Chapitre 9 -Bury a friend

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Lumière bien trop agressive, jingle insupportable lorsqu'un client entrait, playlist composée d'une dizaine de musiques qui tournait en boucle ; le combini était loin d'être le lieu idéal pour travailler ses cours. Mais Emi préférait finalement ça à son studio. Ici, elle n'avait pas à supporter l'horrible voix de son voisin qui faisait du karaoké jusqu'à pas d'heure, ni ses épouvantables voisins de palier qui comptaient bien battre un record de décibel lors de leurs ébats.

Vingt-trois heures. Elle mangeait des nouilles instantanées bruyamment au comptoir, jetant de temps à autre quelques regards à ses fiches de révision. Le caissier était habitué à sa présence ; cela faisait maintenant plusieurs soirs de suite qu'elle venait ici après ses cours, en plein milieu de la nuit ou en plein week end. Emi avait fait quelques efforts vestimentaires les premiers jours, puis avait rapidement arrêté par simple paresse. Elle venait désormais vêtue de son bas de pyjama et d'un de ses énormes pulls difformes dans lequel elle pouvait s'effacer. Se cacher lorsqu'elle croisait des personnes qu'elle ne voulait pas rencontrer. Se faire toute petite.

Le mois débutait doucement. Elle avait encore un endroit où dormir, elle n'avait pas forcément beaucoup d'argent pour la vie de tous les jours, mais elle avait décidé de mettre sa "vie de nuit" de côté le temps de ses examens. Elle allait bien finir par vendre quelques babioles et livres en attendant de pouvoir reprendre le travail. Yon était au courant de cette contrainte ; il lui avait répondu qu'il s'en foutait, le principal étant qu'elle ramène la somme convenue à la fin du mois. Peu importe comment.

Énième jingle. Énième client qui entrait dans l'épicerie. La jeune femme n'y faisait plus attention, elle se focalisait entièrement sur ses nouilles qui ne devaient surtout pas éclabousser ses notes.

— Cinq paquets de Vogue*, dit une voix d'homme qu'Emi reconnue de suite.

Elle tourna discrètement la tête vers la caisse pour vérifier ses soupçons. La tâche était ardue : le client en question était dos à elle, sa carrure difficile à deviner derrière son sweat, ses cheveux impossible à voir à cause de sa capuche, et son jean slim noir ne lui donnait pas plus d'information. Étrange. Elle était persuadée d'avoir reconnu sa voix.

Dans le doute, elle s'accouda un peu plus sur le comptoir, essayant délibérément de cacher son visage derrière sa main. Emi n'était pas vraiment inquiète. Même si c'était la personne auquel elle pensait, jamais il ne la reconnaîtrait ainsi. Ses cheveux étaient à leur état naturel : ébouriffés, dans tous les sens, et semblaient obéir à une volonté qui leur était propre. De plus, il ne l'avait jamais vue dans ce genre vestimentaire et ils ne s'étaient jamais croisés en dehors de leurs rendez-vous. Non. Il ne la reconnaîtrai pas. Elle en était certaine.

Et pourtant ses mains étaient moites. Son pouls s'était accéléré. La jeune femme ferma les yeux quelques instants en maudissant tous les Dieux qu'elle connaissait... Tokyo était assez grand, pourquoi était-il dans son combini ? Des milliers de combini à Tokyo, pourquoi celui là ? Et enfin, pourquoi se mettait-elle dans tous ses états ?

Les minutes semblaient durer des heures. Figée sur son tabouret, elle n'arrivait pas à savoir s'il était reparti, si elle était enfin tranquille.

Elle releva lentement, très lentement la tête et commença par regarder à sa gauche, vers l'arrière de la boutique. Personne.

Elle tourna alors la tête à droite et sursauta : à quelques centimètres de son visage se tenait l'homme qui hantait ses pensées depuis plusieurs semaines désormais. Il était méconnaissable, ses cheveux habituellement si bien coiffés étaient en désordre et cachaient presque ses yeux gris, ses traits étaient tirés de fatigue, et d'immenses cernes se dessinaient sur son visage parfait. Que s'était-il donc passé depuis leurs dernière rencontre ? Malgré ça, il affichait encore son petit sourire en coin lorsqu'il la regardait. Il restait tout autant charismatique, envoûtant.

Re: Memento MoriOù les histoires vivent. Découvrez maintenant