Cela faisait deux semaines que je n'avais pas vu ma famille. Une éternité. J'y suis très attaché, ils sont tout pour moi. Mes parents, ce sont eux ma force. Mon petit frère, lui, est le soleil de ma vie. Je ne savais pas qu'on pouvait aimer autant un si petit être. Son loisir préféré consiste à me tirer les cheveux, à me dire non, à dépenser toute mon énergie en quelques heures car il ne sait pas rester en place. Pourtant, comme je l'aime. Il est capable de faire des caprices légendaires puis, deux secondes après, passer sa main sur ma joue pour me dire que je suis la plus belle. Pas un jour ne passe sans qu'un "je t'aime" ne sorte de sa bouche. Les mots d'enfants, il n'y a rien de plus beau. La relation que j'entretiens avec mon frère est fusionnel. On dit qu'une femme connaît le véritable amour le jour où elle devient mère. L'amour d'une sœur est déjà un tourbillon émotionnel alors, je n'ose pas imaginer le jour où je deviendrais à mon tour mère. Je ferais n'importe quoi pour ce petit bonhomme. Du haut de ces neuf ans, je sais qu'il ressent tout l'amour que j'ai pour lui.
"- Hey paresseuse !", ce sont avec ces mots doux que Louis ouvre d'un grand fracas la porte pour me faire sortir de mon lit.
"- Bouge de là Patouille."
Il n'en fallait pas plus pour que Louis éclate de rire. Patouille, c'est le surnom que je lui donne depuis qu'il est bébé. Ne me demandez pas pourquoi, mais c'est le premier mot qui m'est venu à l'esprit.
"- C'est toi qui bouges. Maman a dit que le petit-déjeuner est prêt.
- Je ne peux pas sortir du lit. Tu as oublié quelque chose..."
Louis accourt vers mois, saute sur le lit et me serre très fort dans ces bras.
"- C'est bon, tu as assez de force maintenant."
C'est notre petit rituel du réveil lorsque je dors chez mes parents. La journée commence toujours par un bon gros câlin. Oui, l'amour d'une fratrie est instable, oscillant entre taquinerie et tendresse. Ces petits bras qui m'enlacent, accompagnés de ce sourire plein de malice qui ferait fondre un cœur de pierre.
Ce week-end, Naël passe du temps avec sa mère. Nous nous retrouverons dans deux jours pour nos vacances ensemble. Deux semaines dans le sud de la France à la découverte du patrimoine culturel de Nîmes. Louis est d'ailleurs un peu vexé de ne pas pouvoir venir avec nous. J'ai du mal à lui dire non, mais ce sont les seules vacances que Naël et moi avons depuis un an.
Je rentre dans la cuisine. La bonne odeur des gaufres aux pépites de chocolat de ma mère parfume tout l'appartement. Elle sait visiblement me prendre par les sentiments.
"- Alors ma fille, on se prend pour la Belle aux Bois Dormants ?" lança-t-elle d'un ton mi-accusateur mi-taquin.
"- Je dors toujours si bien chez vous ! Je dois avouer qu'après cette folle semaine à la rédaction, cette grasse matinée m'a fait du bien.
- Tant que tu es heureuse dans ton travail, les difficultés sont surmontables."
Oh oui, j'aime mon métier. D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours voulu être journaliste. Enfant, je me voyais déjà micro et caméra à la main pour montrer le monde tel qu'il est. La recherche de la vérité, c'est ce qui m'a séduite. Je vois autour de moi la méfiance des citoyens envers les journalistes grandir. Quelle tristesse. La récupération politique est passée par là, évidemment. Remettre en cause la parole des journalistes est récurrent en politique, pour servir leurs egos qui tentent par des moyens peu glorieux de récolter ici et là des votes. Pourtant, la liberté de la presse et la confiance en elle sont indispensables dans une démocratie. C'est le journaliste qui a l'opportunité de montrer chaque fait sous toutes ces facettes pour permettre à la population de se faire sa propre opinion. Un pays où les dirigeants remettent en cause la presse est un pays qui se lance sur une pente dangereuse pour sa liberté de penser. Le journalisme libre est indissociable de la démocratie. Ce constat me pousse davantage à me surpasser dans l'exercice de ma profession. L'image du journaliste est écorchée. Je veux faire partie de ceux qui redorent la confiance des citoyens envers lui.
Mes parents s'inquiètent parfois quand je suis appelée pour couvrir un événement. Les manifestations sont leur plus grosse appréhension. Nous ne savons jamais ce qui va se passer, s'il y aura des débordements ou non, si je vais me faire agresser juste parce que je suis journaliste. Cela m'est arrivé, une fois. Alors que je faisais l'interview d'une jeune femme témoin de projectiles lancés sur des pompiers lors d'une intervention, un homme s'est avancé vers moi en frappant mon bras pour faire tomber mon micro. Il s'est ensuite enfui en criant "Journaliste de merde !". Je me suis retrouvée avec un beau bleu sur le bras. Rien de comparable à ce que certains de mes collègues ont pu subir, mais l'intention de nuire à cause de mon métier était là.
Mon père arrive et s'incruste dans notre discussion. Il m'embrasse sur le front, ébouriffe les cheveux de Louis et enlace ma mère. Après quarante années de mariage, mon père n'oublis jamais de prendre ma mère dans ses bras quand il passe la porte de la cuisine pour le petit-déjeuner. J'aimerais tellement que Naël et moi puissions garder ces petits gestes amoureux alors que les rides du visages marquent nos années passées.
"- Alors ma fille, que vas-tu faire de beau aujourd'hui ?
- Rien de particulier, papa. Je compte rester avec vous la journée et sortir retrouvée Naël ce soir.
- Naël n'est pas censé passer le week-end avec sa mère ?
- C'est ce qui était prévu, oui. Il a eu un changement de dernière minute. Sa mère doit finalement travailler demain. Il m'a envoyer un message pour me dire qu'il arrivera vers 18h00.
- Il faudra d'ailleurs que nous organisions un repas avec lui. Cela fait longtemps que nous ne l'avons pas vu.
- Il était chez vous il y a trois jours, papa."
Quand il s'agit de Naël, leur définition est quelque peu biaisée. Ma famille l'adore, tout simplement. Je ne m'en plains pas, bien au contraire. Au début de notre histoire, maman et papa ont eu du mal à l'accepter. Ils avaient des a priori sur lui, sur sa situation, son apparence. Je crois surtout que ce qui les dérangeait était le fait que leur fille grandisse. Avoir un homme dans ma vie voulait dire qu'une partie de moi s'éloignait d'eux. Pour Naël, la famille passe avant tout. Il a donc réussi à faire changer mes parents d'avis assez rapidement, pour notre plus grand bonheur.
16h00. Le téléphone sonne, mon père décroche. Pendant ce temps, ma mère lit son roman dans le salon, Louis et moi sommes en plein atelier peinture. Ces petits instants sont si simples. Pourtant, ce sont ceux que je retiens à la fin de la journée. C'est précieux. Je vois mon père s'asseoir à côté de ma mère. Son sourire, toujours présent, me paraît différent.
"- Tout va bien ?" demandais-je à mon père.
"- Dis-moi Eléna, as-tu entendu parler des rumeurs qui courent actuellement ? Il paraît qu'ils vont bientôt recommencer...
- Naël m'en a parlé récemment. Il dit avoir surpris une conversation entre des policiers à l'hôpital. Je vais te dire la même chose qu'à lui : il ne faut pas t'inquiéter. Ce sont des bruits de couloir. C'était pour ça le coup de fil ? Qui a téléphoné ?
- Un ami. Si tu as des informations, il faut nous le dire. Nous avons de l'argent de côté, nous pouvons vous faire quitter le pays à toi et ton frère.
- Maman, résonne-le s'il te plaît. Je n'ai pas d'informations fiables pour l'instant. S'il y a du nouveau, soyez sûrs que vous serez les premiers au courant".
L'acquiescement de mon père était tinté de doute. Une rumeur c'est comme la grippe, extrêmement contagieux ! J'avoue que ces on-dit commencent quand même à me poser des questions. Lundi, avant de partir en vacances, je mènerai ma petite enquête, histoire de rassurer tout le monde. En attendant, il est temps de rejoindre Naël pour une petite soirée en amoureux sous les lumières de Paris.
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Au loin l'horizon
Ficção GeralParis, printemps 2025. Je me souviens du dernier jour de mon ancienne vie. Ou plutôt, du premier jour de ma nouvelle vie. Nous rêvons tous à un moment de notre vie d'un nouveau départ, d'une nouvelle chance de tout recommencer, de mieux faire. J'ai...