Chapitre 1

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Paris, printemps 2025. Assise à une terrasse, emmitouflée dans un pull en laine, je remercie le serveur qui m'apporte un café. Cerise sur le gâteau, moment de pur bonheur. J'aime cette simplicité, ces petits plaisirs enjolivés par cette atmosphère romanesque si propre à Paris. Le bruit de la foule qui anime la ville se mêle au charme des rues chargées d'histoire. Enfant, mes parents me parlaient souvent de Paris. Ils me contaient son passé, ses moments historiques, ses blessures, ses victoires. À travers leurs récits, je mesurais déjà la singularité de cette ville qui avait su rester debout au fil des siècles. À ma naissance nous vivions dans un village relativement isolé près de Troyes, en pleine campagne. Un cadre magnifique et une vie douce dont je dois mes souvenirs aux albums photos de mes parents. J'avais cinq ans quand mes parents décidèrent de quitter leur magnifique maison de campagne pour s'installer en banlieue parisienne. Un choix qui n'a pas été facile, mais dont la volonté d'offrir à leur seule enfant, à l'époque, de plus belles opportunités pour son futur surpassa tout le reste. Nous sommes donc passés des champs de fleurs aux champs de béton en nous installant dans une nouvelle maison située aux portes de Paris. Peu importe, pour mes parents l'objectif était que je puisse avoir plus aisément accès à la culture sous toutes ses formes et aux opportunités que seule une telle capitale peut offrir. Mes parents ont sacrifié ce qu'ils avaient construit pour se lancer dans une nouvelle aventure dont le but était que je ne manque de rien. Aujourd'hui j'ai vingt-quatre ans et je suis journaliste de presse écrite au sein d'une petite rédaction indépendante.

À Paris, j'ai créé mes souvenirs, appris à grandir, à aimer cette énorme bulle de contradiction. Oui, la "ville lumière' est envoûtante, mais loin d'être parfaite. D'une rue à l'autre le contraste des modes de vie est saisissant, passant de la richesse à la pauvreté, des logements prestigieux aux logements sociaux et aux bouts de trottoir où dorment ceux qui n'ont plus de domicile. Pourtant, Paris garde une place particulière dans mon cœur puisqu'elle est la preuve de l'amour de mes parents. Il y a neuf ans, un nouvel aventurier est venu se joindre à notre tribu : Louis. Depuis que mon petit frère est arrivé, c'est un véritable rayon de soleil qui est entré dans ma vie. Il grandit si vite que c'est parfois déconcertant.

Soudain, une sonnerie, deux, puis trois. Mon téléphone vient mettre un terme à ma rêverie. C'est Naël qui me prévient de son arrivée imminente. Il raccroche. J'entends au loin "Eléna". Je lève la tête et le vois s'avancer vers moi. Dans une comédie romantique, il y a toujours cette scène où la protagoniste croise le regard d'un bel homme marchant au ralenti, arborant un sourire tout droit sorti d'une pub pour du dentifrice qui l'a fait chavirer. Le coup de foudre cinématographique et caricaturale par excellence ! Pourtant, c'est l'effet que me fait Naël à chaque fois que je le vois. Un bal incessant d'émotions, de frissons, de papillons dans le ventre, d'amour.

" - Bonjour mon cœur !" dit-il d'un ton enjoué. "Je suis désolée d'être arrivée en retard, mais il y avait énormément de patients aux urgences. C'était impossible de me libérer plus tôt."

- Ne t'en fais pas, je comprends. C'est loin d'être désagréable d'attendre à une terrasse avec un bon café et un beau soleil de printemps. Raconte-moi, comment s'est passé ta journée à l'hôpital ?

- C'était difficile, encore une fois. J'adore être infirmier, j'en rêve depuis que je suis gamin. Je dois tout de même avouer que c'est un métier éreintant. Nous avons énormément de patients et pas assez de personnels.

- Tu es un infirmier formidable, n'en doutes jamais. Je sais que tes patients vont te manquer mais dis-toi que dès demain tu pourras souffler un peu.

- Oh oui ! J'ai vraiment besoin de ces vacances."

Naël a travaillé dur pour devenir infirmier. Entre son travail et le mien, c'est difficile de trouver du temps pour nous. Quand nous réussissons à avoir un repos en même temps, cela relève presque de l'exploit. Cela nous permet d'apprécier encore plus ces moments passés ensemble, de comprendre à quel point ils sont si précieux.

Après une heure passée sur la terrasse du café à profiter du beau temps, Naël et moi décidons de flâner dans les ruelles parisiennes. Nous traversons le Pont Neuf, en nous arrêtant quelques fois sur les balcons le jonchant pour que Naël puisse me prendre en photo. Il me dit souvent que je suis pénible à faire ça à chaque sortie, même s'il finit toujours par le faire. J'abuse parfois, je le demande de recommencer une dizaine de fois pour avoir la photo parfaite. Lui, il me demande bien toutes les deux secondes de remettre de l'ordre dans ses cheveux. Il faut croire que nous nous complétons dans nos obsessions futiles. Qui se ressemble s'assemble, paraît-il. Nous continuons notre balade pédestre en longeant le Quai de Montebello. Le long des rues bordant La Seine, c'est un défilé de visiteurs, d'artistes, de kiosques à souvenirs, le tout quelque peu entaché par un trafic très dense et l'odeur des pots d'échappement. Quelques mètres plus loin, nous arrivons à destination. Je suis à chaque fois fascinée en voyant cette merveille architecturale : la cathédrale Notre-Dame de Paris. J'y vais souvent, juste pour l'admirer. Chaque fois que je me tiens face à elle, je ressens une certaine puissance s'émaner des lieux, de ce qu'elle représente. C'est sans doute pour cela qu'elle inspire autant. Pourtant, elle a souffert il y a quelques années. Un immense incendie s'est déclaré dans le toit de la cathédrale, détruisant une vaste partie de l'édifice. De nombreux objets précieux et inestimables ont pu être sauvés, fort heureusement, sans qu'il n'y ait de victimes à déplorer. Je me souviens encore de cette triste nuit. Le temps semblait s'être arrêté, les habitants se tenant debout dans un silence pesant pour une ville aussi vivante que Paris. Triste spectacle. L'attachement à ce magnifique édifice n'est pas une affaire de religion. Notre-Dame de Paris est un témoin du temps, d'une histoire tantôt glorieuse, tantôt scandaleuse. La façade a pu être sauvée, cachant tant bien que mal les ravages de l'incendie. Si les travaux peinent à avancer, les visiteurs sont toujours aussi nombreux.

Naël et moi nous arrêtons sur le quai pour admirer la cathédrale. Il continue de me parler de sa journée à l'hôpital, des patients qui sont partis, ceux qui sont toujours là, des présents qui lui ont offert certains en guise de remerciements. Naël est infirmier en pédiatrie. Se retrouver face à la détresse des enfants et des proches est éprouvant pour lui. Pourtant, pour rien au monde il ne quitterait sont métier. Alors qu'il me racontait les explications farfelues que peuvent avoir certains jeunes patients - des petites parenthèses amusantes dans ses journées -, il s'arrêta un moment de parler. Il resta plusieurs secondes sans prononcer un mot, avant de demander :

" - Dis, te souviens-tu de l'incendie ?"

Comment oublier ? Bien sûr que je m'en souviens. Je me tourne vers lui et remarque une certaine inquiétude sur son visage.

" - Pourquoi cette question ?" demandais-je pour l'inviter à poursuivre. Il prit ma main. Que se passe-t-il ? D'où venait ce malaise qu'il peinait à masquer ? "Naël, je vois que tu es préoccupé. As-tu quelque chose à me dire ?

- Mon cœur, des bruits courent en ce moment. Ils sont de plus en plus insistants. Ils vont peut-être recommencer..." dit-il d'un ton grave."

Je comprends la tournure que prend notre conversation. Il n'y a pourtant pas de raisons sérieuses de s'inquiéter. Cela fait trois ans que nous n'avons plus été pris pour cibles.

" - Tu sais Naël, ça fait des années qu'il y a des rumeurs d'attaques. À chaque fois elles se sont révélé infondées. Je ne pense pas que tu doives prendre ses histoires au sérieux.

- Je sais ! Les murs ont des oreilles à l'hôpital. Il y a souvent des policiers qui viennent accompagner des personnes qui ont besoin de soins, souvent suite à une agression. Il m'est arrivé de tomber une ou deux fois sur des conversations privées. Ils auraient de réels soupçons d'une prochaine attaque.

- Oui, mais...

- Dans les prochains mois, Eléna !" dit-il en me coupant la parole. "Je sais qu'il y a eu des fausses alertes, mais c'est différent cette fois. Tu aurais dû entendre le ton que ces policiers employaient.

" - Écoute, je comprends ton inquiétude. Comme tu l'as dit, la police enquête. Laissons-les faire leur travail, ils savent ce qu'ils font. N'ai pas peur. Tout est rentré dans l'ordre. Regarde autour de toi. Il y a des forces de l'ordre partout, des unités spéciales ont été créées. Nous sommes en sécurité."

Il me fit un sourire pour acquiescer, loin d'être convaincant je dois dire. Naël me serra contre lui. Son bras gauche entourant ma taille, le droit me tenant par la joue. Un doux baiser sur le front et nous reprîmes le chemin du retour. Il me déposa chez mes parents puis, alla rejoindre sa mère pour le week-end dans une petite maison de campagne.

Au loin l'horizonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant