Chapitre 2

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Sa voix résonna dans l'esprit d'Archibald comme si un couteau tranchait sa tête en deux. "Comment es tu rentré dans ma tête."
Elle lui faisait du mal volontairement. Il le sentait. Elle le savait aussi, mais une rage incontrôlable s'était emparée d'elle à l'instant où la voix claire et malicieuse s'était insinuée dans son esprit. Un éclat de bois s'enfonce dans sa main, mais elle ne le sentit pas.
Archibald se tordait de douleur. Il ne hurlait pas. Il était assis par terre les bras autour de ses genoux et serrait les dents si fort qu'il paraissait impossible qu'il puisse ré-ouvrir la bouche un jour.
Mélodie, se rendant compte de son acte. Arrêta tout d'un coup. La haine qui l'emplissait plus tôt avait déserté et avait laissé place à une culpabilité insupportable. Elle guérit d'un claquement de doigt le mal de tête d'Archibald et, d'un battement de cil elle rangea toute la salle. Puis elle s'enfuit, laissant Archibald seul par terre.

Archibald ouvrit les yeux. Les couleurs revinrent peu à peu et il put enfin voir clair. Le mal de tête avait disparu et toute trace de la colère de Mélodie avait disparu. Il aurait pu croire qu'il avait rêvé mais il savait qu'il n'avait pas rêvé. Il le savait parce que les pensées de mélodie resonnaient toujours dans son esprit aussi claires que si elles les disait devant lui. Il sortit de la salle, en colère contre elle, puis alla se coucher chez lui. Une semaine passa. Sa colère était bien vite retombée. Il avait d'abord pensé que tout cela était injuste. Qu'elle avait débarqué dans sa salle de musique, lui avait donné acces à ses pensées puis était repartie en lui faisant plus mal qu'il n'avait jamais eu. Mais son opinion avait changé lorsqu'il senti la culpabilité et l'immense tristesse de mélodie. Sa tristesse, si méprisable au début, l'atteignait maintenant en plein cœur. Il ne dormait plus. La vie de la jeune fille était si triste et si morose... La seule gaieté de ses semaines était le cours de musique, qu'il venait de lui retirer. Son désespoir était tel, qu'elle pensait souvent à mourir, ou à tuer. Lorsqu'elle passait par ses phases sombres il ne parvenait plus à réfléchir. Son esprit tout entier était empli de pensées noires comme la nuit. Elle ne vivait plus, elle survivait.

Mélodie avancait à pas lents dans le couloir du lycée. Ses cheveux attachés en queue de cheval, elle se dirigeait vers le laboratoire de chimie, suivie de ses camarades de classe, qui se moquaient d'elle, sans même prendre la peine de se cacher. C'était la 14eme heure. Une heure avant le piano. Si le piano existait encore. Elle aurait tant voulu en cet instant que cet inconnu qui était rentré dans sa tête, le refasse et lui demande de venir au cours ! Elle ferma les yeux un instant, pleine d'espoir, mais rien ne vint. Personne ne lui parla, que ce soit dans la réalité ou dans son esprit. Elle se demandait parfois si elle n'avait pas rêvé. Elle regarda encore sa cicatrice, ou l'éclat de bois s'était enfoncé, et rentra dans le laboratoire.
Elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait. C'était un jour comme un autre, elle était allée au cours de musique et tout avait changé. Maintenant, elle savait qu'elle pouvait communiquer avec quelqu'un, maintenant, elle savait qu'elle pouvait avoir un ami. Mais elle avait tout raté ! Il devait la détester, il ne lui parlerait plus jamais sans doute. Le cours commença. Les travaux de chimie l'ennuyaient. Elle savait déjà tant de choses. Les atomes de la solution aqueuse bleue qu'elle observait dansaient sous ses yeux. Elle fit la mise au point sur la fiole en verre de la table d'à côté, qui retenait le liquide. Avec ses pouvoirs si singuliers, elle fit bouillir le liquide en chauffant la fiole, puis le fit virer au rouge sang, presque noir. La fiole explosa et le liquide coloré se répandit sur les blouses des élèves environnants. Elle réprima un sourire, ils avaient tous l'air si ridicules ! Le professeur accourut et, pendant que celui ci se demandait comment de l'eau et du colorant alimentaire avaient pu se transformer en une petite bombe atomique colorée, elle se remit à réfléchir.
Une pensée traversa son esprit. Elle pouvait aller au cours de piano ! Peut être qu'elle avait fait peur à Archibald et peut être que le vieux monsieur reviendrait !
Mais peut être aussi que ce serait toujours Archibald et qu'il lui fermerait la porte au nez, d'un air terrifié ou dégouté, comme tous le faisaient à sa vue.
Une pensée se frayait un chemin parmi les autres. Une pensée qu'elle ne voulait pas formuler sous peine de souffrir intensément. Pourtant, la pensée effleura tout de même son esprit et s'encra dans celui ci avec la même force qu'un coquille sur un rocher. Un sentiment nouveau naquit au creux de son estomac. L'espoir. Peut être qu'Archibald lui pardonnerait, peut être qu'il l'accueillera, peut être qu'elle pourra devenir amie avec lui, qu'elle pourra enfin avoir quelqu'un à qui parler.

Archibald se morfondait sur son tabouret de piano, écoutant distraitement l'élève devant lui, jouer un morceau sur le clavier d'ivoire. Les pensées de mélodie n'étaient plus très claires mais ses sentiments l'attaignaient toujours. Il ressentait ce qu'elle ressentait et cela l'affectait particulièrement. Il n'arrivait pas à garder son attention sur autre chose que la bibliothèque, parfaitement rangée, qui une semaine avant, avait entièrement implosée, faisant s'envoler un nuage de partitions, qui étaient restée dans l'air pendant plusieurs secondes. Il se repassait mentalement la scène et ne comprenait pas comment c'était possible. Elle lui avait tant fait mal ! Pourtant, il savait que ce qu'il avait ressenti n'était qu'une infime partie de sa souffrance quotidienne à elle. Il ne parvenait pas à lui en vouloir. Il se morfondait donc, lorsque son esprit s'éclaira d'un coup. L'espoir. Mélodie avait de l'espoir et ce sentiment était si agréable qu'archibald, qui avait tant souffert ces derniers jours, tomba dans les vapes. Il ferma les yeux et s'écroule de bonheur.

Mélodie sentait le soleil sur sa peau. Ses cheveux détachés tombaient en cascade sur ses épaules et la brise légère de cette journée d'automne les faisaient s'emmêler et tomber sur ses yeux. Elle maudit des cheveux une cinquantaine de fois avant de les nouer en une tresse complexe qui retombant sur son épaule. Son pouls battait fort contre ses tempes, tandis qu'elle se rendait à l'école de musique. Elle passa à la librairie. Comme toujours, le propriétaire dormait. Elle entra rapidement et prit un livre de piano. Elle apprit le morceau le plus difficile qu'elle put trouver et finit par trouver. Son attention fut attirée par une tranche de livre dorée, dans les plus hautes étagères. Elle fit leviter le livre jusqu'à elle et lut la couverture : Recueil des morceaux de piano secrets de chopin. Absolument conquise par sa découverte, elle en oublia sa peur et courut vers l'école de piano en emportant le livre avec elle. Arrivée devant la grille forgée de l'école, elle s'arrêta net. La peur et la culpabilité s'emparèrent d'elle. Tremblante, elle marcha dans l'allée puis entra dans la salle d'attente.

Archibald criait : "Laissez moi faire cours ! Mais puisque je vous dis que je vais mieux ! Laissez moi ! Non je n'irait pas faire vos examens ! Mais ce n'est qu'un malaise je vais bien !"
À force de laborieuses discussion et protestations, il parvint à revenir à l'école de musique pour le cours de mélodie. Il avait envie de la voir. Cette jeune fille l'obsedait. Il voulait absolument lui ''parler'', pour savoir si elle allait bien, pour comprendre tout ce qu'il s'était passé. Il entendit un pas léger entrer dans la salle d'attente et respira longuement. Il ouvrit la porte lentement et regarda Mélodie. Elle avait l'air stressée. Il dit bonjour et elle tourna la tête pour le regarder. Les yeux bleus d'archibald rencontrèrent ceux, dorés de Mélodie. Il lui fit signe d'entrer avec un léger sourire.
Elle le regarda puis entra doucement dans la pièce.

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