A bord de notre bateau, alors que mon père nous conduit vers notre endroit préféré, j'enfile ma combinaison et fais mes exercices de respiration. Ils durent de longues minutes. Dans mon champ de vision, mon père s'équipe, met ses bouteilles, son masque. Il ne me dérange pas. Me laisse tout le temps nécessaire.
Et enfin, il est temps. Temps de faire ce pourquoi j'ai l'impression d'être venue au monde.Temps de me reconnecter à mon corps, à la réalité. Au monde.
Nous plongeons.Il n'y a plus rien.
Rien.
Que l'immensité de l'océan.
Juste l'eau tout autour de moi. Et mon père quelque part derrière.
Seulement le calme. Un calme profond. Envoûtant.
Et pourtant, pourtant, il y a du bruit. De nombreux bruits. Mais ce ne sont plus ceux de la surface. Alors que ceux d'en haut me stressent, m'agacent, me font même mal parfois, ceux d'ici m'apaisent. Ils me remettent à ma place. Petite chose insignifiante face à l'immensité de l'océan.
Nous observons la faune marine, ne remontant que le temps de me laisser prendre cet air si indispensable à la vie.
Bientôt, j'ai besoin d'aller plus loin.
Mon père dans mon sillage, je descends vers les abysses. Vers moi. Les profondeurs océanes m'entraînent au plus profond de moi-même.
Chacun de mes mouvements devient une méditation. Je ne pense plus. Je suis là. Juste là. Il n'y a pas de passé. Pas d'avenir. Seulement le moment présent qui s'étire à l'infini.
Je suis bien. Je me sens bien.Mais même l'infini se termine. Bientôt, bien trop tôt à mon goût, je dois remonter à la surface chercher cet air si précieux qui me permet de vivre. C'était trop court. Et pourtant si bon.
Mon père me dévisage pour s'assurer que je vais bien.
Je vais bien. Plus que bien même. Un sourire naît sur mes lèvres et n'en part pas.— C'était génial.
— Oui, tu as vraiment progressé.Papa.
Toujours à me dire que ce que je fais est bien. Toujours à me valoriser.
Je l'aime. Je n'ai pas honte de le dire.— Tu veux y retourner ?
Oui.
— Non. Il doit être tard.
Et en toute objectivité, je suis fatiguée.
Nous remontons sur le bateau. Rejoignons le port et la maison.
Pour un instant encore, je vais sous l'eau. J'enlève le sel qui colle à ma peau et la fait tirailler dès que je suis sur la terre ferme.
Seulement quelques minutes après que je sois sortie de la douche, Léo arrive. Il est ponctuel, toujours. Il s'affale sur mon lit, prend mon oreiller et le cale derrière sa tête.— Fais comme chez toi.
Il me tire la langue. Avant de m'attraper la main et de m'attirer contre lui. Ma tête appuyée sur son épaule, je regarde les étoiles qui ornent mon plafond pendant qu'il joue avec mes bracelets.
Le silence entre nous n'est pas pesant. Ce n'est pas comme avec Luna. Avec elle, tout n'est que bruit. S'il n'y en a pas, elle a peur. Peur de ce que ça remue en elle. Elle ne m'en a parlé qu'une seule fois. Me faisant promettre de ne plus jamais remettre la conversation sur le tapis.
J'ai promis.
Tout à coup, la voix de mon ami brise la quiétude de la pièce.— Tu vas me manquer au lycée.
— Pendant les trente premières minutes.
— Arya...
— Mais si Léo, tu sais bien que j'ai raison.Je n'ai même pas besoin de le voir pour voir son air outré. Mais je ne renonce pas.
— Et puis, tu pourras enfin draguer tranquille.
— N'importe quoi.
— Bien sûr que si. Elles ont toujours été jalouses de notre amitié. Ce que je comprends totalement.
— Si elles étaient jalouses, c'est qu'elles ne me méritaient pas.
— Peut-être. Mais au moins je ne serai plus dans tes pattes.
— Et moi, pas dans les tiennes, c'est ça.
— Exactement.
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Cinq Sens
Genç KurguL'ouïe. La vue. Le goût. L'odorat. Le toucher. Cinq sens. Tous les jours, elle entend son skateboard. Tous les jours, elle voit. Ses amis. Ses profs. Son père. Tous les jours, elle goûte. Mange. Tous les jours, elle sent les embruns de l'océan tou...