Lauren

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Lauren était étendue dans son lit, fixant ce qu'elle supposait être le plafond à travers l'insondable obscurité de la nuit.

Ces derniers temps sa lui vie lui échappait complètement et elle n'avait pas la moindre idée de comment en reprendre le contrôle. C'est ce qui l'empêchait de fermer les yeux.

Même si elle était enfermée entre quatre murs, dans un bâtiment sans âme et entourée de gens complètement stupides et malades, elle avait jusque-là trouvé le moyen de maintenir un minimum de santé mentale et de calme en elle. Et pour cela, elle s'était fait une promesse à elle-même dés le premier jour de son internement : ne rien changer du comportement qu'elle avait eu à l'extérieur du WPH, tout au long de sa, pour l'instant, très courte vie.

Ce que cela incluait ? Ignorer les gens, les menacer s'ils insistaient et les frapper lorsqu'ils refusaient de rester à leur place. S'endormir tard le soir et se réveiller encore plus tard le matin. Ne pas occuper son temps autrement qu'en dessinant ou en fixant le sol en silence. Refuser de manger ce qui ne lui plaisait pas (c'est-à-dire tout ce qu'on servait dans la cantine de l'hôpital). Ne penser qu'à son seul et unique ami.

Ce que cela n'incluait absolument pas ? Laisser une inconnue pénétrer son espace vital et sa barrière. Laisser une inconnue l'attendrir, la faire sourire, voir même rire face à son comportement immature. Laisser une inconnue transformer ses journées et rendre ses nuits blanches. Et surtout laisser une inconnue lui faire éprouver ce que Zayn aurait sûrement qualifié de "désir" s'il était présent.

À l'instant ou elle autorisa son esprit à formuler ce mot si étrange pour elle, Lauren poussa un grognement et se retourna dans son lit pour enfouir son visage dans son oreiller.

Qu'est-ce qui était en train de lui arriver ? Elle devait se débarrasser de ces nouvelles sensations et reprendre le contrôle de son esprit et de son corps au plus vite. Elle refusait de devenir folle, littéralement ou métaphoriquement.

Quand elle daigna enfin sortir la tête de son oreiller, les yeux cernés et brûlants à cause du manque de sommeil, la lumière était revenue dans la chambre, et le soleil atteignait presque son zénith dans le ciel.

Étirant ses membres endoloris à force de rester immobiles, Lauren s'extirpa du lit. Elle attrapa l'une des tenues qu'elle avait jetée sur le sol la veille par pure frustration et s'habilla lentement. Elle n'était pas pressée de devoir affronter une nouvelle journée sans le moindre gramme d'énergie dans les veines. Elle serait peut-être obligée de manger ce qu'on lui servirait aujourd'hui.

Elle sortit de la chambre, ses pas lourds crissant contre le sol. Et elle se serait sûrement traînée de partout avec une allure de zombie tout au long de la journée si la vision d'une chevelure brune assise à la table n°7 ne l'avait pas simultanément privée de toutes ses nouvelles résolutions et emplie d'une vague d'énergie soudaine qui lui fit presque perdre l'équilibre.

- Camila ? Demanda-t-elle en s'asseyant à sa place habituelle sans même prendre un plateau avec elle.

- Bonjour, Corbeau.

- Tu es..

Lauren s'interrompit lorsque Camila lui tendit une cuillère pleine de semoule à la texture peu invitante (qu'est ce qu'ils avaient bien pu foutre là-dedans ?) avec un de ses grands sourires si caractéristiques sur le visage. Elle grimaça et hésita un instant à refuser. Mais comme mue par une force supérieure, elle se pencha pour accepter la nourriture et avala difficilement.

- Tu es déjà de retour, souffla-t-elle en essayant de retenir un haut-le-cœur

- Quand je suis sortie, personne n'est venu me chercher. Alors je suis rentrée à pied. C'était comme une séance de sport. À la maison, papa et maman n'étaient pas là non plus. Alors j'ai pensé à ce que tu m'avais dit et j'ai essayé de rester là-bas. Tu sais ? De "profiter de ma liberté" ? Mais j'ai mangé tous les biscuits très vite, et je commençais à m'ennuyer. Alors j'ai retrouvé le numéro de téléphone du WPH que mes parents avaient rangé quelque part, et des médecins sont venus me chercher.

Lauren fixa son interlocutrice sans savoir quoi dire pendant un moment, ayant même du mal à croire ce qu'elle entendait. Camila, elle, se contenta de manger sa semoule, dont la plupart des grains avaient été colorés dans ce qui semblait être du vert, avec un air satisfait, souriant.

- Ils mettent de la couleur dans leurs plats, dit-elle la bouche pleine. Tu penses que c'est pour nourrir des lutins ?

- Tes parents ont demandé ta sortie alors qu'ils n'étaient pas là pour te récupérer ? Ce n'est pas logique.. Attends.. Tu n'as mangé que des biscuits pendant 3 jours ?

- À moins que ce soit des lutins qui nous fassent à manger, spécula Camila comme si elle était toute seule.

Lauren se mordit les lèvres pour tenter de réprimer un sourire en l'entendant faire. Un parfait échec. Manifestement, Camila n'avait pas envie de parler de ce qu'il s'était passé ces derniers jours, et elle n'avait d'autres choix que de se plier à son petit jeu.

- C'est bientôt Noël, dit-elle. Je suppose qu'ils font un effort pour rendre les repas un peu plus.. Festifs ?

- Alors ce sont bien des lutins qui préparent à manger ! Je me demande s'ils sont bien payés.

- Peut-être.

Lauren observa sa nouvelle amie dévorer le contenu de son plateau en grimaçant. Comment est-ce qu'elle arrivait à faire ça ? Est ce que la simple idée que son repas avait été préparé par des êtres imaginaires suffisait à en faire disparaître le goût (et l'odeur) immonde ? Si c'était le cas, alors c'était pour le moins.. Impressionnant.

- Au fait, dit la jeune femme en déplaçant ses yeux verts jusqu'au visage lumineux de son interlocutrice. Tu en sais un peu plus sur l'histoire de hm, comment déjà ? Magic Flee ?

- Non. Je n'ai pas encore eu le temps de le lire. Il est resté dans ma chambre quand je suis partie.

Lauren fronça les sourcils. Camila avait une chambre attitrée qui restait la sienne même quand elle partait ? En réalité, maintenant qu'elle y pensait, ce n'était pas vraiment surprenant si on prenait en compte le nombre d'allers et retours qu'elle faisait au sein de l'hôpital. Mais ce n'est pas vraiment ça qui avait le plus piqué sa curiosité.

- Il est dans ta chambre ? Je croyais que personne ne l'avait encore écrit ?

- Exactement.

Camila hocha la tête. Elle porta son verre d'eau jusqu'à ses lèvres après avoir terminé sa dernière cuillère de semoule, sans chercher à développer ses propos ni à apporter plus de lumière sur le sujet.

- Bonjour, les filles.

Elles se retournèrent toutes les deux à l'intervention soudaine du Dr. Brooke. Lauren se tendit aussitôt et se referma sur elle-même tandis que Camila saluait son médecin avec un signe de la main, enthousiaste.

- Alors.. Apparemment comme chaque année, quelques jours avant les fêtes de Noël, l'hôpital va faire venir des animateurs dans L'Atelier de Création pour le transformer en Atelier de Noël, et fabriquer des décorations. J'allais mettre ton nom sur la liste des volontaires, Camila, mais j'ai préféré venir ici pour te demander ton avis avant. Est ce que ça t'intéresse ?

- Bien sûr, répondit Camila en hochant vivement la tête.

- Parfait, je m'en dout..

- Vous pouvez aussi mettre le nom de Corbeau ! Elle en meurt d'envie !

Lauren écarquilla les yeux et sentit sa mâchoire se crisper. Tout en elle lui criait d'intervenir, de prendre la parole pour dénier les mots de Camila. Mais l'air surexcité sur le visage de l'autre jeune femme l'en dissuada très facilement.

N'ayant pas la moindre idée de qui était "Corbeau", le jeune médecin pencha légèrement la tête sur le côté, confuse. Ce n'est qu'en remarquant un vague échange de regard entre les deux patientes qu'elle comprit.

- Oh ! Tu veux dire Lauren ? Très bien, j'ajouterais vos deux noms alors. Merci à vous.

La femme aux cheveux blonds sortit rapidement de la cantine, les mains dans les poches de sa blouse blanche. Camila se tourna lentement vers Lauren, un immense sourire traversant son visage de part en part.

- Lauren. Lauren. Lauren ! Lauren !

Elle continua à crier le prénom en frappant joyeusement dans ses mains, attirant sur elles le regard de tous les occupants de la pièce. Lauren leva les yeux au ciel et passa une main dans ses cheveux.

- C'est bon. C'est bon, tu as gagné.. Tu vas devoir me donner une information au moins aussi importante que celle-là, maintenant.

- Hors de question, répondit Camila en riant, sans cesser d'applaudir. Ce n'est pas toi qui m'a donné ton prénom. C'est Ally ! Parce que je suis plus maline que toi, Corbeau. Lauren.

Lauren poussa un soupir (le seul vrai moyen de s'empêcher de sourire, celui qui réussissait presque à chaque fois) et elle se leva. Elle prit le plateau de Camila et alla le déposer avec les autres avant de quitter la cantine, suivie par la brunette angélique qui du accélérer le pas pour la rattraper et lui prendre le bras alors qu'elle laissait échapper un léger gloussement de temps à autre.

- Bon.. Puisque tu m'as embarqué là-dedans, sans me demander mon avis, tu ne veux pas m'expliquer ce qui va se passer pendant l'Atelier ?

- J'y participe tous les ans. C'est mon moment préféré. Les animateurs viennent toujours avec beaucoup de matériel, plus que d'habitude, et on peut faire tout ce qu'on veut avec ! Enfin, on peut faire tout ce qu'on veut du moment, qu'à la fin, il y a assez de guirlandes et de décorations pour orner tous les sapins de l'hôpital. Tu verras, c'est génial !

- Et je suppose que je n'aurais pas le droit de peindre mes guirlandes en noir ?

- Bien sûr que non ! En rose seulement !

Lauren leva les yeux au ciel. Elle poussa les deux grandes portes de la cantine, et suivit Camila dans les couloirs en enfouissant les mains dans ses poches.

MAGIC FLEE (Camren)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant