D'acier trempé - 5

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S'appuyant contre une étagère il me sourit avec ce qu'on ne pouvait qualifier autrement qu'une profonde affection. La coupe parfaite de son costume soulignait son attitude décontractée, et soudain, je l'imaginai dans une tenue de tennis. Sur le point de faire son service. 

Merlin, il faisait chaud là-dedans.

« Tu joues au tennis ?

— Trois fois par semaine. Mais je ne vois pas franchement d'où ça sort. Pour en revenir à nos moutons, je crois que tu es la seule femme en dehors de Pansy qui se soit jamais défoulée sur moi comme ça.

— Cette femme est une sainte, dis-je d'une voix grave.

— Est-ce que tu m'as entendu dire le contraire ? Bon, laisse-moi te débarbouiller un peu. Ton nez et tes yeux sont rouges comme des coquelicots. Une couleur parfaite pour décorer la maison à Noël, mais pas terrible sur le visage de quelqu'un. »

Il agita sa baguette et c'était comme si un seau d'eau froide s'était déversé sur moi.

« C'est mieux. Maintenant, tu retournes avec les gens. Moi je vais me fumer une clope en vitesse. J'ai dit à tout le monde que je sortais fumer ; il vaut mieux que je le fasse et que je revienne en embaumant, comment tu dis déjà ? Eau de Goudron, par Cancérigène ?

— Je croyais que tu avais arrêté. »

Il haussa les épaules et ses lèvres devinrent une ligne fine.

« Ces derniers mois ont été sinistres. Je suis juste humain. Je t'ai déjà dit que j'aimais quand tu es sévère ? Ta bouche fait cette petite moue adorable. Comme si tu avais mangé un citron sucré. Une métaphore stupide mais bizarrement adaptée. »

Il pinça les lèvres.

Très chaud.

Il me fallait de l'air.

« J'arrêterai demain. Je le promets. Et en échange, tu... tu veux bien déjeuner avec moi vendredi prochain ? Mme Chevalier pense que je t'ai tuée, découpée en petits morceaux, et enterrée dans le jardin. Sérieusement, si tu ne te montres pas bientôt, elle finira par appeler les flics. Chaque semaine elle me harcèle : « Où est votre adorable femme ? Est-ce que vous avez été idiot et que vous l'avez trompée ? » et ensuite elle se met à crier en français que les hommes sont des cochons, et comment est-ce que j'ai pu traiter ma jolie femme si mal ? Là, son mari sort de la cuisine et me fusille du regard parce qu'apparemment ma supposée infidélité rouvre d'anciennes blessures qu'il vaut mieux oublier. »

Il s'était mis à parler de plus en plus vite, si bien que je n'arrivais plus à démêler ce qu'il racontait.

« Et je ne peux pas franchement dire que, oui, j'ai été idiot, mais pas de cette façon là, parce que quand tu passes ta vie en naviguant d'une aventure sans signification à l'autre, tu sais très bien quand tu rencontres quelqu'un qui veut dire quelque chose. Qu'être un séducteur, c'est juste un symptôme d'ennui, et que tu continues à séduire parce que tu penses qu'il n'y a rien d'autre que ça, et quand tu découvres qu'il y a autre chose, tu es à la fois reconnaissant et terrifié. »

Je le regardai avec incrédulité.

« Drago. Tu es en train de babiller. Est-ce que je suis censée comprendre quelque chose à ce que tu racontes ? »

Il étouffa un petit rire et s'interrompit.

« Absolument pas. Tu sais que j'aime babiller. Je suis au bord de la crise d'épilepsie, là. Ça doit être le délire causé par le manque de nicotine. En gros, je suis terrifié que Mme Chevalier ne se pointe à l'appart et ne me coupe un doigt avec un énorme tranchoir à viande pour me punir de t'avoir trompée. Donc il faut que tu viennes déjeuner avec moi. »

Il leva les deux mains et écarta les doigts.

« Je ne crois pas que l'amputation ferait très stylé sur moi.

— Je ne pense pas que Mme Chevalier te pourchasserait pour t'amputer juste parce que tu m'aurais trompée. D'accord, mais pas dans la pièce à l'étage et pas de bague. »

Il plissa les lèvres dans une moue exagérée.

« Juste pour le déjeuner. S'il te plaît. Elle rend si bien à ton doigt. Tu as de belles mains. »

J'ignorai le compliment.

« Le prénom. C'est toi, pas vrai ? Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre que moi qui sait que le petit-fils d'Harry Potter porte le nom du pape le plus corrompu de l'histoire ? »

Il sourit largement.

« J'en doute.

— Sale petit con !

— Je marque des points ce soir, pas vrai ? »

Il sourit à nouveau. Le placard était trop petit, et nous prenions trop de place et les derniers mois avaient été trop horribles.

« Esp... espèce d'idiot. »

Je bégayai car j'étais à nouveau au bord des larmes.

« Tu m'as manqué aussi.

— J'en suis heureux, dit-il d'une voix bourrue. Enfin, pas exactement heureux, parce que avoir quelqu'un qui vous manque n'est pas quelque chose de plaisant. Pour tout dire, c'est carrément affreux. J'ai failli balancer un maléfice à Carstairs juste comme ça parce que j'ai été sur les nerfs pendant des semaines, et puis, c'est juste, tu es une chieuse et tu me rends fou. La dernière fois que j'ai vérifié, il respirait toujours et de quel droit est-ce qu'il ose nous torturer de par sa simple présence ? On devrait le foutre sur un iceberg et le faire dévorer par des ours blancs. D'ailleurs, je vais insister pour qu'on mette ça à l'ordre du jour de la prochaine réunion d'équipe. C'est sûr qu'on me donnera un autre Ordre de Merlin pour la suggestion. Et je ne peux pas balancer le maléfice de sa vie à ce pauvre type parce que si je le faisais – et ce serait plus comme un acte de compassion – tu en serais complètement outragée et cet abruti ne mérite certainement pas ta sympathie. J'ai dit chieuse ? Tu es plus que chieuse. Qui est-ce qui mérite ta sympathie ? Moi, parce que franchement, avoir à me débrouiller avec la stupidité de ce mec depuis toutes ces années, c'est certain, va me faire avoir une attaque.

— Tu babilles à nouveau. Une attaque. Vraiment ?

— Oui, en fait, c'est sur le point d'arriver. »

Il porta sa main à son front dans un geste théâtral. Drago Malefoy n'avait rien à envier à Sarah Bernhardt.

Nous étions de retour au statu quo et même un peu plus loin que ça. C'était stupide et fou et absolument inapproprié, mais je tendis le bras et pris sa main dans les deux miennes et la pressai.

« Tu vas devoir être seul pour cette crise médicale, j'en ai peur. Merci d'avoir envoyé un hibou pour Lily. Je te verrai dans la chambre. »

Il hocha la tête.

Je lâchai sa main, ouvris la porte et m'enfuis dans le couloir.

La femme du politicien - DramioneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant