dans mes pensées | tsukiyama

cinq

Je cours jusqu'aux vestiaires. Là bas j'attrape mes affaires et repars sans même prendre le temps de me changer. Je sors en trombe de l'établissement et ralenti tout de même en arrivant dans la rue.
Notre point de rendez-vous comme l'a appelé Suga, c'est un banc où nous avons l'habitude de nous poser tous les deux. Il est sur le chemin entre nos maisons et le lycée. Je n'aurai besoin que de quelques minutes pour y parvenir pourtant je ne peux m'empêcher de me hâter. Je pense que j'ai inconsciemment peur de perdre ce courage que Sugawara m'a aidé à acquérir. Sans lui je serais toujours à mon point de départ actuellement. Je lui suis très reconnaissant pour tout ce qu'il fait. Je pense qu'il ne s'imagine même pas à quel point ce qu'il m'a dit a changé les choses pour moi. Je me sens enfin en capacité d'agir. J'espère au moins que tous ses efforts à mon égard ne seront pas vains... Mais j'ai confiance en Sugawara !

La nuit commence à tomber. D'après ce que m'a dit Suga, Tsukki devrait être au banc dans environ vingt minutes si je ne me trompe pas. Je tâte mes poches à la recherche de mon téléphone afin de vérifier l'heure. Ne le trouvant pas je m'arrête et fouille rapidement mon sac avant de me rappeler : je l'avais branché dans les vestiaires. Je l'ai donc oublié pendant qu'il chargeait... Décidément je ne sais pas si j'arriverai à récupérer toute ma tête un jour... J'estime ne pas avoir le temps d'y retourner, quelqu'un le prendra pour moi. Ça peut bien attendre, mon téléphone n'est pas plus important que Tsukki. Je reprends donc ma route.

Je me dépêche ne préférant pas rester seul dans la rue trop longtemps alors que le soleil ne se fait déjà presque plus voir. J'arrive enfin au parc en question. J'y entre et me dirige vers ma destination. En théorie Tsukki ne devrait pas être encore là.

Pourtant je vois bien quelqu'un assis au bout de "notre" banc, sous la lumière d'un lampadaire. C'est bien lui. Tsukki, casque sur les oreilles, tourne la tête vers moi. Soudain mon entrain semble parti... Ça me fait drôle de le revoir après tous ces événements...

Il enlève son casque :

- Salut. Sugawara-san m'a dit que tu voulais me voir ici.

Alors c'est vraiment Suga qui lui a donné rendez-vous ! Je n'en étais pas sûr jusque là... J'hésite un peu puis me lance, Sugawara n'a pas fait tout ça pour que je me dégonfle.

- Euh... Oui en effet

Je m'approche et pose mon sac par terre. Ne sachant comment m'y prendre je m'assoie en lui demandant :

- Ça fait longtemps que tu attends ?

Il ne me prête aucun regard :

- Un peu. Ça va. Je t'avais prévenu que je serais finalement en avance. Tu n'as encore pas vu mon message ?

Mince... Je me sens à nouveau gêné pour ce nouveau compromis... Je hoche négativement la tête :

- N- non...

Il soupire :

- Tu as oublié ton portable aux vestiaires je me trompe ?

Je baisse la tête :

- Gomen Tsukki...

- Il va vraiment falloir que tu te reprennes.

Je serre les poings. Il repart dans ses remarques désagréables... Elles sont certes vraies mais surtout très irritantes...

- D'abord tu te prends un ballon en pleine figure, ensuite tu n'écoutes pas en cours, maintenant tu oublies tes affaires... J'ai l'impression que tu es sans cesse dans la lune.

Je n'ose pas bouger ou répliquer. Je garde le regard vers mes poings que je continue de serrer sur mes genoux.

- Si tu continues comme ça tu vas prendre du retard, aussi bien en cours qu'en volley.

J'aimerais lui répondre que je le sais mais je n'y parviens pas... La douleur due aux reproches de Tsukishima m'empêche d'agir. Je sens des larmes se former aux coins de mes yeux. Il doit me trouver ridicule... Non, je ne dois pas me laisser abattre. Je dois tenter ma chance !

Il se lève en continuant :

- Sérieusement je ne sais pas ce que tu as dans la tête en ce moment mais tu ferais mieux de te reprendre.

Soudain je sens enfin mon corps bouger. Sans vraiment me rendre compte de mes actes, je l'attrape fermement par le col. Je ne lui laisse pas le temps de réagir, je le regarde droit dans les yeux alors que les miens sont remplis de larmes. Je hurle le plus fort que je le peux, comme si un besoin d'évacuer tout cela se manifestait tout à coup :

- C'est toi que j'ai tout le temps en tête ! Tu occupes toutes mes pensées ! Je ne fais que te regarder ! Mais toi tu es visiblement trop aveugle pour le voir !

Je reprends mon souffle et me calme peu à peu. Je me rends alors compte de mon geste et lâche le blond. Je me tourne dos à lui en regardant le sol, les joues inondées de larmes.

- Gomen... Tsukki...

Il ne semble pas réagir tout de suite. Après quelques instants qui me paraissent durer une éternité, il rompt ce lourd silence :

- Yamaguchi

Je renifle et tourne légèrement la tête vers lui sans le regarder. Il s'approche de moi.

- Yamaguchi...

Sûrement voyant que je reste immobile, il se met devant moi. Je regarde toujours le sol en pleurant.

Soudain sa main s'approche de moi... de mon visage. Il prend délicatement mon menton entre ses doigts et relève doucement ma tête vers lui. Avant que je n'ai le temps de comprendre quoi que ce soit, il se penche vers moi et pose ses lèvres sur les miennes. Je suis d'abord évidement surpris. Mais je ferme les yeux, faisant encore couler quelques larmes. Ça me paraît irréel mais je suis heureux de ce baiser dont j'ai rêvé depuis si longtemps.

Tsukki recule et je rouvre les yeux. Je croise son regard doré. Sa façon de me regarder n'est pas comme d'habitude. Il fait glisser sa main sur ma joue humide. Il me donne un sourire que je n'avais jamais vu sur ses lèvres auparavant... Un sourire... sincère et plein de douceur.

- Excuse moi pour tout ce que je t'ai dit, je ne voulais pas te blesser... s'excuse-t-il.

Je l'observe un instant avant de l'enlacer fermement, enfouissant mon visage contre son torse.

- Je m'excuse aussi pour tout ça... Gomen Tsukki

Je le sens passer sa main derrière ma tête, caressant agréablement mes cheveux.

- Ne t'en fais pas

Il a un léger rire :

- Je le méritais de toutes façons

Puis il marque une pause avant d'ajouter :

- Et... Appelle moi Kei

À ces mots je ne peux m'empêcher de le serrer un peu plus contre moi. Je lui réponds avec un petit sourire :

- D'accord

Ma voix est un peu étouffée par mes pleures et il le remarque.

- Tu pleures encore ?

Je recule un peu pour qu'il me voit, laissant mes mains dans son dos. Je lui souris chaleureusement en essuyant mes dernières larmes.

- Non non, ne t'inquiètes pas... Ce sont juste des larmes de joie, lui dis-je avec le plus beau sourire que je n'ai jamais fait.

J'essuie mon visage avant de poser mes mains sur ses joues. Je me mets sur la pointe des pieds et l'embrasse à mon tour. Il répond à mon baiser, me tenant par la taille en même temps, ce qui a le don de me faire rougir légèrement. Je recule et le regarde dans les yeux pour lui dire calmement :

- Je t'aime Kei

Il me sourit de la même manière que tout à l'heure, d'un beau sourire qui fait fondre mon cœur avant de répondre :

- Je t'aime aussi Tadashi