Premier chapitre, l'Effacement.

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« Rob ! » marmonnait une voix dans le noir. Elle était douce, apaisante et presque trop rassurante pour n'être que trop banal.

Le monde des rêves s'était abattu en lui et il semblait être incapable d'en jaillir. Là était un univers si parfait, beau et calme qu'il aurait préféré y passer sa vie plutôt que le quitter. On y apercevait le vent qui balayait les feuilles craquelant durant le tout nouvel automne, le soleil qui aveuglait les passants et la bleuté du ciel qui se répandait partout autour. Rien de tout cela ne paraissait un semblant naturel. Plus personne n'agissait de la sorte, à ce jour du moins. Cela faisait bel et bien longtemps que le jeune garçon n'avait point revu des passants, simples, dans la rue, des jeunes couples, s'embrassant ou, tout simplement, des jeunes gens qui riaient aux éclats ou qui venaient discuter autour d'un bon verre dans l'une des buvettes de la ville. Il en aurait été presque incapable de se rappeler la dernière fois où cela avait pu lui arriver mais cela n'avait plus été le cas depuis un certain temps. Rob se voyait déambuler dans les rues d'une petite ville d'Angleterre. Bon sang, pensa t-il, que cela faisait longtemps qu'il n'y avait point mit les pieds, qu'il n'y avait point vu les contrées anglaises. Cela lui manquait. Et ce ne fut qu'au moment où il aperçut la Tour londonienne qu'il comprit que tout cela n'était qu'un rêve. À ce jour, Rob n'était même plus sûr que cette dernière puisse exister. Le monde avait du faire face à tellement de changements qu'il en aurait mit sa main à couper que la tour de sa ville natale avait disparu. Pourtant, elle se tenait, là, en face de lui. Une vague de joie intense s'empara de lui et, en l'espace d'un seul instant, il cru que tout cela était devenu réel. Le frêle garçon s'avança alors dans une petite ruelle qui semblait vide. Il n'y avait pas le moindre bruit et il eut, en quelques instants, reconnut la petite ruelle où avait vécu sa grand-mère avant de mourir. Elle avait été la dernière femme, de sa famille, à s'occuper de lui avant qu'il ne rejoigne l'école pour "enfants particuliers". Souvent, la vieille dame lui manquait. Elle et ses petites habitudes lorsqu'il était l'heure du thé ou durant les périodes d'Halloween. Tout cela lui manquait terriblement, tout en sachant qu'il ne retrouverait, Ô grand jamais, cette petite routine habituelle. Rob avait quitté l'Angleterre lorsqu'il avait cinq ans et avait été entraîné dans une école pour enfants spécialisés, sur la côte Est des États-Unis. Il avait été retiré de sa famille, de sa ville, et son pays de ce même fait, natale pour arriver dans un lieu qu'il n'avait jamais imaginé comme étant sa terre de refuge. La voix de la femme en revenue jusque ses oreilles mais il la balaya. Il voulait en savoir plus. Bien plus. Il voulait se débattre. Tout connaître, les moindres parcelles de tout cela. Tout. S'il vous plaît, tout avant que son cerveau ne se désiste à tout effacer. 

« - Il résiste à l'Effacement, docteur. » continuait la même voix féminine mais, cette fois-ci, avec bien plus d'inquiétudes dans la voix. Comme si ce fameux processus l'inquiétait bien plus que le garçon qui se trouvait sur cette table médicale.

« - Carrie ! » Une voix d'homme sortit, d'un seul coup, pour s'abattre dans les oreilles du jeune garçon. « Maintenez-le et augmentez les doses. Il ne doit pas partir sans avoir tout perdu. »

C'était ce sentiment qu'il possédait. Tout perdre. C'était tel un retour en arrière. Comme commencer par le présent et repasser dans le passé, peu à peu, afin qu'il se souvienne des bribes de souvenirs qui lui restait encore. Sa gorge se nouait et il avait, véritablement, envie d'ouvrir les yeux. Puis son visage apparut. Celui d'une petite rouquine de quelques années de moins que lui, un grand sourire, ses grands yeux bleus le fixant et mimant quelques signes. Comme si elle savait que « Maman » allait rentrer et découvrir le jeune Rob en train de dévorer les biscuits que cette dernière avait préparé pour le repas. L'enfant se mit à rire puis fit un dernier câlin à son grand-frère. Un brouillard se déposa sur ce souvenir, tel un linge blanc puis la rouquine s'évapora. Son regard s'était métamorphosé. Le bleu intense mais clair de ses yeux s'était métamorphosé pour laisser place à un regard vide, perdant toute lucidité. Peut être était-ce de cela qu'on souhaitait le protéger. De cette maladie que le monde entier nommait la Braise. Un frisson s’empara de lui. Puis du sang affubla sur le sol, entourant ses jambes. Il sentit l'une de ses larmes perler sur le dessus de sa joue et n'entendit que les dernières paroles de son père, ce dernier, l'arme encore au poignet. Part ! Et Rob comprit. Part, et ne revient jamais. Tel avait été son ordre.

« Vous voyez, Carrie, là.... il est enfin calmé. L'Effacement fonctionne. »

La voix de l'homme fut l'unique chose que le jeune homme entendit dans son sommeil. Le peu qu'il avait comprit de sa vie avait été le meurtre de sa sœur, cette dernière qui avait été ravagé par la maladie qui constituait, désormais, l'esprit du monde entier. Des êtres inconnus étaient venus le chercher, avait fini par le retirer de son havre de paix puis l'avait entraîné dans cette vaste pièce dont il ignorait encore tout.

« Bientôt, il ne se souviendra plus que de son nom. » L'homme s'arrêta avant de chuchoter à l'oreille du garçon. « Newt. »

Subject A5, the glue.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant