8 [Archibald 𑁍┊Retrouvailles]

628 54 13
                                    

Quelques instants auparavant.

Archibald jouait avec les cheveux blancs de Victoire qui barbouillait sa feuille de couleurs. Elle était étrange, mais il l'aimait passionnément sa filleule.

Pas plus que la chevelure brune de sa femme. Pas plus que Lilianne, ça c'était certain.

Mme Thorn venait partir avec sa fausse pièce d'identité en leur confirmant l'existence de Dieu. Celui qui n'avait pas permis qu'il puisse directement sauver Lilianne sur Sidh, deux ans auparavant. Celui qui avait assassiné indirectement Mme Hildegarde.

Un crime.

Maintenant, Mme Thorn sous le nom d'Eulalie partait dans une quête pour retrouver son rachitique ex-intendant. Étrangement, Archibald ne doutait pas de sa réussite. Ils allaient se retrouver.

Mais, et lui ?
Son épouse, allait-il jamais la revoir ? Il commençait à avoir le coeur recouvert de pierres et seule Victoire lui permettait encore de sourire. Mais, il en avait assez. Son corps saignait de son absence.

Ophélie était persuadée que son mari se trouvait à Babel, mais dans ce cas-là, pourquoi aucun signes d'elle ? Que faisait-elle ? Où était-elle ? Pourquoi Constantin ne lui disait rien à ce propos ? Il restait silencieux à méditer.

Archibald s'éloigna de la petite de Farouk et Berenilde pour laisser ses pas frapper dans le cœur de la nef de la Rose des Vents. Ses chaussures claquaient sur le carrelage. Renold et Gaëlle bidouillaient cette fichue table de pilotage aux mille symboles mathématiques cauchemardesques.

Il réfléchissait. Il pressentait ses veines bouillir et danser. Comme si quelque chose l'appelait. Mais, il ne savait pas. Il n'y connaissait rien. Il ne voulait pas espérer et se faire du mal. Il espérait chaque jours durant.

Comme était-elle maintenant ? Arrivait-elle à vivre hors de sa glace ? Comment était son visage, sa peau, ses cheveux ? Que lui avait donné la cérémonie du Don ? Sûrement pas des millions de morts qui conversaient sans cesse autour d'elle. Bon, il ne pouvait pas se plaindre non plus, il n'y en avait pas dans la Rose des Vents, il était tranquille.

Puis, à chaque fois qu'il fermait les paupières il apercevait son corps juvénile lors de leur tragique nuit de noce annulée par le coup de gueule de Farouk. Vraiment, il le haissait ! Bon, peut-être moins grâce à Victoire et les bonnes mesures politiques qu'il essayait de prendre mais tout de même, il le haissait. Il était heureux de ne plus être son bras-droit.

Je n'ai plus qu'une femme dans ma vie !》 avait-il dit à Mme Thorn.

Victoire. Cette étrange poupée qu'il voulait protéger. Elle lui rappelait l'enfant qu'elle aurait pu déjà avoir avec Lilianne. L'imaginer enflammer le salon de leur château parce que leur nourrisson envoyait de la nourriture à travers le beau tapis était un régale. Il rigola tout seul.

Comme, elle lui manquait.

Il avait hâte que cette histoire de Dieu soit finie et définitivement close. D'être assis face à un jardin d'enfants, à tenir Lilianne sur ses genoux, l'enlaçant par la taille et Mr et Mme Thorn à leur côté, avec Berenilde, Farouk, Mme Roseline observer son enfant, celui des Thorn, Victoire et peut-être même celui de Gaëlle et Renold - même si c'était des domestiques - jouer tous ensemble.

Quelle vision idyllique.

Il chassa tout ça pour éviter de se faire mal encore. Il demanda.

- Ne sommes-nous pas déjà revenus au Pôle ? Je dois remettre cette adorable demoiselle à sa mère si vous voulez que je reste en vie, déclara-t-il amusé en inclinant son haut-de-forme.

- Plus facile à dire qu'à faire ! grogna la mécanicienne à l'oeil bleu électrique. Quelque chose nous empêche de repartir ! On est toujours proche de Babel.

- Comment ça, quelque chose ? demanda-t-il en s'approchant de la table gravée.

- Un pouvoir ou un fil, Monsieur, déclara son valet roux.

C'était à ce moment-là, qu'il remarqua sans penser à son passé et surtout à son futur, une étrange mélodie qu'il n'arrivait pas à comprendre, qui se répercuta dans son esprit. Il attrapa le collier de Constantin comme un tic.

Au même instant, une porte se créa depuis nulle part sur un pan du mur. Une petite alarme retentit dans leur contrôle. La Rose trembla et Victoire en lâcha son crayon rouge.

- On a été rattrapés par un couloir ! clama Gaëlle

- Un couloir ? Je ne comprend rien à votre charabia, très chère.

- Ce n'est pas du charabia, pesta-t-elle, c'est vrai ! Un Arcadien ! Ou que'chose dans ce genre.

Impossible. Ou alors c'était...

- Arrêtez de forcer, ordonna-t-il.

Le vent et la pression retombèrent. Il fixa la nouvelle porte, son sang frissonnait. Et si... oui...

- Nous sommes reliés à Babel, patronne, lança Renold derrière.

Lentement, Archibald s'approcha et ouvrit la porte. Comparé à la Rose, le couloir était dans la pénombre. Un air chaud s'en dégagea, aux senteur exotiques. Il n'entendait plus que des claquements de bijoux.

Son coeur battait à tout rompre.

C'était alors que des ténèbres, il la vit.

Il l'a reconnu, même à moitié dans le noir. Elle était différente mais unique. Impossible de se tromper. Il se contrôla pour ne pas laisser ses genoux se dérober.

- Lilianne ?

Un hoquet de surprise.

- Archibald ? Repondit le timbre de sa voix que qu'il reconnaissait entre mille.

- LILIANNE ! cria-t-il.

- ARCHIBALD ! l'appela-t-elle.

Sans la faire attendre une seconde de plus, oubliant les restes des convenances qui lui aggripaient les chevilles, Archibald courru pour la rejoindre, les bras tendus, une larme se perdant dans sa légère barbe blonde. Au moment où ils se touchèrent, le corridor s'éclaira de lui-même.

Souffle court, côtes brisées, il s'en fichait. Il ne vit qu'une masse rouge se précipiter vers lui et un ruban de cheveux l'emballer tout entier. Il la serra contre lui, tremblant. Il sentait la chaleur de sa peau, le parfum de fleurs et... et... tout serait parfait en cet instant de toutes façons. Il entendait sa respiration contre son oreille.

Archibald pouvait mourir heureux.

- Je t'avais dis que je te retrouverai, ma chère, susurra-t-il contre son lobe.

Lilianne s'écarta de lui pour le regarder. Lui aussi l'observait consciemment. Chaque détail, le temps passé, ses yeux de chouette noisettes aux éclats bleutés. Ses longs cheveux bruns... pour lui elle était toujours la même.

Celle qui marchait sur la mousseline de soie pour être sienne.

- Je sais que c'est vous qui êtes sensée me le dire en premier, ma chère, mais...

- Oh, silence ! lâcha-t-elle avec détermination. Évidemment que je vous aimes ! À la folie ! Je vous l'ai déjà dis... vous êtes mon univers.

Sur ce, avec son courage qui me rappelait tant de souvenirs, elle empoigna mon col mité et m'embrassa de toute son âme. Nos corps ne formaient plus qu'un. Chaleur et glace. Deux mondes unis.

- Vous êtes aussi mon univers et ma vie, ma femme pour toujours et à jamais.

LA FEMME D'ARCHIBALD³ ━゙LA PASSE-MIROIR✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant