- Oh, tu es là. Salut, euh... j'allais y aller, alors...
Regarde-moi.
- Tes médicaments sont sur la table, et... j'ai fait du café. Je devrais être de retour dans quelques heures...
Regarde-moi...
- Appelle-moi si tu as besoin... Taehyung est là, juste au cas où...
Jimin...
- À tout à l'heure...
En quelques secondes à peine, après s'être agité pour enfiler sa veste et ses bottines, il referme la porte derrière lui sans un regard pour moi.
Cela fait quelques jours déjà que j'assiste à cette triste scène sans jamais avoir eu les tripes d'y changer quoi que ce soit. Ce matin ne fait pas exception, à peine suis-je sorti du lit que Jimin s'échappe. Me laissant derrière lui, les bras ballants.
Je boitille jusqu'à la cuisine pour avaler un anti-douleur et attraper une clope au passage. Peut-être que la nicotine dissipera les tremblements qui secouent mes mains depuis quelques minutes déjà. La cigarette glissée entre les doigts, je fais le chemin inverse jusqu'au balcon, en clopinant tout au mieux. Entre la foulure et l'attelle qui maintient ma cheville, c'est une véritable lutte acharnée pour marcher confortablement. C'est assez ironique, finalement. Ce poids sur ma cheville me rappelle les boulets qu'on accrocherait aux pieds des prisonniers. C'est ce que je suite : piégé entre quatre murs, terré dans le silence, trainant ma peine. J'exagère ? Sûrement.
Première latte. La fumée me brûle la gorge et je ferme les yeux un instant. Je les ouvre à nouveau lorsque j'entends la porte de l'immeuble claquer.
Seconde latte.
Je reconnais aussitôt sa silhouette, celle-ci se détache si facilement du reste à mes yeux. Mais elle s'éloigne. Je le suis attentivement du regard, mais bientôt elle ne sera plus là. Bientôt elle disparaîtra à ce coin de rue que j'ai fini par détester. Ses petites mains enfouies dans ses poches, la capuche de son sweat gris recouvrant sa chevelure rousse, l'étui de son appareil rebondissant sur sa hanche. Sa démarche est si pressée, que, d'extérieur, on croirait qu'il fuit quelque chose. Mais moi je sais. Je sais qu'il me fuit, moi.
Troisième latte. Je passe la main sur mon visage pour tenter de faire disparaitre ses picotements qui attaquent mes joues et ma nuque.
Est-ce qu'il sait que je suis ici ? Que, depuis ce jour, je viens le regarder s'éloigner ? Est-ce qu'il sent le poids de mon regard dans son dos ? Est-ce la raison pour laquelle il se hâte jusqu'au bas de la rue jusqu'à s'y effacer ?
Quatrième latte. Les picotements sont toujours là, et maintenant ma gorge se noue.
Comment lui en vouloir ? Comment lui reprocher sa fuite ? Moi-même, j'aurais fui. D'ailleurs, j'ai fui. Depuis ce soir-là, depuis notre retour des urgences, depuis notre conversation - notre dispute - je n'ai cessé de fuir et de l'éviter. C'est normal qu'il fasse la même chose, après tout.
Mais la colère est maintenant passée, et il ne me reste rien d'autre que les regrets, que la culpabilité. Je n'ai rien d'autre auxquels m'accrocher.
Cinquième latte. Ma respiration devient tremblante, je grimace lorsque j'expire la fumée puisque celle-ci reste un moment bloquée dans ma gorge.
Est-ce que j'en fais trop ? Qu'est-ce qui tourne pas rond chez moi ? Après tout, j'ai merdé, tout ça, c'est ma faute. Alors pourquoi je ne fais rien ? Pourquoi je le regarde s'éloigner sans rien tenter, aujourd'hui encore ? Depuis combien de temps je me mens à moi-même en me perfusant que tout finira par s'arranger ?
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homophobic | kookmin
RomanceAprès avoir quitté la Corée quelques années pour fuir ses penchants homosexuels, Park Jimin rentre à Séoul. Il ne pensait pas que ses problèmes allaient ressurgir aussi vite. Ni que son problème numéro un s'appellerait Jeon Jungkook. - jikook - tran...