Chapitre 1

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                  Au beau milieu d'une nuit orageuse, où le ciel criait toute sa colère, Phoebe se réveilla, comme chaque nuit, sauf que l'orage y contribuait cette fois-ci, en sursaut, terrorisée face à son cauchemar perpétuel.

Il s'agissait d'une jeune fille qui avait enduré tellement de malheurs en seulement dix- sept ans d'existence qu'une personne adulte n'y verrait point un enfant, mais bien une jeune femme mature, endurcie et respectée. Elle voyait à chaque fois, ses parents mourir, noyés, ne pouvant s'enfouir de cette voiture, les tenants en cage, et prisonniers de leur propre sort. Elle voulait tant réussir à les sauver, même en plein rêve, même si cela n'affectait en rien, la dure et triste réalité. Elle voulait juste les serrer dans ses bras, pour la dernière fois, humer leurs odeurs si envoutantes, les regarder de haut en bas pour imprégner à jamais, tous leurs traits, du petit grain de beauté sur la nuque de sa mère, aux yeux si bleus et si hypnotisants, qu'on ne pouvait pas rater, de son père. Elle voulait tracer leurs visages au feutre indélébile dans sa mémoire, ne jamais leur faire honte en oubliant une seule petite ride soit-elle. Elle se sentait si bien dans leurs bras chaleureux, tellement confiante.

Mais on devait lui arracher ce bonheur, la priver d'une famille aussi aimante que la sienne, lui faire voir à jamais la vie en noir, et l'obliger à se sentir aussi oppressée, et à suffoquer dans ce monde, où courait sans cesse la joie de vivre. Elle se sentait étouffée par ce chagrin si intense, que la seule solution qui lui restait n'était pas sans représailles. La mutilation la faisait réagir et lui montrait qu'elle était bien là, bien vivante, mais surtout, la seule survivante de ce tragique accident, alors elle recommençait à chaque fois, ne s'arrêtant que si elle pressentait être proche de tomber dans les pommes.

D'un point de vue extérieur, cela prenait une toute autre forme, on lui rappelait que ce n'était point la solution, que ce n'était qu'un moyen de torture qu'elle avait dans les mains pour se punir d'avoir survécu. Les malheureux qui improvisaient et imaginaient ces paroles n'avaient pas vraiment tord. Une partie d'elle-même se sentait accablée et tellement coupable de sa survie et non des siens, qu'elle utilisait ce moyen pour atténuer cette rage qui grandissait de jour en jour pour elle-même.

 N'ayant aucune envie de se rendormir pour revivre le même cauchemar en boucle, elle s'assit près de sa fenêtre, contemplant ce ciel qui semblait ressentir toute sa peine. Dehors, l'orage grondait et faisait sursauter Phoebe à chaque éclair qu'il produisait. Le ciel était d'un noir si profond qu'il représentait en l'occurrence, le désespoir dans lequel elle vivait ces derniers temps. L'épaisse couche de nuages masquait ces étoiles si brillantes qui réchauffaient un temps soit peu, le cœur de Phoebe, chaque nuit où elle les contemplait au lieu de dormir, et ce n'était pas l'envie qui lui manquait.

Alors, à contre cœur, elle alla s'allonger dans son lit, et posa sa tête sur son oreiller moelleux, rabattant la couverture sur elle, en espérant avoir quelques heures de sommeil. Ses cours lui prenaient beaucoup d'énergie, l'occupant à ses heures de libre, et la journée du lendemain n'était pas une exception. Mais elle ne s'en plaignait guère, c'était son passe-temps à elle, il lui faisait oublier pour quelques heures, ses parents et sa mauvaise conscience qui lui radotait à tout instant qu'elle devait les rejoindre. Elle devait alors être en forme pour entamer cette dure journée, non pas se balader avec de grosses cernes violettes sous les yeux. Mais ce n'était pas pour autant qu'elle tomba dans les bras de Morphée.

Anéantie à vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant