Chapitre 4 - elle

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Moi : « C'est nul sans vous. »

Pauvres mots envoyés sur la conversation commune que j'ai avec Léo et Luna.
Pauvres mots qui reçoivent immédiatement une réponse.

Léo : « tant mieux »
Luna : « oh ma chérie... Léo, t'es qu'un gros nase, lui dis pas ça. »
Léo : « ben, ça sert à quoi de mentir, t'as vraiment envie qu'elle nous oublie et ne veuille plus avoir à faire à nous ? »
Moi : « c'est avoir affaire, pas avoir à faire »
Luna : « ça suffit l'intello. T'as vu Hugo ? »
Moi : « non »
Luna : « dommage »
Moi : « ouais »
Léo : « tu vas pas nous oublier hein ? »
Luna : « et voici Léo qui lâche jamais le morceau »
Léo : « avoue que tu brûlais d'envie de lui poser la question »
Moi : « vous avez vraiment peur ? »
Luna : « non mais sérieux, Arya, réponds, merde »
Léo : « ouais réponds, tourne pas autour du pot. Alors ? »
Moi : « aucun risque »

Je vois leurs sourires d'ici. Ils me réchauffent le cœur. Cette journée sans eux était étrange. Les élèves de ma classe égaux à ce à quoi je m'attendais.
C'était certain que j'allais avoir droit à des remarques pourries sur mon prénom. Le pire, c'est que je les attendais avec impatience. Je connaissais mes anciens camarades depuis tellement longtemps que, venant de leur part, ça sonnait faux.
J'ai pris un malin plaisir à répondre à cet abruti. Plutôt mignon d'ailleurs. Ce qui ne me servira jamais à rien étant donné que j'ai dû lui faire peur. Et que c'est un abruti.
J'ai quand même été contente de voir que je n'étais pas la seule à avoir un prénom qui sort de l'ordinaire.
Ce garçon, Saïg, que j'ai revu sur la plage, n'est pas vraiment gâté non plus. Au moins le mien est facile à dire. Bon, par contre, ça a l'air d'être un ours. Ou une huître. Plus fermé, tu meurs.
C'est dommage, il avait l'air sympa, comme ça, au premier abord.

Léo : « Arya, on t'a perdue ? »

Je me rends compte qu'ils ont continué à discuter pendant que je repensais à cette journée. Je repasse les messages et leur réponds jusqu'à ce que mon père m'appelle pour le dîner.

Moi : « repas »

Ils me répondent en cœur un idem suivi de divers smiley. On se dit à plus tard.
Mon père a déjà tout préparé. La table est mise, le dîner servi. Il assure. Comme toujours.

— Alors cette journée, ma grande ?

Je l'ai déjà vu depuis que je suis rentrée de ma baignade mais depuis toujours, nous débriefons nos journées pendant que nous mangeons.

— Ça a été. J'ai évidemment eu droit à Game of Thrones.
— J'suis désolé.
— Menteur.
— Et alors ?
— J'ai mouché le garçon qui a osé parler plus fort que les autres.
— Je n'en doutais pas une seconde. Je ne t'ai pas appelée Arya pour rien.
— Et toi, ta journée ?
— On n'a pas arrêté. Les surfeurs sont arrivés et c'est à croire qu'ils ont laissé la moitié de leur matos chez eux...
— C'est vous qu'ils viennent voir. Ils seraient prêts à acheter n'importe quoi, juste pour discuter avec vous.

Mon père et son meilleur ami tiennent un magasin de surf et de plongée qui a pignon sur rue. Des tas de champions y ont laissé leur griffe alors ça attire du monde. En plus, ils bossent comme aucuns autres dans le coin.
Ils n'arrêtent pas de me répéter que mes résultats en compétition leur ont également apporté une toute nouvelle clientèle mais je trouve qu'ils en rajoutent.

— Tu as peut-être raison.
— Pas peut-être. J'ai raison.

Mon père fait mine d'accepter ma réponse. Pourtant, je sais parfaitement qu'il n'est pas d'accord. Il campera sur ses positions et moi, sur les miennes. Nous sommes aussi têtus l'un que l'autre.
Nous finissons notre repas en parlant de tout et de rien.
Il m'écoute et j'en fais de même quand c'est son tour de parler.
Je sais que nous avons une relation privilégiée.
Ça n'a pas toujours été facile pourtant. Comme beaucoup d'enfants adoptés, j'ai voulu savoir d'où je venais. Je lui ai, plus que de raison, dit qu'il n'était pas mon père. Qu'il n'avait pas le droit de me commander sur quoi que ce soit. Je lui ai tenu tête. Encore et encore. Lui balançant des horreurs au visage. Des choses que je ne pensais pas.
Jamais, je dis bien jamais, il n'est rentré dans mon jeu. Jamais, il ne s'est éloigné de sa ligne de conduite. S'il était touché, et je sais que c'était le cas, jamais, il ne me l'a montré.
Il a fait ce que tout bon parent aurait fait pour son enfant. Il m'a aidée.
Ma colère s'en est allée d'elle-même.
Je lui ai demandé pardon. La seule chose qu'il m'a répondu était que ça aurait été anormal que je ne sois pas une adolescente comme les autres.

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