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J'ai beau me débattre, la corde qui attache mes deux mains se resserrent sur ma peau, c'est comme si je pouvais entendre mes os craquer. L'idée que ma chair se découpent à chaque mouvement me donne la nausée et l'envie de dégobiller. J'abandonne donc ce combat et lève la tête pour voir où je me trouve. La pièce est plongée dans le noir. Je suis vraisemblablement assise sur une chaise les mains attaché derrière cette dernière. Je ne vois rien, je n'entend rien. J'ai un goût métallique dans la bouche. J'imagine que l'intérieur de ma cavité buccale est remplis de sang, mon envie de vomir s'amplifie au contact de ma langue sur mon palais. J'ai beau avoir une envie folle de crier, aucun son ne sort de ma bouche, rien. Mes paroles s'étouffent dans le fond de ma gorge, et puis le néant. Mes jambes sont engourdies, j'ai mal partout, j'ai l'impression qu'on me donne des coup de marteaux dans la tête. Une substance liquide recouvre le bas de mon nez, du sang surement, de la transpiration, je n'en ai aucune putain d'idée. SORTEZ MOI DE LA. Je baisse la tête, manquant d'énergie. Soudain, je sens une présence autour de moi, suivis d'un son de pas bruyants, d'un cri strident. J'aimerais me boucher les oreilles mais mes mains sont prises aux pièges, j'aimerais bouger mais je n'en ai pas la force, j'aimerais appeler à l'aide mais rien ne sort de ma bouche. Je suis dans un état de frustration. Comme si face au danger ou à la mort on développait une sorte d'instinct de survie automatique. Mais que faire quand toutes vos idées sont paralysées par un manque de pouvoir? C'est comme si on voulait à tout pris faire quelque chose, mais qu'on se retrouvait dans une situation où il nous étais incapable de le faire. C'est comme si on avait un visuel de notre mort proche d'un point de vue extérieur. On se voit mourir, on se voit ne rien pouvoir tenter. Et n'importe quelle individu dans cette situation face à une mort certaine, qu'il soit fort ou faible, ressentira une sorte d'inaptitude à se défendre, et repassera en boucle dans sa tête les mots "je vais mourir". C'est ainsi qu'on comprend que tout Homme possédant du pouvoir n'en est plus un face à la mort.


Mon réveil sonne. Je me réveille en sursaut. Je reprend mon souffle, une inspiration et expiration après l'autre. Je regarde mes mains, touche mon corps. J'ai comme une impression d'être encore ligotée, d'être encore dans cette mystérieuse pièce au ton sombre. j'allume ma lumière avec un pincement au cœur craignant de découvrir quelque chose d'horrifique. Mais rien ne se passe, je suis dans ma chambre, au teint pâle, mon lit deux places au draps maintenant dérangés, ma commode dans un coin et ma bibliothèque dans l'autre. Rien de plus qu'un mauvais cauchemar. La porte s'ouvre en trombe derrière moi, je sursaute, surprise. Pascal se trouve devant moi, en pyjama je suppose. Sa présence dans les mauvais moments commence à devenir de plus en plus récurrentes et je me surprend à le regarder droit dans les yeux en attentes d'une quelconque forme d'excuse. C'est comme si il avait lu dans mes pensées.

-Excuse moi.. Je pensais que tu ne t'étais pas réveillée.

J'ai envie de vomir.


Pascal m'a emmené au lycée en voiture. Le trajet s'est fait dans le silence, comme souvent. Avant que j'ouvre la portière, il m'a recommandé de prendre les deux euros qui trainait dans sa boite à gant pour pouvoir m'acheter quelque chose à manger ce matin mais j'ai trouvé plus juste d'ouvrir et de fermer la portière comme si je ne l'avais même pas entendu. J'ai marché sans me retourner et je savais au plus profond de moi qu'il attendait que je lui fasse un signe avant de redémarrer. Il a quand même finit par partir après 100 mètres quand il s'est rendu à l'évidence que je ne le ferais pas. Je ne sais toujours pas pourquoi il s'obstine à répéter sans cesse les mêmes efforts. Il pense peut être qu'un jour ça changera, que je me réveillerai un matin avec l'envie de discuter, de lui faire des petits signes de main enfantin pour lui montrer que je vais bien et que je suis heureuse. En vérité, ça ne changera pas, et encore moins d'un coup, sans réelle raison. Quelque chose était brisé au fond de moi, et la blessure était profonde. Et peu importe à quelle point je reconnaissais son envie de m'aider, et combien j'avais envie de le gratifier, je ne pouvais pas, c'est quand si même être gentille et reconnaissante, mon corps et mon esprit n'y arrivaient pas.


Il était 10 heure 30 quand je suis arrivé dans ma salle de techno. J'avais 10 minutes de retard et je n'avais aucune justification. J'ai simplement ouvert la porte et je suis allée m'assoir le plus loin possible des autres. La prof m'a regardée droit dans les yeux et j'ai compris que mon arrivée n'était pas passée inaperçue.

-Agathe. Motif?

J'ai hésité à rire mais j'ai finalement finir par dire:

-Je n'en ai pas.

-Alors tu prends gentiment tes affaires et tu sors.

Je me suis alors exécuté. J'ai pris mon sac que je venais de poser à l'instant et j'ai quitté la salle. J'avais le choix de respecter le règlement et d'aller en colle, ou bien de sortir de cette endroit étouffant et d'attendre mon prochain cours dehors. J'ai  finalement décrété que je n'avais pas besoin de plus de problème avec le lycée et avec Pascal, je n'avais pas envie que la proviseure l'appelle et qu'il se fasse encore plus de soucis qu'il ne s'en fait déjà. J'ai marché lentement vers la salle réservé au colle. J'ai poussé la porte et j'ai vu à mon grand étonnement que la pièce n'était guère remplis. Il n'y avait qu'une seule élève, que je n'avais jamais vu et aucun professeur qui surveillait. J'ai été m'assoir loin d'elle pour ne pas lui donner d'excuse pour me parler et je me suis plonger dans la lecture d'une œuvre de Stephen King "Misery".

Alors que je finissais impassiblement le 5 ème chapitre de ce chef d'œuvre, j'ai entendu un bruit qui provenait du devant de la pièce. J'ai levée la tête par curiosité et vu la fille ramasser ses affaires. Je me suis replongée dans ma lecture bien plus intéressante quand j'ai pris conscience que des bruits de pas résonnaient dans mes oreilles de plus en plus forts. J'ai de nouveau levée la tête et c'est la que je l'ai vu juste en face de moi, devant mon bureau. Je m'attendais à ce qu'elle me donne des raisons de sa venue ici, et qu'elle s'en aille après avoir vu mon aire nonchalant, mais il en fût tout autre.

-Tu savais que certains animaux ne ressentaient pas la douleur? Enfaite les seuls animaux capables d'éprouver de la douleur sont ceux qui peuvent éprouver la peur, l'anxiété, la détresse ou la terreur.

Elle a cessé de parler et m'a regarder comme si elle attendait une réponse. Est-ce qu'il était vraiment nécessaire que je réagisse à une affirmation? Je l'ai regarder et j'ai lâché un tout petit sourire en coin à peine perceptible. Je ne savais pas qui était cette fille, ce qu'elle faisait là, ni même pourquoi elle était venu me parler d'animaux. Mais une chose que je savais et dont j'étais même convaincue, c'était la première personne qui me faisait émettre ne serait-ce  qu'un semblant de sourire depuis plusieurs mois. Et ça, c'était fort!


Pluie et ouraganOù les histoires vivent. Découvrez maintenant