Chapitre 5

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Evangeline eut l'intuition que tant qu'elle ne bougerait pas, le monstre face à elle n'attaquerait pas. Il jouait juste avec elle.

Elle n'avait aucun doutes qu'au moindre mouvement de sa part, le monstre bondirait et la tuerait. Sa vie ne tenait plus qu'à un fil, déjà bien effiloché.

Le monstre n'était pas un animal affamé cherchant à se nourrir. Il s'agissait juste d'un jeu, de tuer pour le plaisir.

Son statut de friandise avait remis en place les rouages de son cerveau. Evangeline restait immobile, mais elle pouvait à nouveau penser de façon cohérente.

Elle se sentit capable de survivre... Peut être grâce au fameux "Cogito, ergo sum".

Involontairement, les yeux de la jeune femme se posèrent sur les crocs de l'animal. Elle détourna le regard mal à l'aise devant leur taille inhabituelle.

La chose sembla sourire, étirant sa gueule de façon obscène, et une lueur d'intelligence passa dans son regard. Comme si elle était douée de pensée...

A force de fixer la créature sans ciller, les yeux d'Evangeline se mirent à la brûler, et à se fermer malgré eux. Ses paupières papillonnaient, et une espèce de torpeur l'envahit.

Elle eut l'impression qu'une chape de plomb lui tombait sur les épaules, et elle se sentait épuisée.

Elle pensa brièvement qu'elle allait finir par s'endormir debout.

Au prix d'un effort quasi-surhumain, elle se gifla pour la seconde fois de la nuit.

Le monstre qui s'était raidi en sentant son attention diminuer, se figea face à son geste. Evangeline crut lire de l'étonnement dans son regard. Un bref moment, elle se demanda si elle ne prêtait pas plus d'intelligence à la chose qu'elle n'en avait en réalité. Un genre d'anthropomorphisme.

La jeune femme inspira à fond, puis en prenant conscience qu'elle ne tiendrait pas toute la nuit, elle commença à chercher une issue avec une certaine fébrilité. Elle savait qu'il devait y avoir une issue, un moyen de s'en sortir. Ou tout du moins, elle voulait le croire.

Mais elle était certaine qu'un seul petit détail pourrait la sauver.

Un instant, Evangeline pensa hurler pour appeler à l'aide, mais elle abandonna immédiatement cette option. Sa chambre était légèrement à l'écart des autres : le temps que ses invitées se réveillent, ne comprennent qu'il y avait un problème, se lèvent et trouvent sa chambre... une éternité se serait passée. Elle aurait eu le temps de se faire dévorer plusieurs fois.

Malgré tout, si elle survivait jusque là quand même, son habitude de toujours s'enfermer - verrou tiré - dans sa chambre la desservait. Le temps que sa porte soit enfoncée, il serait trop tard.

Elle pensa ensuite se jeter sur la porte. La chambre n'était pas très grande, et elle n'était pas si éloignée que ça de la sortie. Cependant, le lit par dessus lequel elle était passée pour mettre un obstacle entre elle et le placard - aussi dérisoire fut-il - posait un premier problème. Le second problème était une fois de plus le verrou tiré. Le temps qu'elle n'atteigne la porte et ne réussisse à la déverrouiller, elle avait largement le temps de terminer dans l'estomac de la chose.

Une rapide évaluation du gabarit du monstre lui fit regretter la décision stupide de se retrancher derrière le lit. Vu sa taille démesurée, le meuble n'était pas un obstacle.

Une troisième option était la fenêtre dans son dos. Elle était bien entendu fermée, mais les volets étaient restés ouverts, tout simplement parce que la jeune femme aimait dormir avec la lueur rassurante des lampadaires.

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