigts, ses cheveux blonds, sa peau blanche.
Mais tu m'avais pris par le bras et emmenée dans cette boutique qui liquidait ses produits.
J'aurai voulu le regarder jusqu'à la fin des temps maman !
J'aurai voulu qu'il me regarde aussi, en silence, que seul le poids des émotions nous étouffe de ses maux.

Je n'arrête pas d'y penser maman.

Œuvres Uniques.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant