Knut

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    Knut sortait de la salle de classe. Il en avait assez de ce cour inutile et grand besoin de fumer. Devant lui s'approcha le nouveau, Benjamin Amarante se souvint-il, ou quelque chose s'en approchant. Il aimait la couleur amarante, s'y perdre au fond d'un bar, au fond de son verre d'alcool trop fort, les soirs où il n'avait plus assez à rêver, et où un stimuli externe se faisait nécessaire pour pouvoir espérer encore, le genre de soirées de solitude moroses comme en connaissent les amoureux déçus.

    Benjamant arrivait, lui. Knut le regarda, son air supérieur, son air aérien délavé, et ne put cacher son antipathie pour le personnage. Son antipathie pour tout cela à la vérité, il en avait plus que marre de cet institut miteux et de son abstraite réalité, mieux lui valait partir tant que c'était possible, retrouver son père quelque part, marcher sur ses rêves et leurs sentiers serpentant dans les hautes herbes aventureuses de Rimbaud.

    Il lui fallait de l'air, c'était décidé. Du grand air, l'air de la mer, ou plutôt de la montagne. Longtemps déjà il avait envisagé de fuir, fuite de sa destinée pour son destin inconnu mais heureux enfin. En marchant, il s'était dirigé vers un de ses lieux de prédilection de l'institut, la petite cour intérieure et sa fontaine de marbre, où il n'y avait jamais personne, les autres n'y venaient jamais, ils ne savaient pas ce qu'ils perdaient. Knut, lui, savait. Knut n'hésitait pas, ne se doutait pas, n'envisageait pas, il savait. Il avait su longtemps qu'il pouvait encore rester ici. Mais maintenant il savait qu'il fallait partir.

    Perdu dans ces pensées, il était rentré au bâtiment principal, et gravissait déjà quatre à quatre l'escalier central, pour se précipiter dans sa chambre et saisir son sac. Il était fait, son sac de voyage, il avait toujours été fait au plus profond de lui, il n'avait plus qu'à le prendre et partir. Au sortir de sa chambre un rideau avait été tendu devant l'escalier, un lourd rideau rouge sang, opaque, et Knut décida de plutôt le contourner. Il prit l'aile gauche, bien qu'il n'y fut jamais entré, car elle était réservée normalement au corps enseignant, et traversa alors une longue allée de candélabre délabrés, où traînaient portaits, tableaux, pianos, argenterie d'un temps révolu, armoires et meubles, et même une pleines bibliothèques de livres et de vinyles, jusqu'à la grande fenêtre tout au bout, de plus en plus proche, et plus il accélérait plus elle se rapprochait, il était pris de frénésie, courait désormais, la fenêtre laissait filtrer un rai lumineux de plus en plus fort, qui l'attirait inexorablement, il l'atteint enfin, il saute, et s'envola.

Benjamin BenjamantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant