Quatrième partie.

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« Où est-ce que je me suis arrêté déjà ?
- Au déménagement de ta mère.
- Oh oui c'est vrai, merci. Je disais donc que ma mère a déménagé après l'une de mes dernières entrevues avec mon petit frère. Après cela, j'ai passé mes quatre années de lycée sans nouvelles. Michael avait changé de numéro et sans doutes d'Etat. C'est à ce moment-là que j'ai commencé à me renfermer sur moi-même, plus que je ne l'étais déjà je veux dire, il marqua une pause. J'avais toujours été un peu dans ma bulle mais être séparé de mon frère m'avait complètement coupé de la réalité. Le seul point positif était que mes notes étaient remontées.
- Ai-je affaire à un petit génie ? sourit-elle.
- On peut dire ça. Grâce à ces années d'acharnement, j'ai réussi à intégrer Oxford. »

Lucy le fixa de ses yeux écarquillés. Gêné, il commença à mordiller son pouce. Les gens étaient toujours surpris lorsqu'il le mentionnait, ils ne le pensaient pas capable d'une telle chose.

« Oxford, mais c'est sur un autre continent ! Qu'est-ce que tu fous encore à New York ?
- J'y viens justement. »

Il prit une grande inspiration, ravala les larmes qui menaçaient de couler et reprit :

« Lorsque j'ai appris la nouvelle, j'ai supplié mon père de me donner la nouvelle adresse de Michael. Je voulais fêter ça avec lui, qu'il soit fier de son grand frère.
- Pourquoi est-ce que ton père aurait son adresse ?
- Pour la pension alimentaire. Il était obligé de fournir une certaine somme par mois.
- Évidemment, je suis bête. Conti- ça va ? »

Des perles salées dévalaient les joues rosies de Morgan. Il tenta vainement de le cacher, embarrassé. Il ne craquait jamais en publique.

La jeune femme contourna le bar pour s'asseoir à ses côtés. Elle saisit ses mains en le couvant d'un regard compatissant.

« Ne te sens pas obligé de continuer, je n'ai pas envie que tu te sentes mal par ma faute, murmura-t-elle doucement.
- J'en ai besoin, répondit-il faiblement. »

Elle lui déposa un baiser sur la joue avant de l'inciter à terminer.

« J'ai eu l'adresse, alors je m'y suis rendu. Quelle ne fut pas ma surprise de trouver une maison presque vide. Il n'y avait aucun signe de ma mère et personne n'avait daigné m'ouvrir malgré la porte ouverte. Je suis rentré et j'ai monté les escaliers, supposant que la chambre de Michael serait à l'étage. J'ai suivi un couloir et je suis tombé sur une porte entre-ouverte avec une affiche des Twenty One Pilots, sont groupe préféré. Bête comme je suis, je n'ai pas pris la peine de toquer et.. »

Sa voix mourut dans sa gorge. Il n'avait pas la force de le dire. Lucy resserra sa prise, voyant la chose venir.

« Il était là.. Son corps flottant dans l'air. Il s'était pendu.. Il s'était pendu au putain de ventilateur, cracha-t-il avec hargne.
- Mon dieu, Morgan, je suis désolée.
- Quinze ans.. Quinze ans ! Il a préféré quitter ce monde plutôt que de vivre le reste de sa vie !
- Attends une seconde. Vous avez quatre ans d'écart n'est-ce pas ? Alors ça veut dire que-
- Ça fait à peine quatre mois. »

Elle l'entraîna dans ses bras.
Ils restèrent ainsi de longues minutes, ne sachant pas lequel des deux en avait le plus besoin. La main de la jeune femme passait mécaniquement dans les cheveux blonds du garçon qui versait des larmes silencieuses sur son épaule. Elle était touchée de le voir si fragile, lui qui semblait si dur au premier abord.

Il fut le premier à rompre l'étreinte. Il s'essuya les yeux et lui souffla un simple merci.

« Quand tu veux, Morgan, sourit-elle.
- Ah, c'est plus Morgan sans e ? s'étonna-t-il.
- Non, c'est Morgan maintenant. Je préfère.
- Ça va me manquer, se plaint-il faussement. »

Elle leva les yeux au ciel, un sourire au coin des lèvres. Il semblait avoir mis toute sa tristesse de côté ; elle en était impressionnée.

Elle saisit ensuite son poignet gauche, là où se trouvait une vieille montre.

« Il va falloir que je rentre, Charles va se poser des questions, soupira-t-elle en se levant. »

Il l'imita, ne sachant quoi répondre.
Alors qu'elle rangeait tout son matériel, il se contenta d'enfiler son manteau. Ils sortirent ensuite, prenant le temps de baisser les stores et d'éteindre les lumières.
Lucy tourna deux fois la clé vers la droite puis se tourna vers lui.

« C'est là qu'on se quitte.
- On est vraiment obligé ?
- C'était une chouette soirée, Morgan, mais je pense que c'est mieux pour nous deux.
- Alors toi aussi tu m'abandonnes ?
- Morgan, soupira-t-elle en lui caressant la joue. Je t'aime beaucoup, tu es un chouette garçon, ne change pas ce que tu es. Tu es brillant aussi, alors ressaisis-toi bordel ! Je sais que ces derniers mois ont été difficile mais une école plus que prestigieuse t'attend de l'autre côté de l'Atlantique alors tu vas me faire le plaisir d'y aller et de tout casser, c'est clair ? »

Il lâcha un léger rire tout en hochant la tête.
Le tintement des cloches commença à se faire entendre.

« En fait, je pense que tu as raison, c'est mieux si on ne se revoit pas. Sinon, ça voudrait dire que je suis resté coincé à New York et c'est absolument pas ce que je veux.
- T'as tout compris ! s'exclama-t-elle en lui pinçant gentiment la joue. »

Ils se fixèrent ensuite longuement, comme essayant d'imprimer le visage de l'autre.

« Est-ce que ce serait mal si j'avais envie de t'embrasser ? demanda-t-il.
- Oh, Morgan, tu es beaucoup trop jeune pour moi, rit-elle.
- Mais quel âge as-tu bon sang ?
- C'est simple, j'ai-
- Tu as ?
- Tiens c'est étrange, les cloches n'ont sonné qu'onze fois.
- Peut-être parce qu'il est onze heure ? dit-il sarcastiquement.
- Il est minuit, imbecile, ricana-t-elle en lui montrant sa propre montre. C'est un signe de l'univers pour te punir car c'est bien mal poli de demander son âge à une dame. »

Il leva les yeux au ciel. Quelle ne fut pas sa surprise quand les lèvres de la jeune femme se déposèrent furtivement sur les siennes.

« Je croyais que tu étais trop vieille pour moi, sourit-il.
- On peut parfois faire des exceptions, sourit-elle à son tour. Passe une belle nuit, Morgan. »

Elle tourna ensuite les talons, s'enfonçant dans les rues enneigées de la ville qui ne dort jamais, abandonnant derrière elle son ami d'un soir.






Les onze coups de minuit.

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