Chapitre 8

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Jour 19

- « Suivez le sentier banalisé, surtout ne vous aventurez pas trop loin dans les bois, il suffit de bien accorder la lecture de la carte à la maîtrise de votre boussole et tout se passera pour le mieux »...mon cul, oui !

Lyse ragea en hurlant insulte sur insulte aussi fort qu'elle le pouvait. Si les autres ne les avaient pas encore entendues, c'est qu'elles s'étaient vraiment perdues très, très loin dans la forêt.

- Je savais bien que la course d'orientation, c'était pas fait pour moi ! continua-t-elle dramatiquement en s'affalant sur un rocher. De toute façon, c'est bien trop dangereux ! Imaginez qu'on tombe sur un ours, on fait quoi ? J'vous préviens que c'est pas moi qui me sacrifierai pour sauver vos fesses !

Atlanta leva les yeux au ciel, presque amusée par la petite crise de nerf de Lyse.

- Alors comme ça tu me laisserais me faire bouffer ? Je croyais que t'avais dit que tu resterais avec moi à la vie à la mort ?! s'insurgea faussement Carole, en se tournant vers sa femme. Si tu veux, on demande le divorce et la question sera réglée, plaisanta-t-elle.

Cependant, Lyse ne saisit pas le ton amusé de son épouse et repartit dans ses élucubrations :

- On ne retrouvera jamais la civilisation en un seul morceau !

- Ça c'est sûr. Si tu continues ton caca nerveux, on t'abandonne avec l'ours ! la réprimanda Carole.

Alors que Lyse s'apprêtait à répliquer, Atlanta décida de leur laisser un peu d'intimité, peu désireuse d'assister à leur dispute conjugale.

Elle ramassa la boussole que Lyse avait jetée à terre de rage, puis la plaça côte à côte à la carte forestière et observa le paysage l'entourant. En dehors de quelques gros rochers, il n'y avait que des arbres à perte de vue. Et le Soleil à son zénith ne risquait pas d'aider la blonde à se repérer.

Outre le fait de s'être perdues, le trio arriverait très certainement au bas du classement et allait devoir supporter les railleries du reste du groupe, James et Logan allant immanquablement se venger de la raclée que Carole leur avait mise à l'activité escalade de la veille.

La blonde poussa un soupir dépité. Il fallait quand même être sacrément doué pour réussir à sortir du chemin, que Cincinnaty et Preston avaient bien pris soin de rendre des plus visibles grâce aux bandanas rouges qui rappelaient de mauvais souvenirs à Atlanta.

Le problème, c'était qu'une fois perdu, il était compliqué de se resituer sur la carte. Et vu son sens d'orientation digne de celui d'un pot de fleur, elle pouvait tout aussi bien y aller au pif.

Alors qu'elle s'apprêtait à rebrousser chemin vers ses deux coéquipières de galère, qui avait apparemment fini de se prendre la tête, elle fixa les bois, perplexe. Elle les avait abandonnées où, déjà ?

Elle avait réussi à se perdre une deuxième fois, devant maintenant s'en remettre à elle-même. Par l'énergie du désespoir, elle éclata d'un rire hystérique et se laissa glisser contre l'écorce râpeuse de l'immense arbre derrière elle.

Elle resterait là, attendant de se faire dévorer par un ours. De toute manière, vu comme elle avait mis le bordel dans sa vie ces derniers temps, elle ne manquerait à personne.

- ∞ -

Lyse et sa femme finirent par retrouver le camp après une heure à tourner dans la forêt. Leur groupe était le dernier à arriver à destination. Logan et James regardèrent les jeunes femmes d'un œil moqueur, ils étaient arrivés les premiers à bout de la course. Carole tira la langue à ses deux amis, telle une enfant de cinq ans et se dirigea vers Preston.

- On a eu un problè...

- Où est Atlanta ? demanda l'animateur légèrement paniqué.

- Justement, on était perdues et elle est partie, je sais pas vers où mais comme Lyse commençait à avoir peur, on a fait demi-tour sans finir le parcours.

- Mais faut que j'aille la chercher ! Vous vous êtes arrêtées à quel niveau ?

- Troisième ou quatrième indice, je sais plus exactement.

- Merci.

En un instant, Preston prit un gilet et s'élança dans la forêt sous le regard inquiet de Carole. Preston courait à travers les bois comme si sa vie en dépendait. Imaginer sa belle en danger, l'inquiétait plus que tout. Atlanta n'avait jamais été rassurée dans la forêt, que se soit durant les campings effectués chaque année ou pendant les randonnées ou courses d'orientations. La nature, ce n'était pas vraiment son truc.

Une boule se forma dans le ventre de Preston, il avait peur de découvrir l'état dans lequel pourrait être Atlanta. Preston trébucha sur des racines, se prit des branches dans le visage, déchira son polo après être resté accroché à des ronces, mais tout cela sans s'arrêter. Le soleil déclinait doucement mais sûrement et l'idée de laisser la jeune femme dans la forêt le poussait à courir encore plus vite.

- ATLAAANTA !

L'animateur eu l'impression de courir un marathon, une course contre la montre pour la sauver.

- ATLANTA, RÉPONDS MOI !

Il avait de plus en plus de mal à respirer correctement mais ça ne lui importait que très peu.

- ATLAAANTA !

Des cris parvenaient à ses oreilles. Elle se croyait dans un rêve. Un rêve qu'elle ne voulait pas quitter. Elle essaya d'ouvrir les yeux quand les cris devinrent plus clairs à ses oreilles. Elle essaya de l'appeler quand elle le vit à une dizaine de mètres d'elle, mais aucun son ne sortit de sa gorge.

Avachie contre le tronc d'arbre, des larmes sèches avaient creusé de longs sillons salés sur ses joues. Elle semblait au bout du rouleau, comme si ses nerfs avaient fini par la lâcher. Ses mains étaient agitées de légers tremblements incontrôlés et sa respiration irrégulière était entrecoupée de brusques hoquets.

Preston se précipita à ses côtés. Jamais de sa vie, il n'avait couru si vite.

- Hey, sweety, regarde-moi, la pressa-t-il en encadrant son visage délicat entre ses énormes mains rugueuses. Atlanta, ouvre les yeux ! C'est moi. C'est Preston. Dis-moi que tu vas bien, la supplia-t-il, totalement paniqué.

Péniblement, elle ouvrit des yeux rougis pour lui faire face, et à travers ce simple regard, lui transmit toute la détresse qu'elle ressentait. Elle criait au secours sans le moindre mot. Alors, Preston s'en voulut énormément, il en fut touché physiquement, d'une brusque pique en plein cœur.

- Je suis tellement désolé, murmura-t-il contre ses cheveux alors qu'il la prenait dans ses bras pour tenter de la remettre sur pieds. Tellement désolé, si tu savais...

Elle l'entendait mais ne l'écoutait pas. Peu importait ce qu'il pouvait bien dire ; il était là, c'était le plus important.

Avec toute la force qui lui restait, elle ancra son regard dans le sien pour s'empêcher de sombrer et laissa Preston gérer la suite. Elle avait confiance en lui, il pourrait mourir pour elle. Et ça, si ce n'était pas suffisant, elle ne savait pas ce qu'il lui fallait de plus.

Sunny PointOù les histoires vivent. Découvrez maintenant