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Je déteste l'obsession, ça rend dépendant et fou. Quand on est obsédé on est dans le déni, aveugle sur la situation. On est persuadé que quelque chose va arriver, on y croit dur comme fer et d'un coup c'est la chute libre. Des jours, des semaines et même des mois d'obsession pour rien. Une obsession tout droit sorti de notre imagination, et c'est l'humiliation.
C'est ce que je ressens depuis la première fois que j'ai vu Mia, il m'est impossible de la sortir de ma tête, alors que je ne lui ai jamais parlé. Il y a maintenant un mois qui s'est écoulé depuis que je l'ai vu à la soirée, depuis je ne fais que la croiser de temps en temps dans les couloirs du lycée. J'entends vaguement parler d'elle par certains amis de Zed, apparemment elle aurait fugué de chez elle et ne serait pas revenue au lycée depuis. Personnellement je pense que ce ne sont que des rumeurs, elle est mystérieuse et pas souvent présente en cours ce qui suffit aux lycéens pour inventer tout et n'importe quoi.

Ce soir c'est l'anniversaire de mon frère ce qui signifie que je vais devoir passer la soirée avec ma famille, ce qui n'est jamais une partie de plaisir car c'est toujours un anniversaire de plus passer sans mon père qui nous a abandonné il y maintenant deux ans. Il semblerait qu'il ait trouvé une meilleure vie loin de nous et depuis c'est devenu tendu à la maison, maman est en difficulté financière et avec mon frère on ne fait rien pour aider.
Aujourd'hui j'ai décidé de rentrer à pied pour arriver le plus tard possible chez moi malgré le froid et la fatigue, c'est toujours mieux que de retrouver l'ambiance déprimante à la maison. Sur le chemin quelque chose attire mon attention ou plutôt quelqu'un adossé à la devanture d'un bar, je reconnais Mia, cigarette à la main, le regard dans le vide et je me dis que c'est maintenant ou jamais. Je marche dans sa direction et me pose à côté d'elle, mais elle ne lève même pas les yeux de son téléphone pour me regarder. La meilleure chose à faire est de me faire remarquer et j'essaie d'engager la conversation  :
-euh salut, Mia c'est ça ? lui demandais-je pas sur de moi.
-T'es qui toi ? m'a-t-elle répondu sans même faire un effort pour paraître sympa...
À ce moment-là j'ai hésité entre partir sans me retourner comme un lâche ou continuer la conversation mais j'ai visiblement mis trop de temps pour répondre car pendant que je réfléchissais, elle est partie avec un mec en voiture sans même me regarder. Encore surpris de ce qui venait de passer j'ai attendu cinq minutes avant de me remettre en marche, ce que je pouvais avoir des idées stupides parfois, je ne sais pas ce qui m'a pris d'aller l'aborder comme si de rien était !
Comme je l'avais prévu, la soirée à été plutôt catastrophique, ma mère à essayé de faire comme si tout allait bien, mais ses efforts ont été vains. J'ai beau eut essayer de me concentrer sur la soirée, il y a toujours quelque chose qui m'a ramené à Mia, je me suis demandé si elle serait là demain et surtout j'espère qu'elle ne racontera pas ma tentation de l'aborder car autrement ce serait l'humiliation totale. En plus ce n'est pas du tout mon style d'aller aborder les gens sur un coup de tête et encore moins les personnes comme Mia qui sont si loin de mon univers, mais je crois que cette fille me retourne le cerveau sans même me parler, est-ce vraiment possible ?

Zed me propose d'aller au cinéma avec des potes aujourd'hui et j'accepte en espérant que ça me change les idées. On va voir un film d'horreur comme d'habitude et on prend deux grands paquets de pop-corn qui ne nous font même pas une heure. Il faut aller en rechercher mais personne ne veut y aller alors je me propose pour en même temps m'aérer. En sortant du cinéma je peux enfin respirer, il faut avouer que je n'avais pas vraiment envie d'être là mais je pensais que sortir me ferait du bien et je me suis visiblement trompé... je n'ai pas envie d'y retourner donc je m'en vais pour aller faire un tour, je trouverais bien une excuse pour m'expliquer.
Je marche depuis au moins deux heures, musique dans les oreilles, l'air frais me fait un bien fou, car en ce moment j'ai l'impression que ma tête va exploser et c'est l'horreur. J'ai reçu un nombre incalculable d'appels manqués de mes amis mais je ne les ai pas rappelé pour autant, je n'ai pas envie de parler pour le moment donc je marche sans réfléchir avec l'écho des paroles de Lomepal qui résonnent dans ma tête.
Quand je rentre chez moi ma mère et Zed m'attendent, apparemment furieux, dans le salon. Ma mère ne me fait pas de scène devant mon meilleur ami mais dès qu'il sera parti, je sais que je ne vais pas passer un bon quart d'heure à mon avis. Zed me demande si on peut aller dans ma chambre pour parler, et me suit dans les escaliers. À peine arrivé dans la chambre, il me pose déjà ses questions:
- alors tu étais où ? Parce qu'avec les mecs on s'est fait un sang d'encre, tu aurais au moins pu répondre au téléphone ! Dit-il très en colère.
-Désolé, j'avais vraiment besoin de prendre l'air, et mon téléphone était à plat... Je déteste mentir à Zed mais si je ne le fais pas, il ne me lâchera pas.
Après ça, il a été un peu moins en colère, mais j'ai bien vu qu'il n'avait pas cru à mon mensonge, il m'a quand même dit que la prochaine fois que j'avais envie de prendre l'air je devais les prévenir, il m'énerve quand il me fait la morale mais je ne dis rien.
Ma mère m'a tenu exactement le même discours que Zed, je ne dois pas partir comme ça, je dois au moins appeler, blablabla... Ils m'énervent à me dire ce que je dois faire, j'ai dix-sept ans mais j'ai l'impression d'en avoir dix, le moindre de mes faits et gestes est surveillé et j'en ai marre, je voudrais juste qu'ils me laissent respirer, c'est si dur que ça ?

MyersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant