Par trois fois, ce soir-là, Gaïa et la danseuse au masque d'argent revinrent l'une vers l'autre. À chaque fois, elles commençaient par danser comme si elles ne s'étaient jamais vues auparavant. Puis, progressivement, leurs mains ne se dénouaient plus, la distance entre leurs corps diminuaient, et elles finissaient enlacées alors que l'orchestre entonnait des airs langoureux.
Elles échangeaient des banalités, rivalisaient d'esprit, et flirtaient outrageusement. Il fallut un certain temps pour que Gaïa découvre le nom de la jeune femme, qui avait pris un malin plaisir à éluder ses questions.
« Je m'appelle Cornelia. » finit-elle par révéler, en rejoignant le bar au bras de Gaïa. « Mais ça n'a aucune espèce d'importance. »
Le lourd bruit d'un gong se fit entendre, et la lumière devint plus franche. On distinguait mieux la décoration du bar, ses immenses miroirs aux cadres d'argent, ses petites tables en métal forgé, et ses tentures bordeaux. Une rumeur monta, et les serveurs distribuaient des coupes de pétillant rose.
« Il est minuit, observa Gaïa. On est censé enlever notre masque, maintenant.
-Tu meurs d'envie de voir mon visage, j'imagine ? Plaisanta la jeune femme.
-Mon masque me tient chaud, j'ai juste envie de m'en libérer » rétorqua Gaïa avec une grimace mutine.
« Retirons-le au plus vite, alors. » Cornelia avait joint le geste à la parole, et glissé ses mains sur la nuque de Gaïa. Elle dénoua lentement le ruban qui retenait son loup, pour l'écarter en douceur. La respiration de Gaïa faiblit. La jeune femme avait gardé une main à l'arrière de sa tête, entremêlée à ses boucles brunes, et elle la regardait en silence.
La seconde d'après, elles s'embrassaient passionnément.
Totalement subjuguée, Gaïa poussa un petit soupir tandis que les lèvres de la jeune femme s'éloignaient des siennes, pour errer doucement en direction de sa nuque. Tournant légèrement la tête, les yeux mi-clos, elle aperçut son reflet dans le miroir et se figea.
Il n'y avait personne face à elle. On plutôt, elle distinguait encore le chapeau, le costume et le masque légèrement relevé de Cornelia. Mais ni son visage ni ses mains n'étaient visibles.
Gaïa se dégagea dans un geste brusque.
« Tu es... »
Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase : elle avait croisé le regard de la jeune femme, qui la fixait intensément. Il se dégageait une étrange énergie de ses yeux verts, plus brillants maintenant qu'ils n'étaient plus dissimulés par un masque. Gaïa se sentit comme flotter, oubliant ce qui l'entourait, complètement absorbée par l'aura des prunelles qui la transperçaient. Sa volonté s'était diluée dans ces iris verdoyant.
« Sortons, nous serons plus tranquilles dehors. » murmura la jeune femme à son oreille, en l'étreignant tendrement.
Gaïa hocha la tête et la suivit vers la sortie. Une fois dehors, la séductrice se tourna à nouveau vers elle et la fit reculer doucement vers le mur du bar. Elle l'embrassa, de manière peut-être plus appuyée que la première fois, une main possessivement agrippée à sa taille. Puis le baiser changea de nature, et ses lèvres se posèrent dans le cou de Gaïa.
Elle ressentit comme une piqûre, et sa peau endolorie sembla s'enflammer brusquement. Mais la sensation, pour étrange qu'elle était, n'avait rien de désagréable. La tête lui tournait simplement, tandis qu'un gémissement faible s'échappait de ses lèvres. Plus rien n'existait, si ce n'est son cou et la bouche qui s'était posée dessus.
« Gaïa ! » fit un voix paniquée, depuis l'entrée du bar.
L'étreinte se brisa, et Gaïa retrouva brusquement ses esprits. Elle porta la main à son cou : elle saignait. Marcia se précipitait vers elle, paniquée, tandis que Cornelia reculait vivement, avec un sourire satisfait.
« Toi ! Je vais te... »
Gaïa s'était élancé vers elle, folle de rage. D'un geste brusque de la main, elle invoqua une gerbe de flammes bleues, qui s'évaporèrent dans la nuit : sa cible s'était volatilisée, et loin des regards, l'obscurité dissimulait la fuite d'une chauve-souris qui filait à tire-d'aile au dessus des toits.
« Gaïa, qu'est-ce qui s'est passé... ? » demanda Marcia, en l'entourant de ses bras.
« C'était une vampire. » fit Gaïa d'une voix faible. « Elle m'a hypnotisée quand je m'en suis rendue compte, et elle a... elle a bu mon sang.
-Comment tu te sens ? demanda son amie avec angoisse. Tu as mal ?
-Non, ça va, répondit Gaïa avec un sourire amer. Elle a dû sentir mes pouvoirs, c'est pour ça qu'elle revenait toujours me voir. Je me suis juste bien fait avoir... »
Devant l'expression déroutée de Marcia, elle sentit le besoin de préciser.
« Il en faut plus pour blesser une sorcière, Marcia, la vampire ne m'a pas fait de mal. Elle voulait sans doute accroître sa force grâce aux propriétés du sang des sorcières.
-Elle a pourtant déjà l'air puissante, fit remarquer la jeune femme.
-Et bien ses pouvoirs seront décuplés jusqu'à la prochaine pleine lune, ses illusions dureront des jours. Je me demande bien à quoi ça pourrait lui servir... »
Son visage fut parcouru d'un éclair de compréhension.
« Oh, je vois parfaitement qui elle voudra envoûter... Le prince sera particulièrement vulnérable, pendant sa grande réception.
-Tu crois qu'elle pourrait s'en prendre à lui ? Demanda Marcia avec horreur.
-Oh oui, c'est très possible. Mais maintenant je sais où je pourrai la croiser à nouveau, alors elle risque de regretter de m'avoir mêlée à son petit jeu ! »
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Emerald Fantasy
FantasyLa soirée d'Halloween réserve toujours quelques frissons. Mais cette fois-ci, il est question de coup de foudre, d'envoûtement maléfique et de vengeance inattendue. *** Histoire gagnante du concours RomanceFR "L'amour derrière un masque" #halloweenf...