Partie 1 - Mascarade d'Halloween

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La porte de l'Andromède Bleue a tinté, et deux silhouettes masquées sont sorties du bar, avec un froissement d'étoffes. La plus grande portait une robe rouge sang dont les volants imposants avaient rendu difficile le passage. Elle enleva son masque avec un soupir de soulagement.

« Il fait une de ces chaleurs là-dedans ! Je suis contente de sortir un peu ! »

Son amie l'imita et retira le loup en dentelle noire qui dissimulait le haut de son visage.

« Les masques n'aident pas, en plus... J'aurais bien jeté le mien dés la première danse, renchérit-elle.

-Mais tu ne peux pas, Gaïa, ça gâcherait le thème de la soirée ! » fit la première en désignant du doigt la banderole qui ornait la devanture du bar. Mascarade d'Halloween – Venez déguisé·e, dansez masqué·e, et révélez-vous quand Minuit auront sonné

Gaïa eut un sourire et s'éventa avec son masque. La décoration du bar était vraiment réussie : des branches de sapin, des citrouilles de toutes les formes et de grands pans de tissu sombre s'entremêlaient au milieu de guirlandes lumineuses. Personne ne pouvait ignorer que la plus grande soirée d'Halloween de la ville avait lieu ici.

« Marcia ! Tu étais là aussi ! » Un jeune homme vêtu d'une cape en velours interpella les deux amies.

« Grégoire, je ne t'avais pas reconnu ! » s'enthousiasma Marcia en lui donnant une accolade.

« Évidemment, je n'ai pas quitté mon masque une seconde, fit-il avec un sourire charmeur. Tu ne m'as pas présenté ton amie, ajouta-t-il en se tournant vers Gaïa.

-C'est vrai : Gaïa, je te présente Grégoire, il fait partie de mon club d'archéologie ! On s'est rencontré l'été dernier pendant les fouilles du tombeau d'Héliopolis, en Égypte.

-Une sacrée épopée, ajouta Grégoire, on a failli rester enfermé là-dedans.

-Il y avait une excellente exorciste avec nous, je n'ai pas eu peur une seule seconde ! Le corrigea Marcia avec une moue amusée, avant de finir les présentations : Gaïa est dans le même cours de géophysique que moi. »

Grégoire laissa échapper un sifflement impressionné.

« Les esprits scientifiques se font rares de nos jours ! Ce n'est pas trop éprouvant pour toi, d'habiter la ville des mystères ? »

Néolys était connue dans la région pour être une cité regorgeant de magie, mais les créatures de la nuit avaient tendance à agir à l'abri des regards. Cela se traduisait surtout par une atmosphère fantaisiste, et l'abondance des échoppes de sorcières, exorcistes et autre médiums que l'énergie de la ville attirait – et renforçait. La rumeur voulait que la cité ait été construite sur un ancien nexus démoniaque, scellé il y a des siècles par l'ancêtre du prince héritier.

« Gaïa est loin d'être rebutée par l'ésotérisme, répondit malicieusement Marcia. Mais je crois qu'elle n'a pas envie de faire de vieux os ici.

-Tu n'aimes pas Néolys, Gaïa ?

-J'y vis depuis ma naissance, tu sais, j'ai envie de voyager, de changer d'horizon. A force de les étudier, j'aimerais bien voir des volcans actifs de mes yeux, par exemple.

-C'est vrai que les voyages coûtent cher... tu as pensé à demander une faveur au prince ? Sa réception n'a pas encore eu lieu. »

Le prince de Néolys était un original qui organisait chaque année un bal somptueux, ouvert à tous ses sujets : ceux-ci pouvaient lui adresser des présents, et il distribuait ses bienfaits en retour. L'an dernier, un cuisinier lui avait dédié sa nouvelle recette de choux à la crème de citron et piment, que le prince avait tellement adoré qu'il lui avait offert un restaurant en échange.

« Je ne suis pas sûre d'avoir grand-chose à offrir au prince, répondit simplement Gaïa. Vous voulez retourner dans le bar ? Je n'ai plus très chaud, maintenant.

-Après une dernière cigarette, si ça ne vous dérange pas, fit Grégoire en dégainant un étuis à cigarette en argent. Vous en voulez une ? »

Gaïa déclina, tandis que Marcia fixait lourdement la cigarette qui lui était offerte.

« En fait... dit-elle d'un air hésitant, j'essaie d'arrêter. Mais une seule cigarette dans la soirée, c'est déjà pas mal, non... ? »

Gaïa effleura son bras avec douceur, et Marcia eut comme un mouvement de recul. Elle porta la main au pendentif en jade qui ornait son cou, et inspira brièvement, avant de sourire à Grégoire.

« En fait, non, je préfère éviter. Mais je peux rester avec toi le temps que tu finisses ta cigarette.

-Tu es bien raisonnable, admira Grégoire en allumant son briquet. J'ai essayé d'arrêter, moi aussi, mais je finis toujours par craquer à un moment.

-J'ai eu un peu d'aide, pour être honnête ! »

Gaïa laissa son amie continuer à discuter et retourna dans le bar. Ça avait été un peu de la triche d'enlever leurs masques en sortant, mais elle repositionna soigneusement son loup avant de rejoindre les danseurs, bien décidée à profiter de la soirée.

La piste de danse était parcourue en tous sens de couples colorés qui se déchaînaient sur un air de rock. Lorsque la musique changeait, chacun·e saluait son ou sa partenaire avec une révérence appuyée et se dirigeait vers une autre personne. L'anonymat que conféraient les masques donnaient à la scène un aspect onirique qui enchantait Gaïa.

Alors qu'elle hésitait à inviter quelqu'un à danser, une paume se posa doucement sur son épaule. Un inconnu lui présenta sa main après une élégante révérence. A la fois surprise et amusée, Gaïa s'en empara avec une délicatesse exagérée et accepta l'invitation.

Il fallut un petit instant à la jeune femme pour prendre conscience que son cavalier était en faite une cavalière : son visage était dissimulé par un masque argenté, et elle portait un chapeau haut de forme assorti à son costume vert sapin. Sa lavallière bordeaux formait un nœud extravagant, mais sous ce déguisement, on distinguait une poitrine généreuse et des formes toutes féminines. Gaïa sentit son souffle s'accélérer un instant, tandis que la musique recommençait, et que sa cavalière l'entraînait avec assurance sur la piste.

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