Chapitre II

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Son parfum musqué embaume l’espace confiné. Alors que, depuis des mois, je suis insensible à tout ce qui m’entoure, son charisme est écrasant. Je serre fermement mes notes et les articles sur la voyance que j’ai pu regrouper et fixe les chiffres des étages qui défilent.

Je me sens oppressée et observée alors que l’homme en costume noir et toujours plongé dans son journal.

— Les arts divinatoires vous passionnent.

Sa voix grave et sévère tranche avec le silence.

— Pardon ?

Son regard se pose sur ce que je tiens à la main pour appuyer sa question.

— Oh, ça ! Non, ce n’est que professionnel, botté-je en touche.
Je ne souhaite pas entrer dans les détails avec cet inconnu un peu trop curieux, mais je ne l’envoie pas bouler non plus. On ne sait jamais, c’est peut-être un gros client.

— Ça n’a pas l’air de vous réjouir.

Agacée de devoir faire la conversation, je me crispe, mais m’efforce à lui répondre avec un semblant de politesse et courtoisie.

— En fait, c’est plus que l’on m’attribue un travail qui ne m’était pas destiné qui me dérange.

— Vous n’aimez pas les nouvelles expériences ?

Interloquée, je prends le temps de détailler cet inconnu, il est assez jeune, je dirais la trentaine, pas plus, grand, mince, mais sûrement musclé sous son attirail du parfait businessman. Ses yeux d'un bleu profond font ressortir le brun corbeau de ses cheveux. Une mèche tombe négligemment sur son front, je suis certaine qu’il a fait exprès de se donner un style coiffé décoiffé. Les traits de son visage sont fins, sa mâchoire légèrement carrée, il a plutôt le physique d’une gravure de mode que d’un homme d’affaires. Le col de sa chemise blanche dépasse de sa veste noire. Il n’a pas de cravate ni d’attaché-case, mais une grosse montre habille son poignet. Il me rappelle quelqu’un, mais je ne saurais pas dire qui exactement.

Toujours bouche bée de sa dernière question, les portes s’ouvrent enfin sur l’immense rez-de-chaussée.

— J’aime les nouvelles expériences quand j’en suis l’instigatrice.

Sur ma phrase, d’une intonation plutôt sèche, je quitte la cabine à toute vitesse sans me retourner.

Le manque de sommeil que j’accumule depuis des mois ainsi que le rôle que je me donne en public m’épuise. Soulagée, je rentre enfin dans mon petit appartement et romps le contact avec le monde extérieur. L’endroit n’est guère chaleureux, les cartons de mon déménagement envahissent le salon et la cuisine.

Quatre mois que j’ai investi les lieux et je n’ai aménagé que la chambre d’un simple lit et d’une armoire. Pour le reste, rien n’est déballé, je n’ai pas eu le cœur à m’établir dans ce nouveau chez moi où tu n’es pas. C’est pourtant moi qui ai voulu partir de notre ancien appartement, tout me ramener à toi et c’était devenu un supplice que je n’arrivais plus à supporter.
Ici, au moins, je n’ai aucun souvenir. C’est juste un espace que j’occupe pour le travail, dormir et rien de plus. Une fois débarrassée de ma tenue, j’enfile un vieux bas de survêtement et un débardeur et me plonge dans l’univers abracadabrant du spiritisme.

***

Je traîne longuement ce matin, ce rendez-vous n’est pas pour me plaire, devoir jouer la cliente en quête de réponses venues de l’au-delà est stupide et complètement absurde. J’ai eu le temps de réfléchir pendant ces deux jours et l’article sur les déguisements d’Halloween aurait été parfait. Là, il y en avait des choses à dire, ceux de couples, ceux inspirés des blockbusters de l’année ou encore faisant référence à un fait sociétal. J’emporte avec moi un café, je finirais de le boire dans la voiture coincée dans les bouchons.

Après toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant