Chapitre 2: La fuite.

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Il se tenait debout sur la grande dune, tout en aillant conscience d'être fortement visible, il avait eu cette envie de respirer l'air frai du beau matin. D'ici, il pouvait voir toute la Vallée, si majestueuse et merveilleuse dans son réveil. Il pouvait entendre les mères dans les logis et les pères partant dans les ruelles. Il pouvait entendre les adolescents partir en mission pour obtenir leurs médailles, tandis que leurs sœurs attendaient leurs futurs prétendants sans un mot. Il pouvait entendre les grandes cloches annonçaient la première messe en l'honneur du grand surhomme. Il pouvait entendre les chants religieux des femmes qui portaient le blanc. Il pouvait entendre les voix des prêtres qui récitaient sans passion les lignes de propagandes. Et ses yeux, eux, pouvaient s'arrêter sur les moindres détails. La grande statue sur la place qui représentait le surhomme et la fontaine qu'on disait magique se tenant à ses côtés tenue par des gardes. La dernière Ecole que la Vallée ai connue, la même qui avait donné illustration aux histoires de sa mère. Elle servait maintenant de prison pour les orphelins. Il pouvait voir le pont qui menait au village qui tombait presque en ruine, parce que le reconstruire n'était pas la priorité des plus hauts placés. Et jonchant un peu plus haut, sur la montagne blanche et terrible, où peu de personne avaient l'honneur de se rendre, semblant surplombé l'univers entier ; le grand palais.
En descendant sur le chemin le plus caché, entre les sapins les plus hauts, il se demandait où il devait se rendre maintenant. Impossible de rentrer chez lui, c'était le premier endroit où ces monstres étaient parti le chercher. Il sut rapidement qu'ils avaient torturé sa mère pour qu'elle donne des informations, mais elle n'avait pas lâcher, pas un seul mot jusqu'à son dernier souffle. Elle avait tenu pour son fils et il se devait de tenir pour elle. Il ne devait plus abandonner, plus avoir l'idée de se rendre bêtement comme dans la grotte. Il ne devait plus tomber dans des pièges aussi simplement.
La seule solution était de s'éloigner de la Vallée, mais la peur de l'inconnue s'accrochait à son cou, comme une sangsue, il suffoquait à l'idée de partir de ce qu'il connaissait. Les rumeurs allaient bon train sur la vie au de-là de la Vallée. Mais il s'était toujours demandé si ailleurs, ils avaient tous un surhomme ou s'ils vivaient comme autrefois ? Est-ce que leurs coutumes étaient différentes ou étaient-ils des monstres comme les soldats avaient toujours semblé croire ? On lui avait implanté des idées effrayantes dans la tête. Heureusement que sa mère avait fait fuir ses mauvais rêves d'une traite. Elle racontait toujours que s'il le surhomme avait peur de l'ailleurs, c'est parce que là-haut, les peuples étaient libres et égaux. Elle disait aussi que s'il avait décidé d'enfermer la Vallée au reste du Monde c'est parce que le surhomme avait peur de perdre sa couronne et son emprise. Sa mère était persuadé que les gens vivaient bien mieux dans ce lointain inconnu. C'était donc sa chance pour découvrir qui possédait la vérité entre sa douce mère et son horrible demi-dieu. Il était déterminé à quitter enfin cette horrible bulle qui l'avait empêché de s'épanouir. C'était le moment de renaître à nouveau. Il tourna une dernière fois son visage vers la Vallée, soupirant entre ses lèvres violettes ; « Je suis désolé, Père. Je reviendrais vous chercher ». Les hauts placés avaient fait enfermé son père, espérant qu'il tombe dans le piège de venir à son secours. Il viendrait, bien sûr. Mais il ne pouvait se permettre de le faire maintenant. Son père comprendrait car il aurait fait la même chose. Il ferma les yeux quelques minutes et reprit la route sans plus jamais se retourner.

Le jeune homme arriva rapidement devant la grande porte qui menait à sa nouvelle vie. Elle était encore mieux tenue que le palais. Immense, elle touchait peut-être les nuages selon des rumeurs. Il resta entre deux Sapins, fixant avec stratégie l'armée qu'il avait tant côtoyé. Fort chanceux, il avait déjà gardé la Porte des dizaines de fois. Il avait tenu les lances, il s'était posé sur les tours, il avait tenu la corde pour ouvrir. Il connaissait à peu près tout les postes. Il frissonna en croisant le regard d'un ancien camarade. Enfin, ce dernier ne l'avait pas remarqué. Mais cela lui faisait quelque chose, comme si, en voyant ces hommes d'un autre point de vue, il avait pitié. Coincé dans leurs armures, certains faisaient peine à voir. Leurs yeux n'avaient plus aucunes vies. Ils servaient sans âmes. Ils étaient morts depuis des années. Il devait trouvé une solution pour passer, mais ce ne serait pas mince à faire. Il ne pouvait soudoyer ces hommes, ils n'étaient pas capables de comprendre, aveuglés, ils ne suivaient que les ordres donnés de plus haut. Ils n'avaient plus aucun libre arbitre. Semblables à des machines de guerre. En réfléchissant, il se rappela d'une de ses premières gardes du matin, quand le soleil ne s'était pas encore tout à fait lever, comme actuellement. Les portes s'étaient levé pour laisser entrer des cargaisons de pommes de terres venues des champs voisins. Les charriots repartaient vides, mais repartaient dans l'autre sens. C'était son seul espoir. Mais, est-ce que les véhicules étaient entrés dans la Vallée aujourd'hui ? Il disparu dans les herbes hautes.
Dos à lui, assis sur un banc de pierre, un paysan comptait les billets que les soldats venaient de lui donner en échange du butin. Il était concentré dans son affaire et ne se rendit pas compte qu'un homme rampait juste derrière lui. Le ventre du rebelle caressait les cailloux et recueillait la boue sur son habit.

« Partez maintenant, étranger. Le jour va se lever entièrement. Les portes doivent être closes. »

La voix du soldat était juste au dessus du rebelle, qui prit de panique, changea son plan au dernier moment. Au lieu de monter dans la charrette et se cacher sous les linges, il attrapa avec force le bois du dessous, coincé entre les deux grosses roues. C'est son dos qui bientôt frotta contre le sol, avec bien plus de vitesse, il pouvait sentir chaque roche et la poussière le fit rapidement éternué, bruit atténué par le hennissement des chevaux. Alors qu'il se croyait saint et sauf, la calèche s'arrêta un grand coup devant la porte. A seulement quelques mètres, le jeune résistant pouvait voir celui qui tenait la corde prêt à tirer dessus avec rage et férocité.

« Stop ! Attendez. Nous avons un fuyard, il serait préférable qu'on vérifie votre chariote. »

Les grognements du paysan ne tardèrent pas. Il était en retard pour ses autres livraisons. Le soldat jura sous serment que cela ne durerait pas longtemps. Et toujours avec cette chance légendaire, accroché en dessous de la calèche, craignant pour sa vie, le jeune garçon ne se fît pas repérer. Il ne regretta pas d'avoir changé de plan au dernier moment. La trompette annonça l'ouverture des portes et Aleksi fonça vers sa vie.

Aleksi Osmund; Le protégé des Dieux. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant