Chapitre 3

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« J'ai rencontré une poule ! »

Ses copines sont attablées à la terrasse d'un café. Elles sont deux, à prendre le soleil un verre de bière à la main. Elles lui ont gardé un siège, elle s'y assoit.

Leurs yeux sont rivés sur moi. Je m'ébroue, et prend place sur le rebord d'une chaise restée vide, autour de la table. Je les observe à mon tour. Elles se ressemblent. Même âge, la trentaine. Même dégaine, nonchalante. Je jette un coup d'oeil circulaire à la terrasse, que des femmes. « T'as vu ? Que des meufs ! La belle vie ! »

Ma voisine de droite esquisse un coup de coude amical dans ma direction, et poursuit, en me regardant : « Tu viens de chez les musclors ? Ils ont résolu le mystère de la vie ? »

Toutes rient. Puis leurs regards se croisent et elles redeviennent sérieuses. Ma camarade prend la parole : « C'est officiel, elle est bien partie. Elle a pris le bateau. Je viens d'aller vérifier directement auprès de la compagnie. »

Un soupir triste parcourt l'assemblée, elles regardent ma chaise restée inoccupée, et je me garde bien d'intervenir. « La Californie, la Silicon Valley, tout ça sonne tellement Vieux Monde ! »

Ma voisine de gauche semble plus compréhensive : « En même temps c'est vrai que des fois on s'ennuie par ici. On fait nos heures pour la communauté, on dessine, on écrit, on jardine, on organise la vie collective. On tourne quand même franchement en rond.

— Mais de là à aller jouer avec les savants fou du clonage et de l'immortalité, sans moi ! On va vers la fin de l'humanité, je comprend bien que ça puisse titiller certains, mais les expériences qu'ils doivent mener là- bas, nourris au désespoir, ça me terrifie !

— Qu'en penses-tu poulette ? »

Elles me regardent toutes. J'en pense que toute cette aventure m'a assoiffée. Je désigne du bec un de leurs verres. Ma voisine de gauche me tend sa bière en riant. Tandis que je bois, j'entends « Quelle drôle de poule », et je sens une main qui cherche à caresser mon plumage roux étincelant.

Ah non, je ne veux plus être la poulette de qui que ce soit ! Je décide de les quitter. Leur monde court à sa perte, il ne faut pas que je m'attache !

Je rejoins d'un petit saut le haut de la chaise, picore un reste de pain sur la table, et hop, hop, hop, me voilà sur le rebord de la fenêtre du premier étage du café. Bien placée pour me tenir informée de la fin du monde des humains. Bien placée pour imaginer la suite.

Je repense à mes ancêtres les dinosaures, l'heure de la revanche a sonné.

La plume gauche levée, je lance mon cri « cot-cot, cot-COT GRAOOOOOUU ». 

[Terminé] La Poule de l'ApocalypseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant