Chapitre 2 : Mots en Flots (1/3)

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          Le lendemain matin, Bianca se réveilla avant son amie. Elles n'étaient pas dans la même filière mais les deux femmes commençaient leur journée en même temps. La gameuse observa Mila pendant quelques secondes, perdue dans ses pensées. Arriverait-elle un jour à lui avouer les sentiments qu'elle portait à son égard ?
Bianca en doutait sincèrement.

          Elle finit par se secouer et la réveilla puis partit prendre une douche avant de se mettre en retard. La jeune femme descendit ensuite dans la cuisine, où Mila était occupée à savourer un café bien noir, les yeux bouffis de fatigue.
Bianca voulut lui poser une question lorsque son regard fut attiré par une tâche blanche sur le sol non loin de la porte. Elle haussa un sourcil surpris alors qu'elle ramassait une lettre, d'habitude, le facteur ne passait pas avant dix heures du matin.

          La jeune femme s'attabla près de son amie et ouvrit la missive en se demandant quelle facture elle allait devoir payer cette fois-ci, mais elle tira à la place du papier à lettre soigneusement plié en quatre.
Toute trace de fatigue déserta Bianca lorsqu'elle reconnut l'écriture ronde et soignée du mystérieux admirateur qui l'avait déjà contactée durant l'été.Mais cette fois, le contenu la mit mal à l'aise.

« Tu étais très en beauté hier. Quel plaisir de te revoir déambuler dans les couloirs,j'attends notre rencontre avec impatience. Mais, sais-tu au moins que j'existe ? »

          La gameuse fronça les sourcils et montra le mot à son amie. Un léger silence s'installa entre les deux femmes, puis Mila dévisagea l'autre étudiante.
Elle tapota la table d'un doigt,agacée par ce qu'elle venait de lire.

— Tu le connais, ce gars ?
— Non, c'est la deuxième fois qu'il m'envoie une lettre mais... Celle-ci me met particulièrement mal à l'aise, avoua Bianca en faisant la moue.
— Ouais, méfie-toi quand même, il a l'air pas net là, acquiesça Mila. Et si tu peux éviter de rester seule, fais-le.
— Oui maman ! s'exclama Bianca avec un petit sourire moqueur.

          Les deux femmes reportèrent leur attention sur leur petit-déjeuner tout en se chamaillant comme des enfants.
Elles oublièrent très vite la lettre lorsque l'horloge de la cuisine afficha huit heures sur le cadran. Le malaise fit place à la panique et les deux femmes se précipitèrent dans la salle de bain. Les études n'attendaient pas.

~

          L e soir venu, Mila revint passer la soirée avec Bianca. La simple présence de sa meilleure amie rassurait la gameuse, qui avait passé toute la journée à s'interroger sur la lettre et son mystérieux expéditeur.
Un certain malaise s'était emparée d'elle et ne faiblissait pas. Mila lui avait conseillé d'attendre un peu pour voir si la personne derrière cette correspondance à sens unique continuerait à lui envoyer des lettres si elle restait silencieuse.
Toutefois, Bianca ne pouvait s'empêcher d'y penser. Qui était-ce ? Était-ce une de ses connaissances ? Des questions sans réponses, et cela la tourmentait.
Alors savoir qu'elle n'était pas seule permettait d'apaiser ses craintes, et Mila le savait bien.

          Cette fois, Bianca se motiva et cuisina quelque chose de plus élaboré qu'une simple pâte sauce tomate. Après une trentaine de minutes à s'activer derrière les casseroles, elle présenta deux assiettes généreusement remplies et les deux femmes firent honneur au repas tout en discutant de leur journée.
Après avoir parlé des derniers potins et des ragots sur leurs professeurs respectifs, un léger silence s'installa. Bianca croisa le regard déterminé de Mila et elle sut ce qui allait suivre.

— Tu dois parler de cette lettre à ton père, décréta-t-elle.
— On ne sait pas s'il va recommencer... tenta la plus jeune. Et je n'ai pas envie d'inquiéter mon père pendant son voyage d'affaire, il est sur un gros contrat, ça risque de le distraire.
— Mais c'est ton père ! insista son amie.

          Bianca lui adressa un sourire maladroit qui cachait mal son profond mal-être et sa solitude. Mila n'ajouta rien et serra le poing sous la table sans se faire voir. Combien de fois n'avait-elle pas poussé son amie à aller vers son père ? Combien de fois n'avait-elle pas maudit ce dernier, qui ne voyait pas que son éloignement constant effrayait sa fille même à l'âge adulte ?
Plongée dans ses pensées, débarrassa la table puis demandé poliment à Bianca si elle pouvait utiliser son tapis de yoga pour faire son sport de la journée, puisqu'elle ne rentrerait pas chez elle. La gameuse lui désigna la petite salle de sport aménagée d'un geste négligé, l'invitant sans un mot à faire comme chez elle.

— Je vais jouer un peu, ça ne te dérange pas ? questionna Bianca après quelques secondes d'hésitation.
— T'es chez toi je te rappelle, la taquina Mila. Ne te sens pas obligée de laisser ton PC de côté parce que je suis là, je sais bien que t'es une addict !
— C'est faux ! S'offusqua Bianca face à cette accusation.
— Rappelle moi combien d'heures tu passais sur tes jeux vidéo pendant les vacances ?
— ... Ca ne compte pas, c'était les vacances... se défendit la gameuse.

          Les deux filles se regardèrent sans dire un mot, puis un léger rire s'échappa des lèvres de la sportive, qui fut rapidement suivie par son amie. Lorsque leur hilarité retomba, Bianca monta dans sa chambre pour allumer l'ordinateur tandis que Mila faisait quelques étirements avant d'attaquer ses séries d'exercice.
Pour se changer les idées, la gameuse lança une partie de League of Legend. Aussitôt en jeu, son esprit se vida de toute pensée parasite alors que ses yeux fixaient les petits avatars qui se déplaçaient sur l'écran. Et le temps passa.
Il fila tellement que Mila remonta, exaltée par ses exercices et en sueur. Elle aperçut la porte de la chambre entrouverte et décida de jeter un œil.

          Bianca, le casque aux oreilles de chat fermement vissé sur sa tête, s'acharnait contre l'avatar d'un joueur adverse. Ses longs doigts et fins martelaient le clavier alors qu'elle murmurait des mots incompréhensibles pour la sportive.
Un sourire amusé s'étira sur les lèvres de Mila, qui ferma la porte sans se faire voir. Si elle avait décidé de noyer ses problèmes dans le sport, des années auparavant, Bianca avait choisi les jeux vidéo. Et ça lui réussissait, elle était douée.

          Après une douche revigorante, Mila alla retrouver son amie dans sa chambre, qui était toujours entrain de jouer. Cependant, elle remarqua vite la présence de l'autre étudiante et lui demanda d'attendre deux minutes. Passé ce laps de temps, elle posa son casque et soupira lourdement alors que l'écran affichait un tableau de statistiques.

— Tu as déjà pris une douche, remarqua Bianca. Je vais y aller aussi, si tu veux utiliser le PC en attendant, sens-toi libre de le faire ! proposa-telle avec un sourire.
— Ça marche, répondit Mila en s'asseyant sur le luxueux fauteuil. Je peux me connecter sur mes réseaux sociaux ?
— Oui vas-y ! fit la voix étouffée de Bianca depuis la salle de bain.

          L'étudiante commença à surfer sur ses différents comptes en attendant que son amie finisse de prendre sa douche, mais avant de déconnecter les comptes de Bianca, elle remarqua le nombre de commentaires que la gameuse recevait. Pendant quelques secondes, elle se demanda si le mystérieux écrivain faisait partie de ces gens, puis elle repoussa cette idée.
Elles ne pouvaient rien faire pour le moment, si ce n'était attendre de voir s'il se manifestait à nouveau. Mila croisa les doigts et espéra de toutes ses forces quel'inconnu finisse par se lasser et laisserait son amie tranquille. Elle avait suffisamment à gérer pour en plus rajouter une menace invisible sur ses épaules.

          Quand Bianca revint dans la chambre, Mila ne laissa pas son trouble paraître. Elle s'efforcerait de changer les idées de la gameuse toute la soirée. Inutile de l'inquiéter davantage avec des questions sans réponses..

Correspondance MortifèreWhere stories live. Discover now