25F | VHOPE

Troisième Chapitre

Il avait fermé les yeux, et changé de position sur sa chaise, décidé à s'endormir de nouveau, reposant sa confiance sur son voisin. Ce qu'il lui avait dit lui avait étrangement plu. Même s'il ne lui avait rien dit, le garçon avait été suffisamment attentif pour se rendre compte qu'il avait besoin de dormir. Il aimait ça, les gens qui observaient, ceux qui parlaient trop sans jamais vraiment savoir l'agaçaient fortement. Il se concentra sur sa respiration, essayant de récupérer de son sommeil perdu, mais le temps lui paraissait long, et plus il prenait conscience du temps qui passait moins il arrivait à s'endormir, il était perturbé. Il pouvait sentir le regard du jeune rivé sur lui mais n'osait pas faire un mouvement, de peur de le mettre mal à l'aise. Hoseok essaya alors de se remémorer le visage du jeune, son expression lorsqu'il lui avait adressé la parole, mais le masque couvrant tout son visage à part ses yeux l'en empêchait. Ses yeux, délicats, légèrement bridés, presque félins, aux pupilles noisettes étaient magnifiques, mais vides de toute émotion, cela l'avait assez déstabilisé quand il l'avait regardé. Lui qui était habitué à lire dans les yeux de ses pairs leurs émotions avait ressenti un léger frisson lorsqu'il n'avait rien vu dans ceux de son voisin. Ils étaient comme morts. Les yeux sont le reflet de l'âme, et Hoseok avait toujours eu peur de perdre la passion qui animait les siens, celle qui alimentait le feu de son âme. Jamais il n'avait vécu sans passion, il se demandait d'ailleurs ce que cela pouvait faire. Était-ce le cas de son voisin? 

Il repensa à Paris, l'adrénaline de la préparation de son départ s'étant évaporée, il était à présent inquiet. Qu'allait-il advenir de lui s'il n'y arrivait pas? Malgré ses grandes économies, il ne pourrait tenir qu'à peine trois mois dans la capitale sans percevoir de salaire, et même s'il trouvait un petit emploi le métier de danseur ne rapportait jamais beaucoup au début, parfois même pas du tout. Il pourrait essayer de trouver un emploi d'appoint, comme à Gwangju, mais aurait-il la force de répéter aussi après le travail, et chercher une compagnie avec laquelle danser en même temps? 

Il fut coupé dans ses pensées par une voix rauque proche de lui.

- Maman? 

Il reconnut la voix de son voisin.

- Oui, je suis à l'aéroport, tout va bien.

Elle était un peu éraillée, chose qu'il n'avait pas remarquée lorsqu'il s'était adressé à lui, le petit jeune ne devait pas s'en servir souvent.

- Non, je n'ai pas faim, oui, j'ai de quoi m'acheter à manger si jamais j'ai faim, ne t'en fais pas. Maman, je ne m'en vais pas pour toujours, je sais que je vais te manquer, mais c'est un voyage important pour moi, tu le sais.

Il avait murmuré la dernière phrase, comme s'il ne voulait pas qu'on l'entende. Hoseok réalisa qu'il était en train d'écouter attentivement la conversation privée d'un inconnu et se fustigea mentalement, où étaient-donc passées ses manières? Il se concentra à nouveau sur sa respiration, mais ne pouvait s'empêcher d'écouter ce que le jeune racontait. Il parlait à sa mère de tout ce qu'il avait prévu de faire, d'un ton étrangement monocorde, presque contrôlé. Toutefois, plus le jeune parlait plus le ton de sa voix s'animait, comme s'il savait que personne ne l'entendait et qu'il pouvait se libérer, et la chaleur dans sa voix rauque décrivant les merveilles qu'il allait voir au Musée d'Orsay berça le plus vieux jusqu'à ce que sa respiration ralentisse et ses yeux s'affaissent pour de bon. Il était finalement parvenu à s'endormir.

- Oui, maman, je sais où est ma place dans l'avion, je sais lire un billet quand même... Je suis au 25E si ça t'intéresse tant que ça.