Chapitre 1 : Joyeuse Rentrée (Part1)

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            Le réveil sonna. Tôt. Beaucoup trop tôt aux yeux de Bianca, qui avait passé tout l'été à se coucher à pas d'heures pour se lever en fin de matinée.
Non, décidément, se réveiller à six heures du matin c'était vraiment une torture.

          Elle se leva péniblement et prit la direction de la salle de bain, à moitié endormie. Mais la douleur qui la saisit au petit orteil termina de la réveiller alors qu'un juron s'échappait de ses lèvres. Les larmes aux yeux, elle fusilla le coin de la porte responsable de sa souffrance.

            Bianca grogna de frustration.Elle n'avait qu'une envie : retourner dormir. Malheureusement pour elle, c'était impossible.
Le mois de septembre avait débuté depuis quelques jours, amenant avec lui la rentrée scolaire. Le retour à la vie réelle était particulièrement difficile pour la gameuse, qui avait passé toutes ses vacances à jouer en ligne, se lever à pas d'heures et faire quelques excursions à la mer.

          La force de l'habitude la rattrapa très vite. Elle déjeuna, seule dans la cuisine. Son père était revenu et reparti tout aussi vite, deux semaines plus tôt.Après avoir déposé sa planche à tartiner dans l'évier, elle alla prendre une douche : pas trop chaude, sinon elle était partie pour somnoler toute la matinée. Et enfin, elle traîna de très longues minutes dans sa chambre, seulement vêtue d'une serviette.

        Bianca prenait toujours son temps pour soigner sa tenue. Être une gameuse ne l'empêchait de vouloir être coquette et féminine, contrairement aux idées reçues de la société. Elle finit par choisir un traditionnel chemisier blanc et un jean noir, un peu trop serré à son goût mais les magasins ne vendaient plus que ça en ce moment. À son grand désespoir.
Dix bonnes minutes plus tard, la jeune femme était enfin sur le départ. Elle jeta un œil dans le miroir et s'observa sous toutes les coutures.
Bianca n'était pas un canon de beauté. Elle se trouvait commune, avec ses cheveux bruns qui tombaient sur ses épaules et ses yeux noisette. Aujourd'hui, elle avait même dû se maquiller davantage pour dissimuler de larges cernes acquises par les longues soirées de jeu qui se finissaient tard dans la nuit, ou tôt le matin. Son corps était mince, dépourvu de toutes courbes. Elle était aussi plate qu'une planche à pain. Plus jeune, elle avait longuement complexé sur cet aspect de son corps, en voyant les poitrines opulentes de certaines de ses copines de lycée.
À vingt-trois ans, elle avait accepté l'idée de porter éternellement des bonnets A. Tant pis, c'était la vie après tout.

           L'étudiante avisa l'heure et paniqua, elle avait moins d'un quart d'heure pour rejoindre l'université. Elle avait trop traîné, comme d'habitude. Elle dévala les escaliers et attrapa les clés de sa voiture avant de se précipiter à l'extérieur de la maison. Dans sa course, elle prit toutefois le temps de verrouiller la porte.
Elle fila sur les routes, roulant légèrement plus vite que la vitesse maximale autorisée. Se rendant compte cela, Bianca grimaça et se força à ralentir.

           Elle pénétra dans le parking de l'université quelques minutes avant le début des cours, et toutes les bonnes places étaient prises. Ça lui apprendrait à veiller jusqu'à deux heures du matin et flemmarder ensuite dans son lit et après sa douche. Une fois garée, elle courut jusqu'à l'amphithéâtre et soupira de soulagement en voyant l'attroupement d'étudiants devant les portes fermées : le professeur n'était pas encore arrivé.

— Bianca ! la héla une voix bien connue dans son dos.

         La jeune femme se retourna et fit un sourire rayonnant en reconnaissant Katie, une de ses camarades de classe qui était devenue une amie proche. Elle était partie toutes les vacances en Irlande pour voir sa famille éloignée, et elle lui avait manqué.
Les deux amies discutèrent quelques minutes de leur été avant que le professeur d'anglais n'arrive, la mine renfrognée. Elles grimacèrent, bien que la qualité du cours ne soit plus à prouver, l'homme était parfaitement détestable et compliquait volontairement les examens pour faire échouer le plus d'étudiants possibles : un homme charmant, vraiment.

          Pendant deux heures, Bianca écouta leur professeur déblatérer son cours tout en prenant des notes. Elle l'avait déjà eu l'an passé et connaissait bien sa manière d'enseigner. Pas question de se laisser distraire où elle perdrait immédiatement le fil du cours : il parlait vite et exclusivement en anglais.
Quelle fabuleuse manière d'appréhender une nouvelle année, avec un professeur détestable et en retard... Bianca espérait que le reste de la journée serait un peu plus enthousiasmant car sa motivation frôlait le néant.

        Lorsque le professeur annonça la fin de son cours, un léger soupir franchit les lèvres de la jeune femme. Bianca prit le temps de ranger ses notes avec soin, et elle repensa à ses débuts à l'université : elle fourrait tout dans son sac, pressée de s'en aller, et finissait par perdre des notes ou retrouver ces dernières complètement froissées et illisibles.
Elle se leva et s'étira avant de quitter la salle. Très vite, Katie commença à discuter du cours et du professeur.
Les deux femmes avaient deux heures de pause avant leur prochain cours, et elles en profitèrent pour aller se poser à la cafétéria. L'irlandaise chercha une table tandis que Bianca achetait un café. Il était dix heures et de nombreux étudiants peuplaient déjà le réfectoire, lieu plus détendu que la bibliothèque où certains travaillaient déjà sur leurs ordinateurs portables...

— Bianca !

             L'étudiante en langues étrangères se retourna vers la personne qui venait de la héler.Aussitôt, ses yeux se mirent à briller alors qu'elle observait Mila, sa meilleure amie arriver au pas de course. Riant, les deux filles s'étreignirent, heureuses de se revoir après deux mois bien chargés où elles n'avaient pu accorder leurs emplois du temps.
Bianca détailla son amie tout en lui racontant les dernières nouvelles.
Mila était très féminine. Elle possédait des cheveux blonds comme les blés tombant sur ses reins quand elle ne les tressait pas. Ses yeux bleus avaient quelque chose d'ensorcelant... Elle rehaussait sa beauté naturelle avec quelques touches de maquillage très discret : un liner noir sur ses paupières et quelques fois un fard coloré obscurcissait son regard

          Bianca détourna rapidement son attention sur autre chose. Depuis quelques mois, elle se sentait timide en la présence de sa meilleure amie, un peu hors du temps. Elle ne se sentait pas à sa place, pas digne des sourires éblouissants que Mila lui adressait, tant le secret qu'elle cachait au fond de son coeur était lourd à porter.
Elle ne pouvait pas y faire grand chose. Elle était simplement tombée amoureuse de cette fille avec qui elle avait partagé de nombreux fous rires et moments de galère lors de leurs révisions. Lorsque la gameuse s'était rendue compte que ses sentiments envers elle avaient changés, elle s'était sentie mal.

           Elle n'était qu'une usurpatrice, qui profitait de l'amitié profonde qu'il y avait entre elles deux,tout en espérant un peu plus. Au fond, elle ne faisait rien de mal,l'amour ne se contrôlait pas. Mais Bianca avait l'impression de se jouer de sa meilleure amie, et ça la rendait triste et mal à l'aise en sa présence.
Katie se rendit compte du trouble de son amie et attira l'attention sur elle, permettant à Bianca de se reprendre un peu. Elles passèrent leur pause ensemble, puis Mila s'en alla : elle avait cours de l'autre côté de l'université.

— Tu ne lui as toujours rien dit ? s'enquit l'irlandaise
— ... Dire quoi ? répondit innocemment Bianca en se saisissant de son sac. On va être en retard pour le cours de Leroy, faut se dépêcher.

           Katie leva les yeux au ciel avant de suivre son amie à travers le dédale de couloirs, peu enthousiaste à l'idée de se retrouver en compagnie du professeur qu'elle détestait particulièrement depuis qu'il l'avait fait rater trois fois de suite un examen en lui mettant un neuf virgule cinq sur vingt.
Après quelques minutes, Bianca se tourna vers elle, l'air embarrassé.

— Ça se voit tant que ça ?
— Nan. C'était juste une intuition, surtout que tu nous as fait ton coming-out il y a deux ans. T'en fais pas, ton secret est bien gardé, mais tu devrais lui en parler tu sais.
— Je sais... soupira la gameuse. Un jour, peut-être.

 Katie soupira puis posa une main sur l'épaule de son amie. Elles échangèrent un sourire, l'un confiant, l'autre gêné, puis entrèrent dans l'amphithéâtre.

Correspondance MortifèreWhere stories live. Discover now