The laugh

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Contre toute attente, ou bien comme certains auraient pu s'en douter, l'isolement était la partie préférée de Lauren. C'est d'ailleurs là qu'elle passait la plupart de son temps.

Le procédé était toujours le même. Quelqu'un, un autre patient ou un bien un membre du personnel de l'hôpital, se mettait soudainement à penser que c'était une bonne idée de venir la déranger dans la bulle de tranquillité qu'elle réussissait difficilement à mettre en place. Au départ, elle ne réagissait pas vraiment, il en fallait beaucoup pour atteindre les nerfs de la jeune femme. Mais parfois, l'un d'entre eux (la plupart du temps par accident) trouvait le moyen d'activer l'interrupteur imaginaire dans son esprit pour faire naître la plus infime des étincelles de colère qui suffisait ensuite à embraser le reste de son corps. Dés lors, Lauren devenait incontrôlable, et le seul moyen de l'empêcher de se défouler sur celui qui avait pénétré sa barrière de calme était de l'attacher et de la jeter dans une des cellules d'isolement.

C'est exactement ce qu'il s'était produit avec Devon. Et à présent, Lauren se tenait assise en tailleur, sur le sol de la pièce (avec les centaines d'heures qu'elle y avait passé, elle avait eu tout le temps d'en trouver le parfait point central).

Comme à chaque fois qu'elle se retrouvait véritablement seule, la jeune femme sentit ses muscles se détendre, elle ferma les yeux et se laissa lentement tomber en arrière jusqu'à ce que l'arrière de son crâne touche le sol de la cellule. Elle autorisa ensuite son esprit à s'éloigner et vagabonder vers un temps ou une réalité dans laquelle sa liberté ne se résumait pas qu'à quatre murs molletonnés.

Généralement, elle s'imaginait de retour aux côtés de Zayn, loin de chez elle, à boire et fumer tout ce qui passait à porter de leurs mains, ou bien avec Chris, le seul membre de sa famille avec qui elle s'entendait réellement, à regarder des heures et des heures de films en silence.

Mais cette fois, rien ne se passa réellement comme prévu, puisqu'à la place de la voix rauque de son ami ou des répliques cultes de grands classiques, c'est le son d'un rire qui prit toute la place que Lauren réservait normalement à ses souvenirs importants.

Un éclat de voix très pur, presque cristallin, comme s'il appartenait à un enfant. Mais de nombreuses années étaient passées depuis que Lauren avait rencontré des êtres humains de cet âge pour la dernière fois, et il était évident qu'aucun d'entre eux ne s'était montré assez intéressant pour marquer son esprit plus de quelques jours, voir même quelques minutes.

Pourtant, Lauren n'inventait rien, elle connaissait ce rire. Et apparemment, sans qu'elle ne s'en rende compte sur le moment, il l'avait énormément marqué.

La jeune femme resta ainsi étendue sur le sol, sans bouger et sans rouvrir les yeux, à chercher partout où elle le pouvait dans son esprit d'où venait ce son semblable à la plus pure des notes de musique qu'elle ait jamais entendu. Oui, "pur" était le meilleur descriptif. Non pas qu'elle ait besoin de le décrire à qui que ce soit, évidemment.

Elle s'adonna à cette activé pendant des heures, voir même plus d'un jour, puisqu'elle eut le temps de faire au moins trois siestes (plus ou moins longues). C'était le seul moyen qu'elle avait trouvé pour mesurer le temps. Un patient lambda placé en isolement se serait servi du rythme des repas pour cela. Mais pas Lauren : les gardiens avaient abandonné depuis longtemps l'idée de la forcer à se nourrir. Elle attendait toujours d'être au bord du malaise avant d'accepter d'avaler ne serait-ce qu'une seule cuillère de la merde qu'on préparait dans les cuisines de WPH.

La jeune femme ouvrit les yeux dans un sursaut, et se redressa soudainement. Évidemment ! La cantine ! Son personnel débile et l'odeur répugnante qui y traînait toujours ! C'est à la cantine qu'elle avait entendu ce rire si surprenant.

Un petit sourire satisfait sur les lèvres, elle se laisser retomber sur le sol et croisa les bras derrière sa tête. Pensant qu'elle avait résolu le mystère insistant qui l'avait plus ou moins maintenu éveillée pendant tout ce temps, elle ferma les yeux à nouveau et autorisa son esprit à retourner flotter sur les eaux paisibles de l'insouciance.

Jusqu'à ce qu'une sensation parfaitement inconnue ne se mette à faire accélérer les battements habituellement amorphes de son cœur et à gonfler ses poumons d'un air inédit. Alors, elle comprit qu'elle avait tord, et que le rire mélodieux était encore loin de la laisser en paix.

MAGIC FLEE (Camren)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant