Troisième partie

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« Elle avait commandé un monaco -
Ouh ! Pardon madame, ricana-t-il.
Ferme ta gueule. Je disais donc qu'elle avait commandé un monaco et moi une limonade et -
T'as quatre ans et demi ?
Écoute moi bien beau gosse, si tu ne me laisses pas finir mon histoire ça va très mal se passer, dit-elle en pointant un doigt accusateur vers lui. Pendant qu'elle me parlait du voyage que "daddy" et elle avaient réalisé à Rome le week-end précédent, le mec avec qui j'avais couché était en train de foirer le cocktail qu'il était en train de préparer. »

Elle se leva et contourna le bar pour se retrouver de l'autre côté. Elle appuya sur un bouton et de minuscules L.E.D dissimulées s'allumèrent en un arc-en-ciel de couleurs.

« C'est tout ? Je ne veux pas être méchant, Lucy, mais ton histoire est un peu nulle. Et puis ça ne me dit pas comment tu as rencontré ton copain. »

Et encore une fois, elle ne lui répondit pas. Elle enfila un tablier, passa un coup de chiffon sur le bar puis tapota l'un des tabourets.

« Viens t'assoir. »

Il alla prendre place face à elle, posant sa tête sur ses mains jointes.

« Après m'avoir vu rire, il m'avait défié de faire mieux ; ce que j'avais fait. »

Elle sortit plusieurs bouteilles d'alcool que le jeune homme n'avait jamais vu de sa vie. Elle posa également devant elle quelques diluants puis saisit son shaker.

« Il m'a invité à passer derrière le bar, comme ça, et m'a donné tout ce dont j'avais besoin, elle désigna ses ingrédients d'un geste de main. Tout le monde m'a regardé faire alors que ma pote, Christie je crois, s'agaçait car l'attention n'était plus sur elle. Comme je n'avais aucune putain d'idée de ce que je faisais, j'ai tout versé d'un coup et j'ai mélangé. Le résultat était désastreux mais à force de traîner ici j'ai réussi à maîtriser la technique. »

Elle fit glisser vers lui un verre à Martini.

« Tu es sûre que ça se sert là-dedans ?
Es-tu en train de remettre en doute mes talents de barmaid ? s'offusqua-t-elle faussement.
Je n'oserais pas, mais je pense toujours que ce truc ne se sert pas là-dedans, dit-il en saisissant le verre à pied.
Bois !
Ok ok. »

Il trempa les lèvres dans le liquide verdâtre. Au premier abord, le goût semblait banal mais après quelques secondes toute l'amertume de l'alcool lui brûla la gorge.

« Ne me dis pas que tu n'as jamais bu d'alcool ! s'exclama-t-elle en voyant son visage se tordre en une grimace.
Je pensais que mes paroles de tout à l'heure avaient été assez claires pourtant, ricana-t-il sarcastiquement après une quinte de toux.
Je pensais que t'avais déjà piqué une bouteille à ton père parce qu'à seize ans on trouve que boire c'est swag.
À seize ans je lisais des bandes dessinées comme chaque adolescent normalement constitué. »

Elle leva les yeux au ciel en prenant une gorgée de son cocktail.

« T'as raison, c'est affreux. Il faut croire que j'ai perdu la main, rit-elle. Enfin bon, je suis fière d'être la première personne avec qui tu vas boire de l'alcool.
Avec qui j'ai bu de l'alcool. J'ai pas l'intention de recommencer, grogna-t-il. »

Elle soupira, glissa sa main dans ses cheveux et l'agita vivement, lui arrachant un énième grognement de mécontentement.

« En tous cas, c'est grâce à ce cocktail que j'ai rencontré Charles.
Tu viens à peine de dire que c'était grâce à ça que tu étais devenue amie avec.. Comment il s'appelle déjà ?
Alec.
Qu'est-ce qu'a à faire Alex dans cette histoire alors ?
Alec, avec un c, concentre-toi un peu Morgan sans e. »

Le jeune homme ricana. Il prenait un plaisir fou à l'énerver.

« Grâce à Alec, il m'arrivait de temps en temps de passer de l'autre côté du bar. J'ai rencontré Charles un de ces soirs-là. Il m'avait demandé mon meilleur cocktail en posant un billet de cent dollars sur le comptoir. Je l'avais pris et je lui avais servi cette petite merveille.
Tu vas me faire croire qu'il a aimé ?
Apparemment oui puisque nous vivons ensemble maintenant, sourit-elle. »

Elle se laissa emporter par ses pensées quelques instants. Suffisamment longtemps pour qu'elle se souvienne que cette relation n'était plus aussi belle qu'au commencement.

« Ce cocktail ne vaut pas vraiment autant d'argent, n'est-ce pas ?
Il en vaut à peine vingt, rit-elle en sirotant une nouvelle gorgée.
Qu'est-ce qui fait que ce ne soit pas avec Charles que tu es en train de boire cette.. chose ? demanda-t-il innocemment. »

Il regretta bien vite sa question lorsque le visage de sa nouvelle amie perdit de sa couleur. Elle reposa délicatement le verre et s'essuya les mains sur sa robe.

« Je pensais te l'avoir fait comprendre tout à l'heure ; il est très pris par son travail. Il passe ses journées enfermé dans son bureau et sort à peine pour manger. Nos seuls échanges sont à base de cris ou de sexe, parfois les deux, elle prit une grande inspiration. Notre putain de relation parfaite bat de l'aile mais on est beaucoup trop bornés pour se l'avouer alors je suis sortie me changer les idées. Fin de l'histoire.
C'est un bon coup ?
Oh oui, il est sacrément bon.
Cette situation craint mais vois le bon côté des choses ; tu es épanouie sexuellement parlant. »

Il lui arracha un rire. Elle n'aurait jamais cru entendre ça un jour à propos de sa relation avec Charles. La plupart des gens se contentaient d'un sourire compatissant et d'une bonne tape sur l'épaule.

« Bon, assez parler de moi encore une fois. C'est à ton tour de finir l'histoire avec cette horrible garce.
Il s'agit de ma mère, t'aurais pu choisir un nom un peu plus adéquat.
Je suis dé-
La reine des putes me semble correct.
Eh bien, Morgan sans e ! L'alcool t'a décoincé on dirait, ricana-t-elle en lui ébouriffant les cheveux. »

Il lui tira la langue. Le mélange atypique d'alcool qu'il avait ingurgité l'aidait à s'ouvrir encore un peu plus. Il adorait ça, pouvoir être soi-même avec quelqu'un.

Les onze coups de minuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant